Une stratégie claire
La Banque européenne d’investissement soutient en priorité le développement des infrastructures et le secteur privé. Isabelle Van Grunderbeeck, sa représentante à Dakar, donne son éclairage sur les projets et les financements de l’institution.
Isabelle Van Grunderbeeck Représentante de la Banque européenne d’investissement (BEI) en Afrique de l’Ouest
La BEI est peu connue au Sénégal, quels sont vos champs d’intervention prioritaires, le montant des fi nancements ?
La BEI est la banque de l’Union européenne (UE) dont les actionnaires sont les 28 États membres. Nos financements sont à 90 % destinés à l’UE et 10 % à l’extérieur. Le portefeuille de la BEI en Afrique de l’Ouest est de l’ordre de 1,45 milliard d’euros, dont un portefeuille actif direct au Sénégal de 80 millions d’euros. S’y ajoutent 36 millions d’euros financés indirectement à travers d’autres institutions financières. Les investissements en capital par les fonds d’investissement dont nous sommes actionnaires atteignent 50 millions d’euros, notamment en soutien aux PME.
Nous avons trois axes prioritaires d’intervention : le développement des infrastructures économiques, le soutien au secteur privé par des financements indirects, l’appui aux projets en lien avec le changement climatique, voire le soutien à l’industrie, notamment dans le secteur agrobusiness.
La BEI a annoncé une augmentation de ses investissements dans les pays ACP pour la période 2014-2020, quelles en sont les motivations ?
Il est effectivement prévu une augmentation graduelle de nos activités. Nous venons d’accorder une enveloppe de 500 millions d’euros supplémentaires destinée à l’investissement d’impact, c’est-à-dire à des projets contribuant de manière encore plus marquée au développement, dans une perspective globale de réduction de la pauvreté.
Comment situez-vous le Sénégal par rapport au reste de la région ?
La croissance économique est encore relativement faible. Deux éléments peuvent expliquer cette situation : le rythme de mise en oeuvre des projets et le manque de dynamisme du secteur privé. C’est, peut-être, une question d’écosystème. Il est très difficile pour une PME de se financer, mais c’est aussi un segment en général assez difficile à financer pour une banque. Souvent, cela passe par un financement en capital et notre orientation actuelle est de contribuer au marché du private equity.
Le PSE a le mérite d’exprimer une vision et une stratégie claire et de réunir des moyens pour le suivi. C’est un cadre ; il reste à réussir la mise en oeuvre, patiemment, projet par projet. Nous y travaillons.
Quelle est votre implication dans les grands chantiers et plus particulièrement ceux du PSE ?
Nous avons annoncé une participation, à hauteur de 300 millions d’euros, lors du groupe consultatif de Paris. Cela correspond à des projets déjà identifi és dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, à des projets régionaux comme l’appui à l’OMVG (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie) pour la construction du pont de Rosso, la réhabilitation du rail Dakar-Bamako. Restent des projets à identifier, notamment pour le secteur privé dans l’agriculture.
Aujourd’hui, quels sont les projets qui se structurent ?
Sur les projets pré-identifiés, le pont de Rosso et le soutien à l’OMVG ne sont pas des projets nouveaux, mais des interventions qui progressent. Un des projets le plus avancé est la construction d’une troisième usine pour l’augmentation de la capacité d’adduction en eau potable de Dakar. En matière d’assainissement, une action dans les villes moyennes est en cours de préparation. Les projets d’infrastructures existent en général, mais ils nécessitent un travail conséquent de préparation.
Certains projets ont pris du retard, d’autres ont tendance à s’enliser comme la dépollution de la baie de Hann. Comment expliquez-vous ces retards ?
Pour le projet de la baie de Hann, il est vrai qu’il a subi des retards importants. Nous avons signé un avenant fin novembre 2014 qui permet de repousser de cinq ans la période de disponibilité. Le projet est très complexe, peut être a-t-il été approuvé trop tôt. Notre prêt de 20 millions d’euros représente environ 40 % des coûts. Pour autant, nous ne considérons pas que ce projet est enlisé. Il progresse vers sa mise en oeuvre, mais s’est révélé complexe dans sa préparation qui suppose le choix de l’emplacement de la station d’épuration, la réalisation des études environnementales. Le travail prend du temps, mais les effets se feront sentir.
Vous êtes arrivée à ce poste récemment ; quel est votre regard sur la stratégie de développement du pays ?
Elle est maintenant très clairement exprimée dans le PSE, qui reprend les grands objectifs qui sont également ceux de la BEI : développement des infrastructures, avec un accent particulier sur l’énergie et de manière générale une dynamisation de l’économie par le secteur privé. Il est important pour le pays de focaliser les efforts des différents acteurs, y compris des bailleurs de fonds, sur ses priorités. Il me semble que le Plan peut atteindre cet objectif, car il a le mérite d’exprimer une vision et une stratégie claires et de réunir des moyens pour le suivi. C’est un cadre ; il reste à réussir la mise en oeuvre, patiemment, projet par projet. Nous y travaillons.