Un budget basé sur des prévisions réalistes
Grandes orientations budgétaires et économiques de la transition, généralisation du budget- programme, discussions avec le FMI, Amina Billa-Bambara, ministre chargée du Budget, lève un coin de voile sur les ambitions du gouvernement de transition.
Amina Billa-Bambara Ministre délégué au Budget, Burkina Faso
Le budget 2015 s’élève à 1 516,5 milliards de F.CFA. En quoi reflète-t-il les attentes de la population ? Est-ce un budget réaliste ?
Le projet de budget 2015 avait initialement été élaboré en tenant compte de certaines priorités du gouvernement précédent. Avec les événements des 30 et 31 octobre 2014 qui ont entraîné la mise en place d’un gouvernement de transition et du Conseil national de transition (CNT), ces priorités ont été revues, pour tenir compte des préoccupations des citoyens, préoccupations qu’ils ont d’ailleurs exprimées lors des différentes manifestations.
Nous avons tenu compte, d’une part, d’un environnement international et régional pas tout à fait favorable, et d’autre part, d’un contexte sociopolitique et économique au plan national caractérisé par l’insurrection populaire, qui ont abouti à la constitution de la charte et des organes de la transition. C’est ce contexte qui a permis d’élaborer ce budget, lequel peut être qualifié de budget d’austérité, car sincère : les dépenses ont été adossées sur une prévision de ressources réalistes. Ainsi, le nouveau gouvernement, tout en poursuivant les actions de réduction de la pauvreté, par l’accélération de la croissance et la création de richesses pour un développement inclusif, met davantage l’accent sur les quatre priorités que sont le renforcement de la sécurité intérieure et de la défense nationale ; l’amélioration de la justice ; l’affirmation de la gouvernance ; et la consolidation des acquis sociaux.
Le budget 2015 est élaboré en tenant compte du scénario tendanciel pour plus de réalisme dans les prévisions des recettes et des dépenses. Donc, pour répondre directement à votre question, on pourrait affirmer que « oui », les prévisions du budget 2015 tiennent compte des capacités de mobilisations réelles des régies de recettes. Du reste, les prévisions de recettes ont été revues à la baisse par rapport à celles initialement arrêtées avant les événements.
Le budget comporte un besoin de financement non négligeable. Comment comptez-vous combler le déficit ?
Il s’agit exactement d’un écart de financement de 28, 6 milliards de F.CFA. J’insiste : c’est un budget d’austérité mais réaliste car se fondant sur une hypothèse très prudente en matière de mobilisation des ressources.
À fin mars 2015, les intentions, en termes d’appuis budgétaires, s’élevaient à 170 milliards de F.CFA. De son côté, le gouvernement poursuivra sa politique de mobilisation des ressources auprès du marché financier régional, à travers l’émission d’obligations du Trésor. Toutes ces actions devront permettre de couvrir le besoin de financement.
Le Burkina Faso continue de bénéfi cier de l’attention de ses principaux partenaires, comme en témoignent les différentes missions de préparation de projets et des appuis budgétaires.
L’insurrection a accentué les fortes attentes des populations, notamment sur la réduction du train de vie de l’État, l’accès à l’emploi, la réduction des prix des produits de première nécessité, etc. Quelles mesures concrètes le gouvernement propose-t-il ?
La situation des finances publiques reste morose dans ce contexte de transition politique. Les populations quant à elles expriment de nombreuses attentes, somme toute légitimes, pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Face à cette situation, le gouvernement vise à assainir un tant soit peu les finances publiques et dégager des économies qui seront orientées vers la prise en compte des problèmes urgents du moment. Nous essayons d’apporter, au mieux, des solutions aux fortes attentes des populations. L’État a engagé une trentaine de mesures visant à réduire son train de vie. Elles devraient générer 30 milliards de F.CFA d’économies.
D’autres mesures sont également en cours. Je pourrais citer, entre autres, l’opération « billetage » qui permettrait d’assainir le fichier de la solde. Il faut le reconnaître, les dépenses salariales constituent aujourd’hui un poste de dépenses important. Nous devons nous assurer que ce que nous payons comme salaires correspond effectivement à des prestations effectuées par des personnes présentes dans l’administration. Dans le domaine de l’accès à l’emploi et aux activités génératrices de revenus, le gouvernement a adopté, en mars, un Programme socio-économique d’urgence de la transition (PSUT), d’un montant de 25 milliards F.CFA. Il met l’accent sur le soutien aux initiatives des jeunes et des femmes et le renforcement des infrastructures éducatives et sanitaires. Sa mise en oeuvre devrait permettre la création de 10 000 postes au profit des jeunes et des femmes, qui généreront près de 30 000 emplois ; l’amélioration de l’offre éducative par la construction de 75 complexes scolaires, la réalisation d’infrastructures universitaires dont deux amphithéâtres de 2 500 places chacun à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou ; l’amélioration de l’offre sanitaire par la construction de 80 centres de santé et de promotion sociale.
Enfin, nous avons décidé de poursuivre les contrôles des prix pour les produits de première nécessité. Nous constatons la baisse du prix des hydrocarbures, même si, nous en sommes conscients, celle-ci ne répond pas entièrement aux attentes de la population.
Vous avez conduit de 2009 jusqu’à votre nomination, la réforme du budget-programme avec, pour objectif, son implantation totale en 2017. Quelles sont les ambitions de cette réforme ?
Elle vise une modernisation de la gestion des finances publiques, qui s’impose de nos jours, afin de prendre en compte les nouvelles normes et techniques de gestion et de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales en la matière : une nouvelle approche de la dépense publique avec l’introduction de la gestion axée sur les résultats, un nouveau référentiel comptable, avec nécessité d’introduire davantage de transparence et de rigueur dans le dispositif.
Cette réforme vient corriger les insuffisances liées au système de gestion budgétaire actuel, où le budget, appelé « budget objet » ou « budget de moyens », est conçu par nature de dépenses tendant plutôt à justifier des taux d’exécution surtout financiers au lieu de mesurer l’efficacité et l’efficience des réalisations, en termes de valeur ajoutée dans la quête du développement.
L’introduction du budget programme dans le système de gestion budgétaire ambitionne de remédier à ces différentes faiblesses lesquelles empêchent le budget de jouer pleinement son rôle d’instrument de politique économique et donc d’être un véritable levier du développement. Cette approche est bien adaptée pour une meilleure prise en compte des stratégies nationales et sectorielles de développement dans le budget de l’État. De plus, l’approche « budget programme » confère au budget non seulement, un caractère d’instrument d’information financière, mais aussi et surtout celui d’outil de gestion rationnelle, intégrant les fonctions de planification, de programmation, de budgétisation, et de suivi et d’évaluation.