Sani Issoufou Mahamadou: Le Niger offre d’exceptionnelles opportunités dans le pétrole

Sani Issoufou Mahamadou est depuis avril 2021 ministre du Pétrole, de l’énergie et des énergies renouvelables du Niger. Il dresse les ambitions de son pays dans un secteur où beaucoup a été fait, et où beaucoup reste à entreprendre.
Par ABF
Pouvez-vous nous présenter rapidement le domaine pétrolier nigérien ?
Le Niger compte quatre zones pétrolières. La plus réputée, la zone du Termit, à l’est du pays, est celle sur laquelle les activités ont été les plus importantes depuis une quinzaine d’années.
L’entreprise chinoise CNPC y a découvert environ 1 milliard de barils récupérables et poursuit ses travaux de recherche en mettant à jour de nouveaux gisements.
Une production de 20 000 barils par jour est réalisée dans cette zone afin d’alimenter une raffinerie dont la moitié de la production est dédiée à la couverture des besoins domestiques et l’autre moitié à l’exportation.
Après CNPC, une junior, Savannah Energy, a également fait des découvertes sur la même zone. Cette société est en cours de finalisation d’une étude de faisabilité ; elle sera en mesure de contribuer à la production nationale dès l’année prochaine.
La deuxième zone est située au nord du pays, près de la frontière algérienne. C’est la zone de Kafra, sur laquelle le groupe Sonatrach a débuté une campagne d’exploration ambitieuse. Après deux forages très prometteurs en 2017-2019, qui ont permis d’identifier une structure contenant 100 millions de barils récupérables, la société accélère pour forer une partie des 57 prospects et leads identifiés.
Le pays présente des potentialités énergétiques considérables en charbon minéral, pétrole, gaz, soleil, éoliens, géothermie, uranium et en ressources hydroélectriques, sur le fleuve Niger
Enfin, deux autres zones prometteuses restent à travailler : Au nord-est, à la frontière libyenne, les travaux des années 1990 avaient mis en évidence des indices d’hydrocarbures et l’existence d’un système pétrolier actif.
Enfin, à l’ouest, des travaux géologiques et géophysiques régionaux laissent espérer un important potentiel, notamment gazier, dans le bassin des Illumenden, situé à proximité d’importantes zones de peuplement du Niger.
Quel message souhaitez-vous envoyer aux investisseurs ?
Malgré ces découvertes que je viens de décrire, le Niger dispose toujours d’un potentiel d’exploration très important : exploration mature à l’est, exploration semi-mature au nord et exploration Grass Root à l’ouest. Jusqu’à présent, tous les bassins sédimentaires ont prouvé des systèmes pétroliers actifs.
Ils attendent juste d’être travaillés ! Les coûts pétroliers sont relativement faibles à environ 15 dollars par baril pour la recherche jusqu’à la production. Le pays dispose d’une législation pétrolière très claire et particulièrement favorable au commerce. Au-delà du seul secteur pétrolier, le Niger fait partie des dix pays d’Afrique Subsaharien les mieux classés à l’indice Doing Business 2020.
En ce qui concerne les prestataires de services pétroliers, où en est le Niger ?
Lorsque notre principal opérateur pétrolier a commencé ses opérations au Niger, voici quinze ans, il n’existait aucune société de prestation de services pétroliers. La CNPC est donc venue avec son écosystème constitué de sociétés plus ou moins affiliées, afin de réaliser les opérations à ses côtés. Parmi ces sociétés, figurent des prestataires spécialisés dans les services pétroliers notamment, en acquisition, traitement et interprétation sismiques, en forage pétrolier, en service au puits, en logistique, en construction des installations de surface et de fond.
Un des défis de mon ministère est de permettre l’émergence, à côté de ces sous-traitants historiques, de nouveaux sous-traitants nigériens.
Compte tenu du degré de technicité du secteur, notamment en matière de normes, nous sommes convaincus que la solution la plus rapide et la plus efficace est de favoriser la constitution de partenariats entre des sociétés étrangères bénéficiant de l’expertise et les entrepreneurs nigériens.
J’invite donc les sous-traitants pétroliers à prendre attache avec le ministère, puis à se rendre à Niamey afin de se convaincre des formidables opportunités qui existent dans le domaine !
Le projet d’oléoduc Niger-Bénin est le plus important projet d’infrastructure en cours en Afrique de l’Ouest. Quand sera-t-il opérationnel ?
Ses travaux ont débuté en juillet 2021 et progressent normalement, conformément au calendrier prévu, il sera mis en service à la fin du premier semestre 2023. Cet oléoduc a pour point de départ la zone d’Agadem (Koulélé), à proximité de la frontière tchadienne, jusqu’à la localité de Sémé, sur la cote béninoise.
Il s’agit d’un projet majeur de par ses caractéristiques techniques : 1 950 kilomètres de pipeline d’un diamètre de 20 pouces, neuf stations de pompages, des infrastructures de stockage à Sémé (Bénin) de plus de 2 millions de barils. Son coût de construction est d’environ 2,2 milliards $ et une capacité de transport avoisinant les 150 000 barils par jour. En ce qui concerne notre production de brut, elle passera de 20 000 à environ 110 000 bpj, dont 90 000 barils bpj dédiés à l’exportation.
Quelle est la capacité de raffinage du Niger et quels sont ses principaux marchés d’exportation ?
Le Niger dispose d’une raffinerie située à Zinder (est du pays). Elle est codétenue par l’État et le groupe CNPC. Elle raffine environ 20 000 barils par jour, soit sa capacité nominale. Environ la moitié de ces volumes servent à couvrir les besoins du marché domestique, l’autre moitié est exportée vers le Nigeria, le Mali et le Burkina Faso.
Nous produisons actuellement du gasoil, de l’essence et du GPL. Nous travaillons avec nos partenaires chinois afin de produire également du Jet fuel. Des réflexions sont également menées en vue d’implanter des unités industrielles pétrochimiques.
Quelles sont les opportunités d’investissement dans le secteur des énergies renouvelables, en particulier dans le solaire ?
Le Niger présente des potentialités énergétiques considérables en charbon minéral, pétrole, gaz, soleil, éoliens, géothermie, uranium et hydroélectriques sur le fleuve Niger.
Malgré ces ressources énergétiques importantes, le pays reste fortement dépendant de l’importation d’énergie électrique, à partir du Nigeria, à presque 65% de la consommation nationale.
Le Niger possède un ensoleillement important sur toute son étendue avec des maxima dans sa partie nord. L’ensoleillement est assez régulier sauf au mois d’août. Les valeurs moyennes mensuelles observées varient de 5 à 7 kWh/m2 par jour, et la durée de l’ensoleillement moyen est de huit heures par jour. Cet état des choses entraîne un potentiel significatif de développement de l’énergie solaire au Niger à des coûts compétitifs.
Le Niger ambitionne de porter le taux d’électrification national à 80% à l’horizon 2035, conformément à la Stratégie nationale d’accès à l’électricité.
La capacité de production nationale d’électricité sera portée à 850 MW au moins dès 2030, avec une part d’énergies renouvelables de 30% minimum et ce, avec l’apport de la production privée indépendante et de centrales développées en partenariats public-privé, soit environ 300 MW solaires.
L’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 pénalise les pays africains. Que fait le Niger pour assurer une répartition équitable des ressources ?
Certains pays développés ont connu leur passage des sous-développés aux pays industrialisés grâce à la valorisation de leurs ressources naturelles, polluantes ou pas. L’Afrique ne peut pas rester en marge de cette voie empruntée par ces pays industrialisés.
Ainsi, dans la quête de développement économique, les pays africains doivent faire face à des défis importants, et dans certaines mesures, seules les productions extractives peuvent permettre d’atteindre rapidement un seuil de démarrage pour atteindre la phase de développement économique. Cela voudra dire qu’il faut lever les obstacles et barrages à la croissance pour relancer l’économie. Ce qui est, de fait, en contradiction avec les objectifs de la neutralité carbone.
Pour le cas spécifique de Niger, face à cette problématique du changement climatique, le gouvernement a entrepris ces dernières années des réformes considérables dans les différents secteurs, en vue de se conformer aux dispositions de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Les inégalités dans le partage des ressources ont eu des conséquences fâcheuses dans l’équilibre de la vie socioéconomique des populations. C’est pour cela que très tôt, les autorités ont résolument pris des dispositions légales pour instituer ce partage juste des ressources pour garantir un développement durable et responsable.
Un cadre légal a été institué dans les différents secteurs d’extraction des ressources pour encadrer cette répartition. Le cas du code pétrolier amont fait la répartition des recettes 85 % au budget national et 15 % au budget de la région où se réalise l’exploitation.
Dès lors, quelles sont les priorités de votre ministère ?
Nous nous engageons à développer les infrastructures pétrolières et énergétiques constituant un levier pour dynamiser l’économie.
Je vous résume les actions prioritaires : diversification des zones de recherche en privilégiant les blocs connus à potentiel réel, exploitation des réserves découvertes, construction du pipeline renforcement des compétences locales. Tout cela va permettre de porter le poids du secteur pétrolier à 25% du PIB, 45% des recettes fiscales, 68% des exportations et 12% des emplois formels.

Pour le domaine plus large de l’énergie, le ministère met l’accent sur le développement des infrastructures pour porter le taux d’accès des ménages à l’électricité à 30% à l’horizon 2026. Nous privilégions le développement des énergies renouvelables en envisageant de rehausser leur part à au moins 15% dans le mix énergétique d’ici 2026.
@ABF