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Les ministres de la Zone CFA arrimés au CFA

  • Publiédécembre 12, 2017

Réunis le 5 octobre à Paris, les ministres des Finances, les gouverneurs des Banques centrales et les présidents des institutions régionales de la Zone franc ont démenti toutes les rumeurs de découplage ou de dévaluation du CFA.

Par Christine Holzbauer

Tel un serpent de mer qui se mordrait la queue, les critiques virulentes contre le franc CFA ont repris de plus belle ces derniers mois. Point d’orgue de ce débat « qui ne mène à rien tant il repose sur des contre-vérités », selon les reproches amers du gouverneur de la Bceao, Tiémoko Meyliet Koné : l’arrestation et l’expulsion du Sénégal début septembre de l’activiste Sémi Keba qui a brûlé un billet de 5 000 F.CFA en place publique à Dakar.

C’est dire que la deuxième rencontre annuelle en 2017 des argentiers de la Zone franc, mais la première pour Bruno Le Maire en tant que ministre des Finances de la France, était très attendue sur le sort qu’il y a lieu de réserver à cette monnaie commune à quatorze pays africains, répartis en deux zones écono­miques et monétaires : l’Uemoa (huit pays) et la Cemac (six pays) auxquelles se rajoute la Zone franc des Comores.

Commentant les décisions prises par les ministres de la Zone à l’issue de la réunion, le nouveau patron de Bercy a déclaré que le destin du franc CFA « reste entre les mains des États africains » et que « la France respectera toute demande d’évolution » puisqu’elle est un primus inter pares parmi neuf voix délibératives et ne bénéficie d’aucun droit de veto au Comité directeur.

Statu quo

Malgré les différentes manifestations de rejet du franc CFA un peu partout en Afrique francophone, les réserves de change continueront à être garanties par le Trésor français. Aucun ministre africain présent à Bercy le 5 octobre n’a, à aucun moment, remis en cause le bien-fondé de ce méca­nisme qui rapporte « une rétribution de 0,75 % pour les dépôts à la façon d’un livret A », de sources officielles. Bien au contraire : ils ont tous réaffirmé l’engagement de leurs pays pour le développement de la Zone franc jugée « apporter davantage de stabilité » et « contribuer à l’intégration régionale », selon les propos de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.

D’autant que cette garantie octroyée par la France lui a coûté « 48 millions d’euros l’an dernier et 100 millions l’année précédente », selon des chiffres communiqués par Bercy. Les pays africains ont, aussi, fermement exprimé leur souhait de rester dans cette zone et, donc, de conserver le franc CFA. Lors d’une conférence de presse où étaient également présents les deux gouverneurs des Banques centrales de l’Uemoa et de la Cemac, Amadou Ba, le ministre sénégalais des Finances, a d’ailleurs assuré qu’une sortie du franc CFA « n’était pas à l’ordre du jour » et que « le statu quo était là pour longtemps ».

Interrogé, Abbas Toli Mahamat, gouver­neur de la BEAC (Banque centrale des États d’Afrique centrale), a répété ce qu’il dit depuis six mois. À savoir qu’une dévaluation du franc CFA, notamment celui en circula­tion dans les pays de la Cemac, était exclue. Au vu de la situation économique des six pays de cette zone, très touchés par la baisse du prix du brut, des rumeurs persistantes se sont mises à circuler qu’un taux de change monétaire de 1 euro = 1 300 F.CFA pourrait être imposé, au lieu de la parité fixe 1 euro = 656 F.CFA actuellement. Utilisant la tribune de Bercy, Abbas Toli Mahamat a martelé qu’aucune dépréciation monétaire du franc CFA en zone Cemac n’avait été envisagée et qu’il s’agissait d’un « scénario irréaliste » au vu de l’appui budgétaire récent apporté par le FMI aux six pays de la zone, dont deux toujours en attente de probation (Congo Brazzaville et Guinée équatoriale).

Maintien de la parité

Bien que techniquement possible, ce découplage aurait eu l’effet d’une vague de choc dans le contexte actuel de tensions et de polémiques sur le franc CFA. Pour rappel : les rumeurs d’une possible dévaluation du franc CFA dans la zone Cemac avaient enflé à la suite du communiqué final des travaux du sommet des chefs d’État de cette zone du 23 décembre 2016, à Yaoundé (Cameroun) indiquant que les dirigeants avaient « relevé d’emblée que le renforcement de la stabilité macroéconomique ne nécessite pas un réajus­tement de la parité monétaire actuelle ». Cette phrase, rendue publique après un sommet auquel participaient la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, et le ministre français de l’Économie de l’époque, Michel Sapin, était une indication que l’avenir du franc CFA avait été débattu à cette occasion faisant craindre, du coup, que la stabilité monétaire ne puisse plus forcément être assurée.

Nouvelles recettes fiscales

Depuis la fin de ce sommet, quatre pays (Cameroun, Gabon, République centrafri­caine, Tchad) ont bénéficié de prêts de la part du FMI conditionnés à la mise en oeuvre de réformes structurelles auxquels la France a décidé d’ajouter 1 milliard d’euros sur trois ans, sous forme de facilité budgétaire afin de leur permettre d’accélérer la diversification de leurs économies.

Les progrès réalisés grâce aux programmes conclus avec le FMI par l’ensemble des pays de l’Uemoa et les quatre pays de la Cemac ont d’ailleurs fait l’objet d’une mention spéciale dans le communiqué de Bercy : « Les mesures opérées dans le cadre des programmes et les apports de financements du FMI, de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de l’Union européenne et de la France contribuent à l’amélioration de la confiance et aux progrès constatés depuis le printemps », stipule ce communiqué.

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions qu’à l’issue de la réunion du 5 octobre, les participants aient réitéré leur volonté de tout mettre en oeuvre pour le développement de la Zone franc afin, notamment, de continuer à faire de cette zone « un espace de dialogue ouvert et de coordination des politiques publiques, en lien avec les principaux bailleurs et institutions ». Pour garantir le bon fonctionnement de leurs unions monétaires, les ministres des Finances, les gouverneurs des Banques centrales et les présidents des institutions régionales se sont également accordés sur la nécessité d’une approche coordonnée. Lors de la réunion des ministres de la Zone franc à Abidjan en avril 2017, les risques inhérents à un recul des politiques de convergence avaient déjà été signalés.

En cause, précise le communiqué final, « le ré-endettement rapide causé par d’importants déficits publics qui sont suscep­tibles de remettre en cause les équilibres internes et externes des États concernés », auquel il a été décidé de remédier grâce, notamment, à l’augmentation de la mobilisation des recettes fiscales non-pétrolières.

Prenant à son tour la parole, le gouver­neur de la Bceao a salué la création, depuis avril, d’un outil interne de suivi régulier des recommandations formulées lors des diffé­rentes réunions. « La montée en puissance progressive de cet outil au cours des réunions semestrielles à venir contribuera à accentuer leur caractère opérationnel et à améliorer la stabilité monétaire dans la zone ».

Pour Tiémoko Meyliet Koné, le principal danger aujourd’hui pour le franc CFA n’est pas sa dépendance à l’égard de l’euro mais bien les risques liés à des utilisations frauduleuses : « Comment éviter le blanchiment d’argent avec des CFA, comment éviter que le CFA ne devienne une monnaie de réserve et comment faire en sorte que sa circulation profite vraiment à ceux qui sont les premiers concernés ? Ce sont les vrais problèmes auxquels les opérateurs économiques de la Zone franc sont aujourd’hui confrontés. »

Avec son homologue de la BEAC, il a affirmé vouloir continuer à travailler d’arrache-pied pour le rétablissement de l’interopéra­bilité des francs CFA circulant dans les deux zones de l’Uemoa et de la Cemac. À cause des déséquilibres dans les échanges commerciaux et de problème de compensation qui coûtait très cher à la Bceao, les francs de chaque zone ne sont plus utilisables aujourd’hui dans l’autre zone. Une promesse souvent réitérée qui, si elle est tenue, contribuera à détendre l’atmosphère vis-à-vis du franc CFA du fait de la grande aspiration des populations de la zone à davantage d’intégration.

Écrit par
African Banker

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