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Tunisie : Des lunettes en bois, une niche en or

  • Publiémars 11, 2018

La jeune société tunisienne Vakay est le premier fabricant de lunettes en bois d’Afrique. Le succès tient davantage de la start-up que de l’industrie traditionnelle. Un parcours hors des chantiers battus, à l’image de celui des fondateurs.

Sfax, Mathieu Galtier, envoyé spécial

Un défi entre étudiants pour point de départ, un garage en guise de siège social, des institutions financières frileuses devant un projet innovant, un succès rapide et international, un nom de société qui attire l’oreille.

Vakay (« Et l’arbre » en vietnamien) a tout de la start-up en vogue, mais sans les clichés des jeunes geeks, bino­clards et mal habillés, passant leur journée rivés à un écran à coder le prochain logiciel révolutionnaire. De cette scène, seules les lunettes sont au rendez-vous, mais stylisées. La société basée à Sfax, au centre de la côte tunisienne, est le seul fabricant de lunettes du pays et le seul du continent à proposer des montures en bois.

Costume trois-pièces et cravate fleurde­lisée, Adam Jabeur, co-fondateur de Vakay en 2014, se remémore la genèse de la success-story : « C’était en 2013, j’ai vu des lunettes en bois sur l’internet. Comme j’apprécie beaucoup la mode, j’ai aussitôt demandé à Soulaimen s’il pouvait m’en dessiner une paire ».

Soulaimen Ghorbel, co-fondateur de l’entreprise, s’attelle à la tâche, discrètement, dans l’ate­lier de design de yacht où il travaille, afin de donner vie au premier prototype, qui trône aujourd’hui fièrement sous verre dans les locaux flambant neufs de Vakay. L’oeuvre plaît dans l’entourage des deux amis qui n’ont pas 25 ans à l’époque.

Préservation de l’environnement

Du prototype, ils passent à quelques exemplaires, puis une dizaine, le bouche-à-oreille aidant. À partir de là, le garage des parents de Soulaimen est réquisitionné ! Diplômé de l’École supérieure des Sciences et technologies du design, le designer doit créer ex nihilo les machines-outils néces­saires, car l’industrie est inexistante en Tunisie.

« Développer l’aspect design et industriel, c’est exactement ce que je recher­chais, précise celui qui est, aujourd’hui, à l’origine de 24 modèles de lunettes. Avant ce défi d’Adam, je pensais plutôt à travailler la résine comme matériau pour fabriquer des cabines de douche. » Adam Jabeur, expert-comptable de formation et qui ne vit que pour l’entrepreneuriat, comprend immédiatement le poten­tiel de cette création : des lunettes originales, haut de gamme (la paire valoir peut jusqu’à 900 dinars, soit 305 euros) et qui ne nuisent pas à l’environnement.

Pour chaque paire de lunettes vendue, Vakay s’engage, grâce à l’ONG de reforestation américaine One Tree Planted, à financer la plantation d’un arbre. « Il ne s’agit pas simplement de replanter, mais de s’assurer que l’arbre pousse dans une zone verte et non dans une zone d’exploitation », affirme Adam Jabeur. Vakay importe quatre essences d’arbres, trois venant d’Afrique (wengé, bubinga et badi) et une originaire d’Amérique du Nord (noyer).

Le projet est « disruptif » (inno­vant, qui bouscule les habitudes), terme à la mode pour qualifier toute initiative prête à bousculer le marché. Trop pour les acteurs financiers traditionnels tunisiens.

Des financiers frileux

Les quatre acolytes, Adam Jabeur, Sulaïmen Ghorbel, Majdi Ghorbel (cousin éloigné de Sulaïmen qui ne s’occupe pas directement de la société, mais qui reste actionnaire) et Achraf Chichini (qui a quitté la société depuis trois ans), se heurtent au refus et à l’incompréhension des institu­tions financières.

Même la Banque tuni­sienne de solidarité (BTS), dont la vocation est d’accompagner les créations d’entre­prises, notamment à travers la microfi­nance, refuse de mettre la main à la poche. Les fonds d’investissement se montrent intéressés, mais trop gourmands au goût des cofondateurs : « Ils réclamaient dès le départ 80% à 90% des parts de la société », s’insurge encore aujourd’hui le dandy expert-comp­table.

Pendant un an et demi, Vakay survit sans arriver à réaliser des levées de fonds pourtant vitales. Il ne s’agit pas d’une start-up 2.0 où l’ordinateur serait le seul outil de travail nécessaire. La réalisation d’une paire de lunette en bois nécessite 97 étapes, trois jours de travail, des outils onéreux et une main-d’oeuvre importante. À l’époque, la société compte sept employés et s’est instal­lée dans l’atelier d’un ami des fondateurs.

Écrit par
Galtier

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