Niger : Le pari des jeunes entrepreneurs
Produire en toute saison des cultures bio, tel est le défi relevé par de jeunes Nigériens. Objectif : parvenir à l’émergence d’une nouvelle forme d’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire et le développement.
Niamey, Sani Aboubacar
L’entrepreneuriat agricole intéresse désormais les jeunes Nigériens, qui développent des initiatives mettant en valeur des terres agricoles. Un enjeu de taille pour un secteur qui pèse 46 % du PIB. Malam Saguirou est promoteur de l’entreprise agricole Mon Champ.
Il apparaît comme un modèle de réussite dans ce secteur. Sur un terrain de 6 hectares, il pratique une agriculture irriguée depuis 2012. « Nous travaillons 12 mois sur 12. C’est une agriculture qui nécessite une certaine connaissance et un investissement d’un niveau supérieur », explique-t-il, en référence à l’agriculture pluviale pratiquée jusqu’ici au Niger.
À travers son entreprise, Malam Saguirou expérimente et diffuse des techniques à la fois simples et innovantes de cultures associées d’irrigation et d’utilisation de l’énergie solaire, pour une production tout au long de l’année.
Son modèle économique repose sur la recherche de capitaux, l’investissement dans les champs des paysans sans acheter leurs terres, sans les louer non plus : «Nous prenons possession des champs des paysans pendant sept ans. On investit ensemble, nous les formons au travail, les accompagnons. Puis nous leur donnons une partie de la récolte. À la fin du système, nous leur retournons leurs terres avec les investissements, avec un savoir-faire tout en maintenant un lien de collecte de récoltes », explique le promoteur de Mon Champ.
Concrètement, l’entreprise établit un réseau de compétences et la mutualisation des outils et des semences pour atteindre, à l’échelle d’un village ou d’un groupement de familles, l’autonomie économique et la sécurité alimentaire.
Ce défi suscite l’intérêt des jeunes, à l’image de Mariama Ibrahim Maifada. Depuis plus d’un an, son entreprise, Ma Terre, Ma Richesse, produit du moringa sur un hectare et pratique l’élevage de vaches laitières. « Bien vite, je compte me lancer dans la production d’eau en sachet afin de rentabiliser le forage et le système de pompage », promet-elle fièrement.
Pour cette mère de trois enfants, la terre est la plus grande richesse de l’homme. Sauf qu’avec un terrain de seulement deux hectares, « le défi est de taille », reconnaît-elle. « Mais grâce à l’appui des partenaires comme le Centre incubateur des PME au Niger et le PPAAO (Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest), j’ai développé mes activités. »
Une forme de financement innovant
Tous l’affirment, c’est en irriguant les terres que doit venir le développement économique, dans un environnement hostile (frilosité des banques, manque de fonds propres des agriculteurs, manque de formation, aléas climatiques, etc.).
À ces problèmes bien connus s’ajoutent une insuffisance d’organisation des agro-entrepreneurs, le manque de qualification, la non-maîtrise du marché et surtout le manque d’accès à la terre. L’économiste au Haut-commissariat à l’initiative 3N (« Les Nigériens nourrissent les Nigériens »), Adamou Danguiwa, relève ainsi : « Au Niger, la demande de crédit est atomisée rendant ainsi le coût de transaction élevé. Les banques ont une méconnaissance du secteur agricole. »
Pour contourner cet obstacle, les promoteurs d’entreprises agricoles comptent d’abord sur leur engagement propre. « J’ai commencé par un investissement personnel, sur fonds propres. Ensuite, j’ai pris des crédits auprès d’une institution de microfinance et en fin auprès d’une banque », se rappelle Malam Saguirou. Qui prévient : « Il ne suffit pas de s’endetter. Il faut aussi être capable de rembourser».
L’Initiative 3N prévoit la facilitation des investissements, publics et privés, à tous les segments des filières alimentaires et agroalimentaires. Le Fonds d’investissement pour la sécurité alimentaire au Niger (Fisan) apparaît comme un mécanisme de financement fédérateur.
Le Fisan soutient la transformation des systèmes de production agro-sylvo pastorale et halieutique, et la modernisation des systèmes de transformation et de commercialisation des produits agroalimentaires. Il s’agit « de financements innovants en complément de financements classiques », explique Adamou Danguiwa. « Nous travaillons à la constitution de ce fonds, qui permettra aux jeunes entrepreneurs d’accéder aux financements», explique Abdoulaye Salifou de la délégation de l’UE au Niger.
À travers le Fisan, l’UE entend former les jeunes du secteur agricole. Sur les raisons d’un tel appui, le chef du département Développement rural et sécurité alimentaire de l’UE prévient : « On peut créer un système d’irrigation complet doté de beaucoup de technologies, si on n’a pas de jeunes capables de gérer et maintenir ce système-là, l’investissement ne servira à rien».