Maroc : Un train d’avance
Pour autant, la question de la maintenance des systèmes embarqués se posera sans doute, dans les années à venir, malgré les cahiers des charges de maintenance en cours de rédaction.
« Nous souhaitons favoriser le développement d’un écosystème du ferroviaire au Maroc qui puisse permettre de capitaliser les acquis de cette ligne et pourquoi pas chercher d’autres marchés sur le continent entre Marocains et Français. Dans ce sens, nous avons travaillé à constituer un Gifer (groupement industriel des métiers du ferroviaire) afin d’accompagner à l’implantation ou au développement des industriels au Maroc », explique Marie-Cécile Tardieu.
Certains opérateurs industriels tel que Cegelec ont déjà développé leur gamme de services autour du secteur ferroviaire et au-delà. D’autres semblent encore en phase d’observation notamment sur les parties signalisation et systèmes embarqués mais Ansaldo ou Thalès disposent déjà de portefeuille d’activités et d’implantation en développement.
Cependant, un cadre important de Systra fait remarquer que les structures de coûts et la technicité des projets grande vitesse « demandent une certaine maturité notamment dans les capacités de financements et de génie civil qui se trouvent dans peu de pays sur le continent ».
De plus, certains pays voudront, à l’image du Maroc, privilégier des formules partenariales qui s’appuieront sur des ressources nationales. « Les Marocains ont désormais un temps d’avance sur tout le monde en Afrique sur les questions ferroviaires et grande vitesse », souligne un haut cadre français, partie prenante au comité de pilotage de la LGV.
Quel coût pour le consommateur ?
Dans ces projets d’infrastructures, l’acceptabilité sociale et l’appropriation demeurent des aspects fondamentaux. Depuis octobre, l’ONCF déploie une stratégie de communication qui mobilise les sentiments nationaux, mais elle se sait attendue au tournant sur des questions plus pragmatiques.
Certaines associations marocaines, critiques du projet, évoquent, elles, la question de la rentabilité économique et des prix. Omar El Hyani, élu de Rabat, prévient : « Entre l’amortissement du projet, la maintenance, les surcoûts, le prix du billet pourrait se situer aux environs de 350 à 400 dirhams contre 135 dirhams aujourd’hui, entre Casablanca et Tanger, si l’ONCF recherche une rentabilisation », calcule-t-il, étude de l’association CapDeMa à l’appui.
Le département commercial de l’ONCF sait que le succès du projet dépendra beaucoup du tarif, le consommateur marocain étant très sensible au prix et les options de transport par route entre les deux villes restant très abordables. Sans dévoiler les futurs tarifs, l’opérateur affirme que le prix devrait être « 30 % plus cher en moyenne que les prix actuellement constatés ».
L’ONCF insiste pour sa démonstration sur l’effet que l’infrastructure aura sur le trafic. Modeste à l’heure actuelle – environ 100 000 voyageurs – entre Kénitra et Tanger et important entre Casablanca et Kénitra, entre quatre et cinq millions de voyageurs, la nouvelle offre grande vitesse ainsi que l’implantation des zones industrielles de Tanger et Kénitra pourraient démultiplier leur nombre.
L’opérateur espère atteindre des capacités de 25 à 30 millions à moyen terme et ainsi concilier rentabilité et prix abordable. Une chose est sûre : ils seront nombreux à vouloir réserver leur billet grande vitesse pour l’inauguration…