RD Congo : Pétrole contre environnement ?
L’ONG Global Witness est formelle : le parc des Virunga et celui de la Salonga, en RD Congo, inscrits sur la liste du patrimoine mondial, ont été partiellement cédés à deux entreprises pétrolières, la Sonahydroc et la Comico.
Par J.J Arthur Malu-Malu
Aménagé en 1925 par l’administration coloniale belge, le site des Virunga, dans l’est du pays, à la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda, est le plus ancien parc naturel du continent africain. Il héberge une flore et une faune exceptionnelles. Sa grande diversité biologique en fait un parc unique en Afrique.
Les énergies renouvelables, un axe essentiel : Global Witness, qui lutte contre le pillage de ressources naturelles des pays en développement et la corruption politique qui s’y rapporte, affirme que la Comico, qui aurait raflé des parcs en RDC, est détenue à 40 % par la société Oil & Gas, enregistrée sur l’île britannique de Guernesey, et appartient à un richissime homme d’affaires sud-africain. Le mystère reste entier sur les autres actionnaires : https://www.globalwitness.org
L’exploitation pétrolière, qui concernerait 80 % de sa superficie totale (7 800 km2), pourrait pousser l’Unesco à le « désinscrire ». Une telle initiative ferait chuter mécaniquement le nombre de touristes qui s’y rendent chaque année, à cause de l’insécurité qui y règne par endroits ; les autorités congolaises l’ont d’ailleurs fermé aux visiteurs jusqu’à la fin de l’année.
Plus vaste que la Belgique, le parc de la Salonga est à cheval sur plusieurs provinces et couvre une superficie de 36 000 km2. La plus grande forêt de réserve tropicale pluviale de la planète contient plusieurs espèces endémiques menacées d’extinction, mais elle est difficile d’accès.
Si le ministre de l’Environnement, Amy Ambatobe, reconnaît que son collègue des Hydrocarbures lui a adressé une demande de désaffectation partielle de ces sites, il insiste toutefois sur le fait qu’aucune décision n’a été prise.
« La question n’a pas encore été analysée de fond en comble par le ministère de l’Environnement. À ce stade, aucune décision n’a été prise concernant l’exploration pétrolière dans ces parcs. Le gouvernement se penchera sur cette question et prendra librement l’option qui s’impose. Elle sera en harmonie avec les intérêts de l’État et du peuple congolais. La RDC ne prendra pas de décisions hâtives parce que des ONG s’agitent », a-t-il martelé.
Amy Ambatobe se veut imperturbable, même s’il admet, du bout des lèvres, que le dossier qui est sur son bureau est susceptible de déboucher sur un déclassement des deux sites.
« S’il est établi qu’un parc naturel regorge de pétrole, alors que son exploitation paraît incompatible avec la gestion d’une aire protégée, le gouvernement, en toute responsabilité, doit en mesurer l’intérêt, évaluer l’opportunité et apprécier éventuellement l’utilité de désaffecter ou de déclasser une partie de cette surface protégée. »
Des conséquences irréversibles
La procédure prévoit que le ministère des Hydrocarbures envoie au ministère de l’Environnement une requête. Le ministre de l’Environnement, à son tour, communique ses éléments d’information au Premier ministre. C’est le chef du gouvernement qui prend, par décret, la décision de désaffecter ou de déclasser tout ou partie de l’aire protégée, sur la base des données mises à sa disposition et après avoir pesé et soupesé le pour et le contre.
Des mouvements écologiques pointent du doigt les « contradictions » des autorités qui ont pris des engagements dans le cadre de la COP21 de Paris, en 2015. Ces mouvements accusent l’État d’avancer masqué, en cachant habilement son jeu.