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Roussin : le facteur humain

  • Publiénovembre 18, 2015

L’ancien ministre de la Coopération revient en 2015 au sein de Bolloré, qu’il connaît bien. Michel Roussin défend la place du groupe diversifié, au coeur des économies africaines, et dont le modèle économique permet de répondre aux besoins du continent.

Par Hichem Ben Yaïche

Ministre, vice-président du Medef, vous avez également été conseiller du président d’EDF… Vous avez eu « des vies » professionnelles. Aujourd’hui, vous revenez chez Bolloré. Pourquoi ce tropisme particulier pour ce groupe ?

C’est un tropisme pour l’Afrique plutôt que pour Bolloré. J’ai été pendant dix ans vice-président de ce groupe ; durant cette période, j’ai passé de longs moments sur le continent africain, que ce soit en Afrique de l’Ouest ou en Afrique de l’Est. Après un passage chez EDF, toujours consacré à l’énergie en Afrique, j’ai rejoint le groupe Bolloré, parce qu’il présentait une opportunité intéressante. Celle de participer au développement du chemin de fer. Précédemment, j’avais présidé Sitarail pendant dix ans ; c’est la compagnie de chemin de fer reliant Abidjan à Ouagadougou et qui est le principal tronçon de ce que nous appelons maintenant « la boucle ferroviaire », laquelle, via Niamey, va rejoindre Parakou et Cotonou. Par conséquent, je suis dans la conti­nuité : depuis des années, je consacre mes activités à l’Afrique.

Comment fonctionne « la méthode Bolloré » ?

C’est très simple : Vincent Bolloré a compris que la nouvelle frontière, c’est l’Afrique ; il l’a compris avant tout le monde. Depuis 35 ans, il y investit. Investir en Afrique, cela veut dire prendre des risques permanents, et développer une activité en partenariat avec des Africains. Progressivement, Bolloré a développé son activité, et il est désormais présent dans 43 pays en Afrique subsaharienne. Le groupe a tracé sa route, ce dans des domaines très différents. Chaque fois, ces activités sont consacrées, bien évidemment, au développe­ment de l’Afrique.

Comment expliquez-vous certains jugements, disons… contrastés – pour ne pas dire critiques – sur Bolloré ? Certains voient, dans sa manière de faire, une position de monopole.

Les gens qui critiquent, finalement, sont ceux qui n’ont jamais pris aucun risque en Afrique ! Ils voient, avec peut-être une pointe de jalousie, un groupe qui ne cesse de développer ses activités dans des domaines aussi différents que le transport maritime, le transport terrestre, la manutention portuaire, le chemin de fer… Et, mainte­nant, les énergies nouvelles !

Le groupe participe à la création de lieux de bien-être ; grâce à l’énergie solaire et aux batteries de Bolloré, on arrive à donner de l’électricité aux populations, produire de l’eau potable, etc. C’est tout cela, le groupe Bolloré ! C’est surtout l’engagement d’un homme ; Vincent Bolloré travaille sur les fonds propres de ce groupe familial qui a bientôt 200 ans d’existence. Bien sûr, le succès fait toujours l’objet de critiques, plus ou moins acerbes. Et pourquoi encore Bolloré ? Eh bien, il prend des risques, il les assume, et développe ses activités sur ce continent. Bienvenue à tous les partenaires qui accep­teraient comme lui de s’engager en Afrique !

C’est ce que je préconise, à tous mes amis chefs d’entreprise, au Medef. Je leur dis : « Nous avons des choses à faire en Afrique, mais les entreprises françaises doivent prendre des risques. » Et, c’est là que tout va se passer ! D’ailleurs, d’autres opérateurs arrivent : des Brésiliens, des Européens, les jeunes pays de l’Europe du Nord, travaillent en Afrique. Et nous, les Français, au lieu de critiquer, nous devrions aller à la rencontre des investisseurs africains – car il y en a ! Les chiffres de la Banque mondiale sont éloquents : aujourd’hui, 240 millions d’Africains entrent dans la catégorie de la classe moyenne, lesquels sont des consommateurs potentiels. Les populations sortent de la très grande pauvreté et il faut poursuivre le développement, en créant de la richesse en dévelop­pant des activités. Cela, Bolloré le fait !

Mais on peut pourtant avoir un regard critique sur ce groupe…

Oh là, là, bien évidemment ! Mais quand on a un regard critique, il faut bien illustrer ses propos. Et pas seulement dire : « Ah le groupe Bolloré… Ah le groupe Bolloré. » Si des critiques sont émises, nous lesécoutons. Jusqu’à présent, que ce soit les pouvoirs publics africains, que ce soit nos partenaires… les critiques, je les entends, mais elles sont toujours vaines : elles n’empêcheront pas le groupe Bolloré de poursuivre son activité, son africanisation… Nos directeurs régio­naux, nos directeurs financiers sont tous des Africains.

Concrètement, quelle est la valeur ajoutée que le groupe apporte à l’Afrique ?

Il apporte d’abord son savoir-faire, son dispositif et son organisa­tion professionnelle. Et une capacité à comprendre ce que souhaitent nos clients. Nous, notre job, c’est de répondre à la demande des pouvoirs publics ou d’investisseurs locaux. Bolloré n’arr

Bolloré pratique aussi la « diplomatie entrepreneuriale », si je puis dire… Parce que vous savez très bien qu’en Afrique, certains contrats sont très liés à l’univers politique…

Mais cela existe aussi dans notre bon pays, la France… C’est le propre de toutes les négociations : il y a toujours des parties différentes, des gens qui sont amenés à faire des propositions, etc. C’est la bataille de l’entreprise. Bolloré se bat comme les autres. Nous n’entrons pas, comme disent les Anglais, dans les dirty tricks, c’est-à-dire des combines. Il y a un groupe français qui investit sur fonds propres dans des activités qui correspondent à ce que demandent les Africains ! C’est tout…

Vous avez connu la Françafrique, les grenouillages…

La Françafrique… Je réponds : la Françafrique, c’est l’invention d’un universitaire lyonnais, qui a créé ce concept de Françafrique, qu’on a couvert d’opprobres. Ce dernier n’avait jamais mis les pieds en Afrique ! Après, c’est devenu quelque chose d’épouvantable ! Mais qu’est-ce qu’on fait d’autre que de la Françafrique ? On a mis une connotation péjorative… mais qu’est-ce qu’on fait quand le président Hollande va chez le président Sassou, chez le président Déby ? C’est bien qu’il y a une relation privilégiée entre l’Afrique et la France – ou la Françafrique –, qu’on le veuille ou non. Le problème, c’est une relation pérenne entre le continent et l’ancienne puissance coloniale. Et cette connotation péjorative de Françafrique, je la trouve ridicule. Toute la classe politique a embrayé là-dessus, mais qu’est-ce que c’est au fond ? C’est la relation entre la France – qui a une relation très ancienne avec ces différents pays, indépendants maintenant depuis plus de 50 ans… Alors qu’on ne vienne pas nous raconter que la Françafrique, ce sont des types qui sont en train de monter des opérations…

C’est simple : Bolloré est une grosse entreprise familiale ; elle poursuit son implantation sur l’ensemble du continent africain ; elle est l’amie des bons et des mauvais moments, jamais engagée dans les problèmes politiques. Bolloré poursuit sa mission, on ne vire pas les personnels. Il y a des tensions dans tel ou tel pays ? Nous, nous faisons notre métier et on continue… Telle est notre réputation. Pour nos amis africains, même dans les périodes de tension dans leur pays, ils savent que la mission de Bolloré fonctionnera toujours, qu’on ne virera pas les dockers, qu’on déchargera les bateaux… Le flux économique continuera. C’est un des points forts de ce groupe, dont la qualité est de préserver sa neutralité.

Quelle est la cohérence de ce groupe, par rapport à ce continent, en termes de stratégie, d’approche des marchés, etc. ?

Votre question est très judicieuse : l’approche. Pour travailler en Afrique, quelles sont les qualités requises ? Il faut d’abord respecter ses interlocuteurs, comprendre les besoins, être patient, connaître les traditions, passer du temps, parler, travailler ensemble, organiser des équipes pluridisciplinaires qui soient des équipes locales avec des spécialistes français qui viennent échanger avec les Africains… C’est une conception très différente du développement des affaires, parce que ce qui compte le plus, c’est le facteur humain. Les qualités du groupe Bolloré tiennent dans son extrême patience, sa très grande compréhension, sa grande capacité d’écoute, elles nous permettent de faire un long chemin ensemble avec nos partenaires africains.

Que cible le groupe, dans sa stratégie ?

Depuis quelques années, nous sommes dans une phase et un développement intensifs en Afrique. Nous sommes un de ses outils de développement. Nous apportons, par notre professionnalisme et notre savoir-faire, des moyens qui sont ensuite adaptés aux politiques de développement.

Dès lors que vous avez un rôle dans le transport, la logistique, vous êtes un des maillons essentiels, parce que vous permettez l’exportation des productions africaines, et l’importation d’un certain nombre d’outils de production dont vont avoir besoin ces pays qui sont aujourd’hui émergents. J’y vois un trait d’union industriel, à la croisée des échanges entre le continent africain et le reste du monde.

Vous avez dit que l’un des atouts du groupe Bolloré est de « prendre le risque de l’Afrique ». De quelle manière cet investissement se déroule-t-il et quel en est le volume ?

L’investissement est constant et s’est développé depuis des années. J’évoquais le démarrage des activités du groupe, il y a plus de 35 ans : il s’est depuis développé sans à-coups particuliers, sans inter­ruption. Même dans les périodes de crise, il a quand même poursuivi ce développement avec ses partenaires. Comme vous le savez, nous assistons à une relève de génération en Afrique ; et nous travaillons avec la relève, de nouveaux cadres dynamiques, des professionnels formés à l’étranger. Et, donc, il n’y a pas d’à-coups. Le transfert de compétences est harmonieux. Nous gardons notre capacité profes­sionnelle, dans le domaine que j’évoquais. Et nous sommes un très bon partenaire. Nous participons à la formation des personnels qui travaillent chez nous, quel que soit leur niveau.

Écrit par
African Business french

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