NU: Mabingue Ngom, une lutte contre le sida
Le sida coûte cher à l’Afrique, sur le plan humain et économique. Un combat que le directeur régional du Fonds des Nations unies pour la population, Mabingue Ngom, mène sur plusieurs fronts, sanitaires et démographiques.
Abidjan, Guillaume Weill-Raynal, envoyé spécial
Il parcourt le monde sans relâche. Voici une semaine, Mabingue Ngom se trouvait à Accra, puis à Yogyakarta, en Indonésie. Aujourd’hui, il est à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour intervenir en marge du sommet Union africaine-Union européenne, à une conférence consacrée à la jeunesse africaine et au dividende démographique…
Abidjan, il y est retourné le 6 décembre, dans le cadre des Journées de lutte mondiales contre le sida. Deux sujets intimement liés, insiste-t-il. Dans l’intervalle, il se sera rendu à New York au siège de l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population), puis à Dakar où est basée la direction régionale à la tête de laquelle il a été nommé en 2015. À l’époque, la communauté scientifique et les organisations de lutte contre le sida criaient victoire. L’épidémie mondiale semblait durablement stoppée, en voie de régression.
On parlait d’une éradication complète à l’horizon 2030. Mais il a fallu déchanter, et certains redoutent à présent qu’une nouvelle épidémie se déclare dans les prochaines années. Le combat contre la maladie ne connaît pas de répit, et les ressources financières qu’il faudrait pour le mener correctement sont trop souvent insuffisantes au regard de l’importance des populations touchées. Aujourd’hui, près de 37 millions de personnes dans le monde, sont atteintes par le VIH, dont 1,8 million nouvellement infectées durant l’année 2016.
Les deux tiers des personnes touchées sont africaines. Sur le continent, seule la moitié bénéficie d’un traitement, antirétroviral ou autre. Des traitements onéreux, qui pèsent lourdement sur le système de santé de pays déjà handicapés par la faiblesse de leur économie et auxquels les ONG et organisations internationales ne peuvent contribuer que pour une part trop faible. À quoi s’ajoute l’impact économique des dégâts sanitaires – taux de morbidité et de mortalité –, qui va bien au-delà des seules considérations de perte de force de travail et de productivité.
Une entrave au développement
« L’enjeu n’est pas que sanitaire, il est global, développemental et économique. L’impact pour la croissance économique est énorme. Il faut être aveugle pour croire que le sida est un phénomène isolé », explique Mabingue Ngom.
Pas seulement à cause des conséquences humaines et sociales provoquées par la maladie à l’échelle d’une famille ou d’un village – « Au Lesotho, les gens passaient leur temps à aller voir leurs proches à l’hôpital ou à se rendre aux funérailles » –, mais aussi parce que l’épidémie sous tous ses aspects, la transmission maternelle du virus à l’enfant, notamment, risque de compromettre gravement le développement futur du continent, par la fragilisation des objectifs fondamentaux de capture du dividende démographique : un programme majeur de l’UNFPA, entériné en janvier 2017 par l’Union africaine et soutenu par nombre d’institutions continentales au premier rang desquelles la BAD.
Le lien entre les deux sujets ? Il apparaît clairement au regard de la définition du dividende démographique, telle que la formule Jean-Pierre Guengant, directeur de recherches émérite à l’IRD (Institut de recherche sur le développement), soit « l’accélération de la croissance économique grâce à la diminution des personnes à charge ».
Une diminution qui ne peut se réaliser que par la baisse du taux de fécondité. Le scénario « de l’émergence » le plus optimiste prévoit qu’un taux de fécondité de 2,0 enfants par femme aboutirait en 2050 à une simple stabilisation des moins de 15 ans (enfants à charge non-productifs) à 24 % de la population, et un doublement à 36 % des 15-35 ans, une classe d’âge considérée comme productive.
Un taux de fécondité de 3,5 enfants par femme constituerait déjà un scénario plus problématique dans la mesure où il aboutirait au doublement de la tranche « non-productive » des moins de 15 ans, « c’est-à-dire deux fois plus d’enfants à soigner et à scolariser », explique Jean-Pierre Guengant.