Togo : Les banques soutiennent Tirsal
Inspiré du Nirsal, son équivalent nigérian, Tirsal est un outil de redynamisation et de compétitivité pour l’agriculture. Il permet de contourner les tracasseries bancaires classiques tout en accroissant le volume des financements par des prêts.
Lomé, Max-Savi Carmel
Le fonds Tirsal (Togo Incentive-Based Risk Sharing System for Agricultural Lending) ou Mécanisme incitatif de financement agricole fondé sur le partage des risques, a été lancé le 25 avril, à Lomé, par le chef de l’État en personne. Faure Gnassingbé tient à un projet dont il a fait une priorité de sa politique.
Il permettra aux acteurs de l’agriculture d’accéder plus facilement aux prêts bancaires sans endurer les tracasseries habituelles, l’État se portant garant. Un atout qui devrait accélérer la révolution agricole dans un secteur ou le manque de financements est le premier frein au développement. Débutant par la culture du riz et du maïs, deux denrées de grande consommation au Togo, le projet s’élargira à d’autres productions.
Plusieurs banques et institutions financières sont de la partie. Pourtant, en raison des risques liés aux intempéries et de l’absence de produits d’assurance adaptés, le secteur de l’agriculture est celui qui bénéficie le moins de prêts auprès des banques, au Togo.
Orabank avait investi dans cette niche mais a revu ses ambitions à la baisse, à cause de l’instabilité du climat et des difficultés des agriculteurs à s’adapter à la pluviométrie. Avec Tirsal, le gouvernement veut faire passer les prêts bancaires pour le secteur agricole de 0,3 % à 5 % du total des prêts octroyés chaque année par les banques.
Il vise, à l’horizon 2021, à faciliter l’accès aux financements à plus d’un million d’agriculteurs, ce qui représente un quart des acteurs d’un secteur qui occupe en tout 65 % des Togolais. Constituant 38 % du PIB, 20 % des ressources à l’exportation du Togo proviennent de l’agriculture.
Cet accès aux prêts devrait multiplier par deux les ressources agricoles à l’exportation et augmenter le pouvoir d’achat par la stabilisation du coût des produits alimentaires, selon les prévisions du gouvernement.
Le projet passe par la mobilisation de partenaires financiers. Ce que ne facilite pas la crise politique qui a un impact important sur les banques, lesquelles doivent composer avec l’atonie de l’activité économique.
En 2017 pourtant, l’agriculture a contribué pour 1,7 point à la croissance économique. Les banques craignent une perte de près du tiers des investissements attendus en 2018 si aucune solution à la crise politique n’est trouvée les prochains mois.
Faire du Togo un hub agricole
La stabilité sociale et politique n’est pas qu’un gage pour les agriculteurs mais devrait aussi faciliter l’exportation vers les pays voisins, l’une des priorités du Tirsal. Ce qui est loin d’être gagné, compte tenu des manifestations récurrentes qui bloquent plusieurs fois par semaine la ville de Lomé et certaines grandes villes de l’intérieur, ralentissant l’activité.
Prenant exemple sur le Nigeria, le gouvernement togolais veut faire du pays un hub agricole sous-régional, en l’imposant notamment en Afrique francophone occidentale. Pour y parvenir, Tirsal favorise l’élaboration d’une politique agricole adaptée et actionne des outils de gestion des risques, tout en consolidant les maillons des différentes chaînes de valeur agricole.
Avec pour finalité de renforcer la contribution de l’agriculture à l’économie par sa modernisation et la transformation de la production.
D’où une place de choix à l’agroalimentaire. En assurant à l’agriculture une assistance technique conséquente, le partage des risques et des mesures incitatives en faveur des acteurs, Tirsal remettra au travail une partie importante de la jeunesse, ainsi que les femmes qui constituent la principale main-d’oeuvre d’un secteur trop dominé par les produits de rente, notamment le coton.
C’est pourquoi le gouvernement veut diversifier les cultures par la promotion de nouveaux produits notamment l’anacarde.
Les banques se mobilisent
Reste à sensibiliser la population aux risques d’abus : certains cherchant le plus souvent, avec de pareils projets, des échappatoires pour ne pas payer les frais qu’ils seraient en mesure d’acquitter. Le taux de couverture des besoins nationaux en produits céréaliers par la production nationale étant déjà de 106,37 % (en 2017), Tirsal aura une influence plus forte sur la part d’exportation.
Le gouvernement veut mettre les banques à contribution. Déjà, la BAD (Banque africaine de développement) et l’APBEF-Togo (Association professionnelle des banques et établissements financiers) sont activement impliquées.
Ces deux structures devront rassurer des banques commerciales très réticentes à financer l’agriculture. Déjà, les banques se mobilisent et adaptent leurs cahiers des charges au Tirsal.
Néanmoins, trop sollicitées par le gouvernement en cette période de crise, elles auront une marge de manoeuvre réduite. À la fin de l’année dernière, plusieurs banques ont dû, à la demande du ministère des Finances, avancer les salaires des fonctionnaires aux temps forts de la crise alors que les caisses de l’État étaient vides.
L’endettement du Togo ayant dépassé 83 % du PIB, la réalisation du projet nécessiterait des efforts supplémentaires. Et son impact risque de ne pas être aussi vite ressenti que prévu. L’inflation étant passée d’un rythme annuel de 0,8 % à près de 1,3 %, les Togolais pourraient devoir patienter avant de ressentir dans leur quotidien les premiers changements dus à Tirsal. Même si les institutions financières semblent prêtes à mettre la main à la poche.