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Stanislas Zézé a confiance dans le pays

  • Publiéavril 14, 2015

Le directeur général de la société financière Bloomfield, Stanislas Zézé, salue le pas de géant accompli par la Côte d’Ivoire, lors de l’attribution de notations par des agences internationales. Le pays et les entreprises y gagnent en visibilité et en transparence.

Stanislas Zézé Directeur général de Bloomfield Investment Corporation

En 2014, la Côte d’Ivoire a obtenu ses premières notations par des agences internationales (B par Fitch et B1 par Moody’s) et une émission d’Eurobonds a été un succès. Les voyants sont-ils tous au vert ?

Cette notation internationale montre que la Côte d’Ivoire entre dans la catégorie des pays qui acceptent d’être transparents. Ce n’est pas tant la note qui est importante, mais le processus de transparence et de bonne gouvernance qu’elle implique. Les investisseurs internatio-naux ont ainsi une appréciation du potentiel du pays : ses perspectives économiques et sociales, son environnement des affaires, sa capacité à générer de la valeur et des liquidités, par son économie. Ils peuvent mesurer et comprendre sa dynamique et sa structure économiques, voir comment évoluent ses politiques économiques et comment son taux de croissance se répercute sur l’économie réelle, sur la vie des Ivoiriens et le futur du pays, grâce aux réformes entreprises. Les investisseurs saluent le potentiel, les réformes, le dynamisme, l’évolution en termes de stabilité, de sécurité et de paix, la gestion des ressources et des finances publiques.

Bloomfield a d’ailleurs aidé les autorités ivoiriennes à se préparer à cette notation. Et les agences de notation ont reconnu que la Côte d’Ivoire était l’un des pays africains les mieux préparés à ce jugement international, ce qui est très rare pour une première fois. La visibilité que procure la notation est extraordinaire. Quand la Côte d’Ivoire a décidé de cet Eurobond, elle a demandé 500 millions $. On lui en a proposé 4,6 milliards $, à un taux d’intérêt qui défie toute concurrence dans la catégorie de note obtenue, où l’on emprunte plutôt à 7 %-8 % : on lui a proposé 5,8 % sur dix ans. Un autre Eurobond a été lancé en 2015, pour 1 milliard $. Le pays s’est vu proposer près de 5 milliards $, sur 12 ans cette fois-ci, à un taux d’intérêt de 6 %. Cette évolution montre bien que le marché a confiance en la Côte d’Ivoire…

Pourtant, le taux de croissance du PIB est en deçà des prévisions, pour 2014…

Certes, mais il demeure un des taux les plus élevés au monde !

Quel impact ont ces performances du marché sur l’économie réelle ?

Elles ont rassuré les investisseurs ivoiriens et ceux de la région, et renforcé l’attractivité du pays. Du coup, les investissements sont plus nombreux et, par ricochet, ils vont créer de la valeur ajoutée, de la richesse, des emplois, des consommateurs qui à leur tour vont consommer plus, et stimuler la production… L’impact est bien réel et touche tous les secteurs d’activité. Toutes les sociétés notées dans le portefeuille Bloomfield ont vu, en quelques années, leurs condi-tions d’emprunt s’améliorer de façon significative. Un exemple : le port d’Abidjan empruntait à 12 %, malgré la garantie de l’État, il y a quatre ans. Aujourd’hui, il emprunte à 6 % sans cette garantie ! Un gain de 600 points de base, en termes de taux d’intérêt, est extraor-dinaire, surtout quand on emprunte des dizaines de milliards de F.CFA. Aujourd’hui, les structures qui se font noter empruntent de plus en plus sans cette coûteuse garantie. Ce qu’elles économisent en intérêts versés, elles peuvent le réinjecter dans leur activité pour se développer et créer des emplois. 

Le marché du crédit est donc en train de se structurer ? 

Nous étions avant sur un marché qui ne faisait pas de discrimination entre les qualités de crédit, où banques et investisseurs avaient le dessus. Parce qu’il y avait une asymétrie d’information entre les pourvoyeurs et les demandeurs de capitaux, les premiers étaient dans une situation très confortable, et vendaient leur argent très cher et à des conditions drastiques. Aujourd’hui, les emprunteurs sont dans une meilleure position pour négocier. Grâce à la notation financière, les rapports de force se rééquilibrent. Surtout, un climat de confiance se crée, qui permet de multiplier les transactions, et ceux qui n’avaient pas accès aux financements ou alors à des coûts prohibitifs y ont désormais accès – en fonction de leur performance, bien sûr – et à des conditions plus appropriées. 

Votre société de notation est panafricaine. Comment pouvez-vous concurrencer les géants occidentaux (Moodys, S & P…) ? 

Notre place est sur le continent. Où nous maîtrisons le risque. Si un investisseur veut venir au Kenya, au Malawi ou en Côte d’Ivoire, il a plutôt intérêt à se baser sur les notations d’agences panafricaines comme la nôtre, car nous sommes sur des marchés qui ne sont pas encore très sophistiqués, pas encore réglés de sorte qu’on puisse utiliser des statistiques pour établir des standards. De Libreville à Bamako, les paramètres qualitatifs diffèrent complètement, ce qui peut avoir un impact sur l’évaluation des risques. N’importe quelle structure de notation peut utiliser du scoring et prévoir ce qui se passera à Paris, à Madrid ou à Lisbonne, qui ont les mêmes standards. Ce qui n’est pas le cas ici. On perçoit différemment le crédit en Angola ou à Abidjan. Seuls ceux qui comprennent la culture locale peuvent interpréter certains paramètres qualitatifs très importants, dans leurs contextes respectifs. 

Mais comment contourner ce problème de fiabilité des données chiffrées sur le continent ? 

Ce n’est pas un problème. Il existe trois types de notation : sollicitée, non sollicitée, et obligatoire. Évidemment, dans la notation non sollicitée, dans un environnement qui n’est pas aussi sophistiqué qu’en Occident, vous risquez de vous tromper. Mais dans la notation sollicitée, où l’entité notée est volontaire, l’on peut vérifier les informations, soit par des entretiens, soit par les cross-check. Et quand c’est obligatoire, les entités n’ont pas le choix, elles sont obligées de livrer les informations. À Bloomfield, nous ne publions pas de notation non sollicitée, précisément à cause de la réalité du continent. 

Le marché financier ivoirien est le marché de l’Uemoa : la Côte d’Ivoire représente 40 % du PIB de l’Uemoa ; 70 % de la liquidité. 

Les banques ivoiriennes jouent-elles leur rôle dans le financement de l’économie aujourd’hui ? 

La Côte d’Ivoire abrite la BRVM, en pleine évolution, et le marché financier est en développement, car la zone devient de plus en plus attractive. Le marché des obligations devient très dynamique. Depuis 2011, les régulateurs ont introduit la notation financière obligatoire. Cette décision a un impact significatif, dans la mesure où elle supprime, pour tous ceux qui ont des notes de risque « modéré » à « extrêmement faible », la garantie de 100 % à première demande, qui renchérissait sensiblement les coûts.

Auparavant, ceux qui voulaient – hormis les pays bien sûr – faire appel au public, devaient trouver un garant à 100 % ; ce qui coûte à peu près 2 % à 3 % du total, principal et intérêts, par an, en plus du coût du taux du coupon, généralement très élevé, de l’ordre de 7 %. Donc vous vous retrouviez à emprunter à 10 % ce qui est très cher, sur des maturités de cinq, six, ou sept ans. Aujourd’hui, vous devez être noté pour émettre une obligation pour faire un appel public à l’épargne. Si vous avez une note d’investissement entre BBB- et AAA, vous êtes exempté de la garantie à 100 %, et donc des coûts de garantie. Votre niveau de note a aussi un impact sur le taux du coupon. On commence à avoir une dynamique de courbe de taux : la qualité de crédit va déterminer les conditions d’emprunt, ce qui est une très bonne chose.

Les investisseurs peuvent prendre des décisions en jaugeant eux-mêmes le risque et décider s’ils empruntent avec une entité plus risquée qu’une autre, sachant que plus elle est risquée, plus le retour sur investissement est élevé. Les banques commencent à y trouver leur avantage. Elles se plaignaient de ne pouvoir financer l’économie, surtout les PME, faute de visibilité du risque. Aujourd’hui, elles n’ont plus cette excuse. Les banques jouent leur rôle de plus en plus et demandent systématiquement la notation financière. La chute des taux d’intérêt montre qu’elles jouent le jeu et qu’elles sont prêtes à financer ceux qui peuvent prouver leur qualité de crédits. 

Écrit par
African Business french

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