Ouvre les yeux !

Le photographe ghanéen Roasted Kwelu expose à Genève, dans un nouveau lieu dédié à l’art contemporain africain. Des photos d’arts puissantes, parfois dérangeantes, qui invitent à rester sur l’image, puis à aller au-delà.
Par Marie-Anne Lubin
Un petit tour à Genève ? Depuis le 15 mars, la nouvelle galerie d’art conçue par Filafriques propose sa première exposition, dédiée au photographe Roasted Kwelu. De son vrai nom Samuel Darko Awuku, le jeune artiste ghanéen – il n’a que 25 ans –, présente une cinquantaine de photographies. Son art consiste à utiliser des codes du photojournalisme ou de la photo ethnographique, voulant toucher au vif et à l’émotion, tout en procédant à une évidente mise en scène, à l’exemple d’une photo de mode.
La scénographie vise à illustrer les introspections de l’artiste, tel un journal intime qui se dévoilerait à nous, sans fausses pudeurs. Une invitation à rester sur l’image et à aller au-delà. Bref, « Ouvre les yeux ! », nous demande l’artiste.
Les contrastes avec les peaux noires, huilées, sont évidents. Objets et vêtements se détachent d’un fond plus pastel, plus froid, comme si au fond, l’environnement des sujets n’avait pas d’importance. Où sont les femmes et les hommes ainsi présentés ? En Afrique, en Occident, dans la rue, dans un studio ? À chacun de se faire une idée des intentions de l’artiste, en évacuant ainsi cette question. Des mises en scène très esthétiques, des regards troublants, mais surtout, souvent, des émotions puissantes qui se dégagent et saisissent le spectateur.
Filafriques se présente comme un « acteur engagé de l’art contemporain africain ». Basée en Côte d’Ivoire, cette structure ouvre sa première galerie à Genève, afin de faire connaître l’art africain en Suisse.
Carine Biley, sa fondatrice, a croisé sa vision avec celle de Perrine Bah Yabi, fondatrice de Wax Up Africa, la plateforme de vente de tissus, qui dispose de son propre lieu d’exposition dans la ville du bord du lac. Et qui expose aussi Darko Awuku jusqu’au 15 avril.
Elles vous invitent à découvrir la richesse, la diversité et la pluralité de l’Afrique contemporaine par le biais de l’art. Leitmotiv : « Montrer, présenter, partager ces œuvres si singulières d’artistes résidant sur le continent africain ou dans sa diaspora. » Les deux amies entendent aussi décloisonner l’art et faire des sites d’exposition un lieu de découvertes, de rencontres et de transmission d’émotions, au sein duquel tout un chacun se sente le bienvenu.
Les jeudis, Filafriques lance les « artpéros », des rendez-vous qui se répèteront sans jamais se ressembler, où le visiteur peut plonger dans l’univers de l’artiste exposé. « On échange autour des thématiques qu’il aborde, on décrypte ses oeuvres, on se rencontre, on se raconte, on apprend, on s’évade, tout en dégustant des saveurs venues d’Afrique », promettent les Carine Biley et Perrine Bah Yabi. L’occasion d’y rencontrer, jusqu’au 17 juin, Roasted Kwelu.
Revenons à ce dernier. Le jeune photographe ghanéen ans possède cette « rare faculté de voir la beauté partout où il pose les yeux », s’enthousiasment les galeristes.
Né en 1997, Awuku Darko Samuel est un photographe conceptuel de Suhum, au Ghana. Il a commencé à étudier les arts visuels lorsqu’il était au lycée, dont il est diplômé en 2017. Il a emprunté des smartphones à des amis pour prendre des photos jusqu’à ce qu’il possède le sien. Il a commencé à explorer la photographie et divers outils afin de créer des méthodes visuelles de narration.
Bien qu’il ait de l’expérience de nombreux médias différents, tels que la gravure africaine, le travail du cuir et la céramique, il préfère la photo, en raison de la rapidité et de l’abondance des téléchargements et des idées qui lui sont offertes. La photographie conceptuelle d’Awuku s’inspire énormément de sa culture et des gens qui l’entourent. Il incorpore souvent des objets courants du quotidien dans sa photographie, les utilisant comme quelque chose au-delà de son objectif. Grâce à sa vision, ses modèles, ainsi que ses accessoires, évoluent en des images éditoriales de haute qualité qui ne sembleraient pas déplacées, en effet, dans un magazine de mode. En impliquant les jeunes Africains dans ses photographies, il vise à leur montrer et à leur apprendre qu’il existe une possibilité infinie de créations à faire même avec des ressources limitées disponibles et à promouvoir le patrimoine du continent.
Roasted Kwelu par lui-même.
Exposition Ouvre les yeux, par Roasted Kwevu.
Afrikalab, 32 rue des grottes, 1201 Genève, Suisse.
En savoir plus sur https://www.filafriques.gallery/
@MALubin