Mounira Harbi-Riahi : La préhistoire est une discipline qui progresse

Universitaire réputée, Mounira Harbi Riahi est pionnière dans l’étude de la Préhistoire en Tunisie, après l’indépendance du pays. Elle a eu plusieurs distinctions pour son action, dont celle de « Femme au service du Patrimoine » décernée par le ministère des Affaires culturelles.
Propos recueillis
Comment est venue cette vocation de vous intéresser à la préhistoire, qui était un « angle mort » dans l’univers de la recherche universitaire de la Tunisie devenue indépendante ?
L’influence de mes professeurs d’histoire, au lycée, a été déterminante tout au long de mes études. Je leur rends hommage pour m’avoir appris comment accéder à la connaissance. Je dois aussi ma vocation à l’ouverture d’esprit de mon père, enseignant et pédagogue. J’ai commencé par une licence d’histoire-géographie à la faculté des Lettres et sciences humaines. Dans cet univers entrecroisé d’histoire et de géographie, je voulais, plus que jamais, accéder à l’histoire des origines de l’humanité.
Avez-vous été comprise, encouragée, accompagnée, dans cette discipline nouvelle pour la Tunisie ?
Je fus en effet encouragée par les instances de mon pays pour me spécialiser dans cette nouvelle discipline. C’est ainsi qu’il me fut accordé une bourse nationale d’études en préhistoire.
La nouvelle génération a évolué. Dans les universités tunisiennes, des thèses de préhistoire et d’anthropologie sont régulièrement soutenues. Je peux vous affirmer que la préhistoire tunisienne est entre de bonnes mains aujourd’hui !
Comment avez-vous procédé pour recomposer et valoriser cette histoire méconnue ?
Tout devenait possible une fois ouvertes les portes d’accès aux études de la préhistoire et de l’ethnologie. La recherche et les fouilles sur le terrain, dépasse la théorie. Je salue au passage la mémoire de mon grand patron, le professeur André Leroi-Gourhan. En parallèle, il fallait évidemment continuer ses études et recherches à partir de documents archéologiques, des sites et des gisements préhistoriques en Tunisie ; en France : au Musée de l’homme et à l’Institut de paléontologie humaine ; en Tunisie : à l’Institut national d’archéologie et d’art et au musée du Bardo.
Qu’avez-vous découvert en travaillant sur cette autre Tunisie ?
Humainement, j’ai découvert le monde de naturalistes, de voyageurs, de pionniers, de scientifiques pas toujours des spécialistes, de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Nous leur devons nombre de découvertes, de sites et de gisements de référence, ainsi que des documents archéologiques qui constituent une partie des archives de la préhistoire de la Tunisie.
Cela s’est traduit, en 1967, par un État des connaissances de la préhistoire de la Tunisie. Notre histoire dépasse les 3 000 ans ; elle remonte à l’Antiquité. Le sol tunisien révèle toutes les étapes de l’évolution africaine, maghrébine et méditerranéenne.
Où en est-on aujourd’hui après tout ce travail pour bâtir le socle d’un narratif sur cette période ?
Dans le cadre de l’institution qui avait la charge du Patrimoine (Institut national d’archéologie et d’art – Institut national du Patrimoine), mon objectif était d’œuvrer pour « bâtir le socle » d’une infrastructure scientifique propre à la préhistoire et dans tous les domaines possibles. Ce premier socle a été à la base de l’élaboration de L’Atlas préhistorique de la Tunisie afin de répertorier nos sites et pouvoir les préserver.
Parallèlement, nous avons formé de jeunes chercheurs pour constituer des équipes scientifiques multidisciplinaires. Ces formations étaient nécessaires pour assurer la pérennité de ce nouveau savoir en Tunisie. Un cours d’initiation à la préhistoire fut donné à la faculté des Lettres et sciences humaines de Tunis en 1968, et à l’institut des Beaux-arts.
À titre d’anecdote, cette toute nouvelle discipline à l’amphithéâtre, lors de ma première intervention, est resté gravé dans ma mémoire !
Comment voyez-vous la suite, c’est-à-dire les nouvelles générations de préhistoriens ?
La relève sur laquelle j’ai veillé au cours de ma carrière est assurée par la nouvelle génération de chercheurs et de conservateurs spécialisés dans différents domaines dont l’industrie préhistorique, l’archéologie expérimentale, la datation, la paléontologie, l’ADN fossile, etc.

Cette nouvelle génération a évolué et est aujourd’hui à l’œuvre sur la prospection, les fouilles, les études de laboratoire, la programmation muséographique, les journées d’étude, les communications scientifiques, les travaux en coopération, les publications et classements. Dans les universités tunisiennes, des thèses de préhistoire et d’anthropologie sont régulièrement soutenues. La préhistoire est une discipline qui a progressé partout. En Tunisie aussi.
Notre patrimoine préhistorique est important. Le Capsien (de Gafsa, sud tunisien) est une culture qui remonte à 10 000 ans, une période durant laquelle le mode de vie en Afrique du Nord devenait sédentaire ou semi-nomade. Je peux vous affirmer que la préhistoire tunisienne est entre de bonnes mains aujourd’hui.
SU
Publications
Aux origines du Capsien en Tunisie, 2020.
L’Akarit, un site archéologique du paléolithique moyen dans le sud de la Tunisie. Édition Recherches sur les Civilisations, 2003.
Atlas préhistorique de la Tunisie (12 fascicules parus entre 1986 et 2002).
Trente ans au service du Patrimoine (XXVIIIe centenaire de la fondation de Carthage), 1986.
2 Commentaires
Merci. Vous m’avez aidez dans ma recherche. Mes sentiments de gratitude.
Merci. Vous m’avez aidé dans mon sujet de recherche. Mes respects et mes sentiments de gratitude.