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Pétrole de Sangomar : Nouvel écueil

Pétrole de Sangomar : Nouvel écueil
  • Publiéjuin 29, 2020

Comme le redoutaient les observateurs, Macky Sall en tête, la compagnie australienne Far ne peut pas honorer ses engagements dans le projet pétrolier de Sangomar. L’opérateur principal, Woodside se montre rassurant.

Par Kimberly Adams 

Le premier baril de pétrole sortira-t-il de Sangomar en 2023 ? Le développement du projet offshore enregistre un nouvel avatar, certes prévisible, après les retards accumulés dans l’industrie pétrolière ces dernières semaines pour cause de crise pandémique. Far RSSD a été déclarée en défaut de paiement par son partenaire australien Woodside, opérateur du projet.

La filiale de la junior australienne Far n’a pas versé son dû lors du dernier appel de fonds de juin pour le financement du projet. Elle devait régler, en 2020, quelque 100 millions de dollars à la coentreprise. Far RSSD est l’un des membres du consortium qui opère sur les projets Rufisque Offshore, Sangomar Offshore et Sangomar Offshore profond.

Bien que partenaires dans plusieurs sites, les compagnies australiennes ont déjà montré par le passé des signes d’intenses rivalités, et ne se font pas de cadeaux.
Une notification de mise en demeure a été adressée à l’entreprise, au terme de laquelle Far RSSD est sommée de remédier à ses défaillances dans un délai de six mois, avant de jouir à nouveau de ses droits.

Pour l’heure, la société publique Petrosen ne fait pas officiellement acte de candidature pour reprendre la participation de Far RSSD dans la coentreprise exploitant le site de Sangomar, mais cette piste ne saurait être écartée.

En effet, selon les contrats liant les partenaires, si l’un d’eux fait défaut durant six mois, il perd sa participation dans l’exploitation du gisement, sans possibilité de compensation financière. Ce sera donc aux autres partenaires, à l’échéance, d’intensifier leurs investissements, au prorata de leurs participations.

FAR détient 15% du capital de Sangomar, ce qui oblige les autres partenaires, dont l’État du Sénégal, via Petrosen (10%), à réagir. De son côté, FAR entend rester au sein du projet, ce qui suppose des mesures drastiques de réduction des coûts et la mobilisation des fonds nécessaires au cours du prochain semestre.

La chute des cours du pétrole, accompagnée du ralentissement de l’activité en raison de la Covid-19, a conduit au licenciement de centaines de salariés de l’entreprise. Dont les cadres et dirigeants ont accepté une baisse de 20% de leur rémunération. 

Le Président est pessimiste…

« À partir de la notification de la mise en défaut, Far RSSD n’est autorisée ni à participer aux réunions du comité des Opérations, ni à exercer son droit de vote durant la période de défaillance », précise un communiqué du ministère du Pétrole et des énergies. Lequel ministère « porte une attention particulière à cette situation et enjoint l’opérateur à veiller à ce que cette défaillance ne mette pas en péril le développement pérenne de la phase 1 du projet Sangomar ».

Ledit projet devrait entrer en service en 2023 avec un plateau quotidien de 100 000 barils par jour. Les premiers travaux effectifs ont commencé en janvier 2020, avant d’être retardés par la crise de Covid-19.

Ce couac intervient au lendemain de la publication d’un entretien de Macky Sall au Financial Times. Entretien dans lequel le président du Sénégal se montrait plutôt pessimiste. Il craint que son pays ne soit contraint de retarder certains projets pétroliers gaziers et pétroliers d’un à deux ans, en raison de la crise sanitaire.

Cette dernière affecte directement le secteur, bien sûr, mais également l’ensemble de l’économie du Sénégal. « Au mieux, la croissance sera de 1%, si la pandémie se poursuit, nous serons en récession », a pronostiqué le chef de l’État. Difficile dans ces conditions de trouver des débouchés dans le pétrole, et l’entrée du Sénégal dans le club des producteurs serait reportée.

…Woodside se veut rassurante

« Nous voyons que de grandes compagnies pétrolières ne sont plus capables de respecter leurs engagements en matière de production. Elles ne peuvent pas collecter de capitaux », expliquait Macky Sall au « FT ». S’il n’a pas cité de noms, il est évident qu’il songeait prioritairement à la junior australienne FAR.

Le Président est-il trop pessimiste ? Quoi qu’il en soit, Woodside n’a pas tardé à réagir, n’hésitant pas à contredire Macky Sall, sans le nommer. La compagnie « prend note des reportages des médias » affirmant que le Sénégal a été contraint de retarder son premier gisement de pétrole et de gaz en raison de la pandémie de Covid-19.

Pour autant, « Woodside réitère que le premier pétrole de la phase 1 de développement du champ de Sangomar reste sur la bonne voie pour 2023, conformément aux orientations précédentes », insiste un bulletin de la compagnie de la compagnie australienne. « Woodside et ses partenaires de coentreprise ont pris une décision définitive d’investissement inconditionnel pour Sangomar. » 

Depuis lors, la société a pris des mesures précoces pour gérer de manière proactive les nouveaux impacts de Covid-19 sur la chaîne d’approvisionnement et le calendrier du projet. Elle déclare travailler « avec des contractants de projets, le gouvernement du Sénégal et ses partenaires de coentreprise pour optimiser les dépenses à court terme tout en protégeant la valeur de l’investissement et livrer le premier baril de pétrole en 2023 ».

Des calendriers modifiés

Rappelons que la coentreprise ayant en charge le bloc de Sangomar est composée de Woodside Energy (35 % opérateur), Cairn Energy (40 %), Far RSSD (15 %) et Petrosen (10 %). Ce dernier se montre également rassurant, expliquant que les défauts temporaires d’un partenaire sont monnaie courante dans l’industrie pétrolière. L’un de ses représentants minimise les divergences entre Woodside et Macky Sall.

À son sens, ce dernier a juste constaté que les circuits d’approvisionnement ne fonctionnent plus comme avant. « De fait, il fallait revoir les calendriers des différents projets pétroliers. » Petrosen a également publié un communiqué pour détailler un changement de calendrier de ses projets, « Tout le monde, y compris Woodside, était dans cette logique », explique un porte-parole.

Selon qui l’intention de Woodside est bien de rester dans les délais prévus, concernant Sangomar. Pour l’heure, Petrosen ne fait pas officiellement acte de candidature pour reprendre la participation de Far RSSD dans la coentreprise, mais cette piste ne saurait être écartée. Une telle opération ne serait, de toute façon, pas décidée avant la fin de l’année. 

Sangomar, situé à 90 kilomètres du littoral sud-sénégalais, avait été découvert en 2014. Ses réserves sont estimées à 2,5 milliards de barils.

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Par Kimberly Adams

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