Salaheddine Mezouar* en appelle aux partenariats grandes entreprises – PME
Élu le 22 mai à la tête de la Confédération générale du Maroc, Salaheddine Mezouar revient sur sa conception de l’entrepreneuriat dans un pays où le rôle de l’État reste moteur. Y compris dans la stratégie des entreprises en Afrique.
Propos recueillis par Olivier Deau, à Casablanca
Vous venez d’être élu président de la CGEM (Confédération patronale marocaine) pour un mandat de trois ans, avec 77 % des voix, au terme d’une élection très disputée. Serez-vous, comme le craignent certains, un président de la CGEM acquis à la cause d’un camp politique ?
Je l’ai dit et réitéré lors de ma campagne électorale : je serai un président de la CGEM acquis à la cause de l’entreprise ! Nous nous sommes présentés, Faïçal Mekouar, mon colistier et moi, avec un programme qui vise à faire de l’entreprise au Maroc un acteur compétitif, fort et capable de progresser et de se projeter dans un futur globalisé.
Un programme dont l’ambition est également de faire en sorte que la croissance provienne des régions et non plus seulement de l’axe Agadir-Tanger. Ce programme, nous l’avons construit avec les chefs d’entreprise. Il a été fait avec eux et pour eux.
Nous avons été élus avec un score qui reflète un choix clair, exprimé de manière significative. Pensez-vous que 77 % des membres de la CGEM auraient voté pour un président « acquis à la cause d’un camp politique » ? C’est mal connaître les chefs d’entreprise au Maroc, c’est méconnaître la CGEM ! Les patrons veulent un président qui défende leur cause et ils ont fait leur choix.
J’ai été président du RNI pendant six ans et je suis fier d’avoir contribué à l’action politique de mon pays. J’ai quitté la présidence du parti en octobre 2016 et j’ai démissionné du bureau politique du parti, conformément aux engagements pris.
Est-ce une tare pour le président de la CGEM d’avoir été un homme politique, un ministre de l’Économie et des finances, ou un ministre de l’Industrie ? Le président de la CGEM doit-il être vierge de tout parcours hormis celui de l’entreprise ? Non, bien évidemment.
J’apporte à la CGEM l’expérience du dirigeant d’entreprise que j’ai été et que je suis à nouveau, doublée d’une connaissance des ressorts décisionnels de l’exécutif et d’une appréciation assez fine du monde politique et législatif. Ce « capital expérience » est nécessaire pour faire avancer la cause de l’entreprise.
Au-delà des slogans de campagne, vous avez mentionné plusieurs fois « un État stratège » nécessaire au côté d’« un secteur privé organisé » alors que votre opposant avait pour priorité de « libérer l’entreprise » contre « les lourdeurs administratives et les taxes ». Est-ce la réalité marocaine qui vous incite à analyser les choses de cette manière ?
Les deux propositions ne sont pas antinomiques : elles s’inscrivent, l’une, dans la perspective stratégique et, l’autre, dans la problématique du quotidien de l’entreprise. Le Maroc est un pays qui se cherche une nouvelle émergence, dans un environnement mondialisé où les chaînes de valeur deviennent interconnectées.
Je vous renvoie aux rapports de la Banque mondiale et de l’OCDE parus il y a un an. Ils mettent en lumière la nécessité d’avoir un modèle économique plus productif, offrant une meilleure redistribution des richesses et où l’État doit jouer le rôle d’initiateur du développement économique et social à travers une réorientation ou une mise en cohérence de ses politiques publiques. C’est là ce que nous, entrepreneurs, attendons de l’État ; nous devons être organisés et outillés pour accompagner cette dynamique.
La CGEM est certes une force de proposition et elle le restera, mais elle doit franchir une étape supplémentaire pour engager le changement et faire bouger les lignes. Prenons l’exemple de la commande publique : 20 milliards de dollars par an, soit les deux tiers de l’investissement annuel dans le Royaume.
Quel est l’effet de ces dépenses sur la création de valeur ajoutée et d’emplois locaux ? Pourquoi les petites entreprises n’arrivent pas à en profiter suffisamment ? Comment un dirham dépensé au profit de l’industrie crée de la valeur pour d’autres secteurs et de l’activité pour les PME et TPE ? Quels sont les effets induits en matière d’amélioration des revenus et de consommation ?