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Maroc : La course au numérique

Maroc : La course au numérique
  • Publiédécembre 4, 2017

Au Maroc, l’équipement des ménages et des entreprises a progressé à grande vitesse depuis cinq ans. Start-up et PME mettent la pression sur le gouvernement pour qu’il accompagne leur développement. Une Agence du développement digital est créée.

Rabat, Olivier Deau

Rattraper les pays développés » ou « se placer sur la bande supérieure de la création de richesse» ; quel que soit le vocabulaire utilisé, l’écono­mie numérique apparaît comme essentielle aux décideurs économiques marocains. La « 4e révolution industrielle », celle du tout-numérique et des objets connectés, bat son plein, redessinant la carte mondiale des avan­tages compétitifs.

Cette « révolution » repré­senterait presque 60 % des créations d’emploi dans les pays industrialisés et 25 % de la crois­sance. « Le Maroc se trouve en concurrence avec des pays plus compétitifs sur les coûts salariaux et d’autres plus compétitifs sur les technologies. Il doit tout faire pour se situer dans le groupe des pays maîtrisant les nouvelles technologies », expliquent les attendus de la nouvelle Stra­tégie numérique 2016-2020.

« Pour se situer sur la carte des décisions d’investissement, les accès au haut débit sont devenus des facteurs incontournables au même titre que la connec­tivité routière, maritime ou aérienne mais plus encore, il faut que nous développions les savoir-faire technologiques pour rester dans la course », complète un cadre du ministère de l’Industrie et des nouvelles technologies.

Pour ce faire, le pays peut compter sur une pénétration des nouvelles technologies de plus en plus importante et un marché de l’équipement très dynamique (plus de 500 millions d’euros en 2016) tout comme celui des télécommunications (environ 3 milliards d’euros).

Génération connectée

La proportion des ménages équipés d’un accès à Internet à domicile atteint plus de 65 % de la population marocaine selon les dernières études publiées par l’ANRT, l’agence de régulation, tandis que l’accès à l’Internet par les téléphones mobiles s’est développé en très peu de temps à des niveaux équivalents. « Le smartphone s’est démocra­tisé, il n’est pas un Marocain dans les villes aujourd’hui qui ne pianote sur son téléphone pour des conversations WhatsApp ou Facebook ou consulter les vidéos sur Youtube », explique un directeur de l’agence de téléphonie à Rabat.

« Tout le monde utilise à sa manière les services en ligne même si la plupart le font gratuitement comme les gardiens de rue qui regardent les matchs en streaming sur leurs smartphones », explique un observateur du secteur. Dans tous les centres urbains les opérateurs télécoms proposent les nouvelles offres sur des panneaux publicitaires insistant sur l’accès au réseau « 4G ». L’Internet mobile ultrarapide installé depuis deux ans a dyna­misé encore plus le marché de la téléphonie au point que les clients délaissent désormais la connexion ADSL, moins performante.

« Du point de vue des infrastructures, nous avons accompli en trois ou quatre ans le chemin parcouru par certains pays d’Europe en dix ans, pour autant nous n’en sommes pas à une culture digitale du business. Nous ne sommes pas passés complètement de l’usage personnel à l’usage professionnel systématique des nouvelles technologies », précise un jeune entrepreneur casaoui. Depuis 2017, le lancement de la fibre optique est de nature à relancer le marché de l’équipement professionnel.

Fracture numérique

Malgré le développement des sous-trai­tants de logiciels et de nouvelles PME dans le domaine de la transformation numé­rique, la plupart des entreprises sont encore mal connectées, à peine 20 % d’entre elles déclarent avoir une connexion internet. D’après certaines estimations, 65 % des logi­ciels utilisés dans les entreprises sont piratés, nécessitant un développement du marché de la sécurisation. Saloua Belkziz Karkri, prési­dente de l’APEBI, la fédération des télécom­munications, TIC et de l’offshoring, égale­ment patronne de GFI Maroc, un éditeur international d’applications métiers, revient sur le contexte global du secteur : « Pour soute­nir le développement de l’économie numérique et la numérisation de l’économie, il faut que le gouvernement produise de nouvelles incita­tions, nous attendons les mesures du nouveau plan sectoriel d’émergence industrielle – la stra­tégie Maroc numérique 2020. »

Le soutien de l’État à la formation des ressources humaines aux nouvelles techno­logies est jugé « décevant ». C’est pourquoi, « d’ici à 2020, nous nous sommes engagés à soutenir 30 000 formations sur les métiers du numérique car le volet transformation sociale a été un des points faibles de notre accompa­gnement », reconnaît-on au ministère de l’Industrie et des nouvelles technologies. Le secteur pèse plus de 58 000 salariés et 7 % du PIB marocain mais l’ambition est, a minima, de doubler le nombre d’emplois d’ici 2020, notamment à travers l’export de service, et l’offshoring qui se développe exponentielle­ment depuis quelques années.

Les grands groupes marocains et le secteur des médias se sont mis à la page du numérique permettant aux consultants et entreprises en « transformation numérique » de déployer leur savoir-faire. Selon l’étude Digital trends réalisée par un groupement d’annonceurs publicitaires, les grandes entreprises marocaines investissent de plus en plus sur leur image en ligne et sur les services dématérialisés. Jeunes entrepreneurs et dirigeants d’entreprise high-tech occupent désormais le devant de l’espace médiatique : lequel s’est d’ailleurs lui aussi numérisé.

«Les journaux papiers sont désormais passés à des modèles hybrides dans lesquels la diffusion papier reste importante mais le Web est plus réactif et quasiment obligatoire », explique Mohamed Douyeb, fondateur de Le Media et membre du Think-Tank Digital Act. Côté recettes publicitaires, « le chiffre d’affaires du digital est en constante progression même s’il n’a pas surpassé le volume des inser­tions payantes », explique Mounir Jazouli, président du Groupement des annonceurs marocains. « Le marché digital publicitaire, estimé à quelque 200 millions de dirhams (près de 18 millions d’euros) est dominé par Facebook et Google qui s’approprient 80 % des dépenses des annonceurs au détriment de la création locale de contenus et donc de médias en ligne qui proposent pourtant un contenu local », regrette Mohamed Douyeb.

L’essor du commerce en ligne

Les études de consommation de l’ANRT attestent également un phénomène d’extra­version : « Les internautes visiteraient davan­tage les sites internationaux (77,8 %) que les nationaux (22,2 %) bien que la proportion des internautes marocains visitant les sites natio­naux connaisse une forte croissance depuis plusieurs années. »

Un domaine investit massivement les médias et supports marocains, celui de la vente en ligne, en développement exponen­tiel. Entamé timidement à travers les sites de petites annonces, l’e-commerce devient un secteur à part entière ; des sites d’achats en ligne bénéficient de plateformes de paiement sécurisées. Le secteur a triplé en quatre ans et représente environ 24 milliards de dirhams par an (2,2 milliards d’euros). Toutefois une forte proportion de ce volume d’affaire est en fait assurée par le paiement de certains services collectifs urbains et la téléphonie.

Les niches de consommation plutôt tour­nées sur les besoins des classes moyennes hautes telles que l’équipement high-tech et les articles de mode et habillement représentent quasiment, elles, trois-quarts des transactions des grands sites d’e-commerce. Pour se déve­lopper encore plus le secteur doit changer les habitudes des consommateurs. Hassan Alaoui Belrhiti, le nouveau patron de Jumia, le plus important de ces sites en ligne, au Huffpost Maghreb que « 96 % des acheteurs choisissent le paiement à la livraison mais au bout du deuxième ou troisième achat sur le site une rela­tion de confiance s’installe et 20 % d’entre eux finissent par payer en ligne ».

Des plans sectoriels ambitieux

Leader sur le marché marocain du e-commerce, Jumia appartenant au géant Africa Internet Group avait levé 225 millions d’euros en 2016, pour son développement sur le marché local et le marché africain. Mais les professionnels du secteur en appellent à un « nouveau contrat avec le gouvernement » et notamment la « défiscalisation de TVA sur la vente en ligne » pour dynamiser le secteur.

Côté gouvernemental, les plans sectoriels sur le numérique ont affiché de grandes ambi­tions, pas toujours atteintes, mais force est de constater que le pays s’est situé sur la carte des investissements. Le Maroc est devenu la prin­cipale destination pour les investissements des pays francophones dans les domaines des centres d’appel, de l’offshoring TI et de l’exter­nalisation des processus métiers.

Les plateformes offshores lancées en 2009 et les clusters ont permis de donner des moyens aux acteurs du secteur en développe­ment à travers une fiscalité avantageuse. Le chiffre d’affaires de l’offshoring a triplé entre 2009 et 2012 pour atteindre 200 millions d’euros, puis 400 millions en 2015, mais il est resté loin des objectifs initiaux de la politique sectorielle.

« Avec le nouveau plan Maroc nume­ric 2020, l’ambition est d’atteindre 5 % à 10 % de croissance de l’offshoring et devenir numéro 1 en Afrique francophone et numéro 2 en Afrique », explique notre cadre du minis­tère de l’Industrie et des nouvelles techno­logies. Pour 2020, la feuille de route affiche 1,6 milliard d’euros de business à l’export, et 60 000 nouveaux emplois pour 150 millions d’euros d’investissements privés attendus. Le développement de l’e-administration a permis de faire progresser fortement le pays dans les classements internationaux en matière de e-gouvernement. Désormais, de nombreux services sont dématérialisés et permettent aux citoyens de consulter en ligne la documenta­tion et leurs informations personnelles.

Un nouvel outil

Le plan sectoriel précédent, Maroc numé­rique 2013, avait fait l’objet d’un rapport sévère de la Cour des comptes, qui pointait quelques investissements inadéquats dans les équipements publics, surtout concernant les logiciels et l’inachèvement de nombreux projets, mais aussi un flou dans la gouver­nance et le pilotage de la stratégie numérique du pays et les carences dans la formation.

C’est après avoir tiré les leçons des derniers plans sectoriels de soutien au numé­rique, que le gouvernement vient de s’enga­ger à un pilotage plus unifié du plan de trans­formation numérique. Début août 2017, l’Agence du développement digital (ADD) a été annoncée par le jeune secrétaire d’État à l’Investissement, Othman El Ferdaous.

Cette agence aura en charge de structurer les projets publics dans le secteur numérique et la déma­térialisation de certains services, ainsi que de soutenir les porteurs de projets privés dans leur développement. L’ADD « promouvra l’adéquation de l’effort de formation avec les besoins du pays, elle encouragera la recherche scientifique appliquée, contribuera au déve­loppement de l’initiative et de l’entrepreneu­riat dans le secteur de l’économie numérique, et contribuera à la recherche des financements nécessaires au soutien des projets structurés », explique Othman El Ferdaous.

L’ADD a reçu également pour mandat de contribuer à la convergence et à la cohérence des projets publics dans le domaine du e-gov, l’intero­pérabilité et l’intégration des services publics numériques, et d’accompagner les initiatives numériques des collectivités territoriales.

Écrit par
Olivier

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