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Marc Gaffajoli : « Rentable, le modèle d’Afrijet peut être dupliqué sur le continent »

Marc Gaffajoli : « Rentable, le modèle d’Afrijet peut être dupliqué sur le continent »
  • Publiédécembre 23, 2021

A l’occasion du vol inaugural Paris – Libreville – Paris assuré par la compagnie gabonaise Afrijet et française La Compagnie, Marc Gaffajoli (administrateur général d’Afrijet) revient sur le bien-fondé des partenariats et du modèle économique de sa compagnie qu’il entend poursuivre.

Par ABF

Dans la destination Paris – Libreville, Afrijet a conclu un partenariat avec le français La Compagnie. Quelles sont les motivations de cette démarche ?

Le choix de la destination Libreville-Paris-Libreville est simple. Elle est l’une des toutes premières lignes en termes de trafic passager au départ du Gabon. C’est un grand classique qu’on a décidé de revisiter, avec une innovation produit et une innovation tarifaire.

Notre avion allie le confort, la technologie avec tous les avantages d’un avion A321, l’espace, l’intimité, la sérénité ; le passager peut bénéficier de nos différents services à bord. L’innovation tarifaire, c’est d’être capable de travailler à ce que les Anglo-saxons appellent « The value for money » et que les Français traduisent approximativement par « rapport qualité/prix ».

Souvent, des pays disposent d’une compagnie, mais ne sont pas satisfaits de leur réseau régional, d’autres pays ne disposent pas de compagnie et veulent en créer une. Au fur et à mesure que nous dupliquerons notre modèle nous serons capables de réduire les coûts pour l’ensemble des acteurs, puisque nous aurons davantage d’avions.

C’est l’idée que finalement, aujourd’hui, la personne qui veut se déplacer entre Libreville et Paris va payer en règle générale, a minima, quelle que soit la classe, 1500 euros ; et ce montant peut aller jusqu’à 7500 euros lorsqu’il souhaite se déplacer vers l’avant de l’appareil.

Nous croyons qu’aussi bien les gens qui paient 1500 euros que ceux qui paient 7500 euros aspirent à un prix plus abordable et qui soit aussi plus en rapport avec la valeur du service qui est apporté.

Cette idée d’avion tout « Business Class » est le premier mouvement d’Afrijet sur du long courrier et est aussi le premier mouvement sur cette ligne. Nous ne nous arrêterons pas à la classe affaires, mais c’est celle qui nous a paru la plus facile à développer et sur laquelle nous avions une demande.

A gauche Marc Gaffajoli (Afrijet) et Christian Vernet (La Compagnie) à droite

Lorsqu’on est une compagnie africaine et qu’on souhaite se lancer sur le long courrier, on est dans une situation de déséquilibre profond avec les opérateurs du Nord.

Ces derniers ont des flottes beaucoup plus importantes, ont accès au financement, ce qui leur permet de réduire le coût du capital. Ils ont des centres de maintenance à proximité, alors que nous devons assurer notre maintenance beaucoup plus loin ; la compétition est donc biaisée.

Certains pays ont décidé de créer des compagnies nationales, et d’acheter des avions long-courriers pour entrer dans cette compétition. Or, quand on achète deux, trois ou voire quatre avions long-courriers, et quand on est face à des flottes qui elles ont plusieurs centaines d’avions, quel que soit le dynamisme qu’on peut insuffler, il est très difficile de concourir.

Notre approche est un peu plus agile. On se dit qu’investir dans l’avion n’est pas une nécessité. Ce qu’il faut, c’est être capable de trouver la bonne combinaison avec un partenaire qui nous permet d’exploiter ce qu’on appelle les « Code Share » dans notre métier.

C’est lorsqu’on établit une alliance commerciale où deux compagnies donnent conjointement leur code à un même vol. Au regard des accords aériens qui lient les États entre eux, deux transporteurs peuvent s’allier pour exploiter une route.

L’avantage d’une telle démarche ? Nous avons accès à un moyen de production, ici l’avion, qui est déjà utilisé sur un réseau, celui de notre partenaire La Compagnie.

Ainsi, nous minimisons le coût du capital, le coût d’entrée sur cette route. La deuxième chose, c’est que nous bénéficierons de son expertise, son savoir-faire en matière d’opération du type d’avion et d’opération long courrier.

En retour, l’alliance va bénéficier des droits de trafic accordés à la partie gabonaise dans le cadre de l’accord aérien entre la France et le Gabon, ensuite de notre présence sur le marché national gabonais, mais aussi régional.

Nous avons quinze agences dans la région et notre plan de développement prévoit 25 agences dans à peu près trois ans. Nous avons des points de vente et de distribution de proximité dans l’ensemble des villes qu’on dessert et plusieurs dans nos aéroports. Bien sûr, Afrijet a un site Internet, un call center…

Toute cette force de frappe, aujourd’hui au service de notre réseau régional (une dizaine d’escales), nous la mettrons au service de notre nouvelle ligne.

La stratégie de La Compagnie et Afrijet c’est bien l’alliance entre, d’un côté, une expertise technique opérationnelle et de l’autre côté, une expertise commerciale et la maîtrise de points de trafic.

Votre offre 100% Business Class peut-elle être considérée comme une offre 100% luxe ?

Nous n’avons pas renoncé à une offre universelle. Je ne qualifierais pas notre offre de 100% luxe ! Pourquoi ? Parce que derrière le luxe, il y a un côté goût pour le superflu, et réservé à une certaine élite. Alors que nous voulons précisément faire le contraire ; c’est-à-dire, démocratiser un certain confort à bord.

Comment ? En offrant un niveau de prix permettant à tout passager en ligne économie – parce qu’il trouve que les tarifs sont exorbitants dès lors qu’il franchit deux rideaux –, de goûter à notre produit, moyennant un effort financier raisonnable.

Donc c’est précisément l’inverse. Le luxe vise souvent à trier, à distinguer… Notre projet c’est de démocratiser un produit 100% service… 

… et donc de prononcer l’arrêt de mort de la classe économique !

Non, pas du tout. Il y aura toujours un marché pour une classe économique. D’abord, parce que le motif de voyage diffère. On n’a pas les mêmes attentes quand on part pour trois jours, une semaine ou un mois ; lorsqu’on peut se reposer à l’arrivée, ou on doit faire quelque chose d’important, que ce soit un voyage personnel ou affaire, etc.

Je crois fondamentalement qu’il faut laisser le choix aux gens de ce qu’ils veulent dépenser, mais avec un prix qui n’est pas fondé sur le choix entre une route directe ou indirecte, mais sur ce que les passagers attendent en matière de confort et de flexibilité. Nous voulons faire bouger les lignes.

Pour réussir à faire bouger les lignes, ce qui est un challenge, il faut une flotte. En avez-vous de conséquente ?

Notre flotte destinée à opérer notre réseau régional est composée aujourd’hui de six appareils ATR, des avions qu’on connaît très bien depuis 2014.

L’ATR est un avion économique et respectueux de l’environnement, il nous a permis de relier les différentes capitales économiques et politiques de toute la sous-région. Tout simplement parce que nous avons la chance d’être dans une région de l’Afrique où les villes sont très proches les unes des autres.

Là vous parlez de la région Cemac…

Pas seulement. Un peu plus loin même. Si vous allez jusqu’en Afrique de l’Ouest, vous verrez qu’on est très proche du Nigeria, du Bénin, du Togo, ensuite on est proche de la RD Congo.

Bien sûr la région Cemac est notre berceau, mais à ses frontières, on trouve une certaine proximité, de centres humains et démographiques de grande ampleur.

Pour revenir aux ATR, nous croyons bien que ce sont les meilleurs avions pour répondre à la nécessité de connectivité régionale en Afrique centrale, parce qu’elle permet une liberté de circulation, mais aussi à proximité.

Néanmoins cette flotte avait besoin d’être rénovée, parce que nous arrivons au bout d’un cycle avec des appareils qui ont dix à douze ans ; nous voulons changer de génération d’avions et passer du Tiret 500 au Tiret 600.

Ces derniers vont rejoindre la flotte en 2022 et 2023 et petit à petit les Tiret 500 vont sortir, donc c’est un choix de remplacement.

De plus, nous envisageons d’augmenter en fréquence et d’ouvrir de nouvelles destinations. Nous pouvons opérer en propre.

Parallèlement, nous sommes en discussion aussi bien avec notre partenaire La Compagnie sur d’autres domaines qu’avec d’autres partenaires dans d’autres régions du monde pour desservir des destinations sur lesquelles il y aurait un intérêt conjoint à créer une alliance.

Je crois qu’en organisant l’économie du transport aérien africain en réseau, on peut parvenir à créer de la compétitivité que ce soit vis-à-vis du Nord, des compagnies du Moyen-Orient, et autres.

Il vaut mieux essayer de combiner les expertises des spécialistes plutôt que de vouloir faire tout dans une petite compagnie.

Souvent je regrette que les compagnies africaines se fassent la concurrence entre elles. On le voit notamment dans l’Ouest africain avec trois pays pour ne pas les citer où s’exerce une forte rivalité. Il en est de même dans certains pays d’Afrique de l’Est.

Certes la rivalité et la concurrence sont de bonnes choses, mais dans un continent si vaste comme l’Afrique avec ses spécificités de marchés, les compagnies africaines devraient essayer aussi, de temps en temps, plutôt que de se positionner toutes sur les mêmes axes, de voir comment elles peuvent organiser le développement du transport aérien et construire des coopérations.

De fait, il n’est pas toujours nécessaire d’être l’opérateur, c’est-à-dire le transporteur ! On peut être le transporteur contractuel, c’est-à-dire l’opérateur qui apporte son code sur l’avion. Ce qu’il faut c’est de trouver les bonnes manières de réduire les coûts ensemble au bénéfice d’une opération commune.

Malheureusement, les compagnies nationales sont souvent motivées par le désir de faire rayonner leur pays ; ce qui est légitime, mais on peut représenter son pays sans que ce soit au détriment d’un autre. On peut choisir aussi la coopération…

J’invite les compagnies africaines à travailler à ce sujet, parce qu’il y a énormément de choses à faire ensemble pour l’amélioration du transport aérien en Afrique.

Quels sont vos atouts pour attirer les hommes d’affaires chez vous ?

Quand nous avons commencé les activités transports aériens réguliers, nous avons érigé en grand principe à la ponctualité et à la fiabilité. Parce que souvent, les compagnies africaines sont critiquées sur ce volet.

Nous avons ainsi marqué notre différence, avec ses avantages et ses inconvénients. Au début, nous avons fâché certains clients, y compris des passagers qui avaient une certaine aura, voire un certain rang, parce que les avions ne les attendaient pas !

Notre politique, c’est que le temps de chacun est précieux et il faut respecter chaque passager. C’est notre marque de fabrique et aujourd’hui, nous sommes reconnus comme une compagnie fiable et ponctuelle ; et cela est important pour les hommes d’affaires, qui privilégient la ponctualité.

La deuxième chose pour l’économie africaine, c’est qu’on a une offre « passager » et une offre « cargo ». En début d’année dernière, nous avons acquis un module tout cargo, car nous estimons que le marché n’est pas assez simulé autour de l’économie.

Quand je suis à l’intérieur de l’Afrique à Brazzaville ou à Kinshasa, j’ai peut-être envie de manger du bon poisson, tel qu’on en trouve à Sao-Tomé, et vice-versa. Quand je suis à Douala, j’ai envie de manger du manioc qui vient de Franceville au Gabon. C’est une offre qu’on sait importer ; nous allons essayer de la dynamiser petit à petit.

Nous voyons comment mettre en valeur la fraîcheur des produits, répondre à certains besoins encore mal couverts, comme le transport de pièces détachées. Bien sûr, nous devons privilégier des besoins qui nécessitent une certaine urgence, sous peine de ne pas être compétitifs face au bateau ou au train.

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Par ABF

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