Mali. Confirmer l’embellie
Mali. En 2014, la vigueur de la croissance, établie à 7,2 %, pourra-t-elle effacer les dommages sociaux et économiques causés par la crise et ouvrir la voie vers l’émergence ?
Traditionnellement soutenue par deux piliers, les mines et le coton, l’économie a été por-tée, en 2014, par le rebond de l’agriculture ; le PNB affi che une hausse de 7,2 % en termes nominaux, selon les calculs du FMI. Bien sûr, grand a été le rôle des bailleurs de fonds internatio- naux qui fi nancent en grande partie la reconstruction et les projets d’investisse- ments. Une fois encore, l’économie reste dépendante des exportations d’or (64 % des ventes à l’étranger) et de la production agricole, ce qui rend le pays vulnérable à l’évolution du cours du métal précieux et aux aléas climatiques.
Dans ce contexte, le moral des entreprises, sondé par le baromètre de conjoncture des entreprises au Mali, une initiative du patronat, dénote que les entreprises « se situent dans une perspective optimiste en dépit d’un contexte très concurrentiel, d’une innovation très faible et d’un cadre institutionnel et réglementaire qui ne joue pas son rôle de régulation ».
De l’avis de Youssouf Traoré, président du Conseil des transporteurs routiers et PDG de Bani Transports, la persistance de la rébellion entrave le développement : « Les camions se font attaquer au Nord. Nous avons toujours approvisionné la population même aux moments les plus diffi ciles où nous avons dû passer parfois par le Burkina Faso et le Niger. Le transport joue un rôle important dans un pays enclavé comme le nôtre, mais nous devons faire face à la non-application des textes de l’Uemoa. Les barrières douanières ne sont pas levées. Souvent les États évoquent les questions d’insécurité au Sahel ».
Pour Mamadou Tiény Konaté, président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, « la relance est factice. Il est essentiel de reconstruire les marchés nationaux, soubassement de l’éco- nomie nationale, et d’accompagner les entreprises face à la concurrence déloyale des produits des pays limitrophes. Organi-ser les entreprises de prestations de services en groupement, sur le modèle de ce qui a été fait au Brésil, permettrait au secteur informel de sortir de la crise et de se struc-turer. Le commerce n’est aujourd’hui pas régulé. Les textes existent, mais ils ne sont pas appliqués. L’État malien, malgré le soutien des bailleurs de fonds, ne pourra pas investir seul. Il faut encourager les partenariats public-privé ».
L’émergence économique repose sur la réussite de la modernisation d’une économie où 80 % des entreprises sont dans l’informel. C’est le pari du ministre de l’Économie et des fi nances, Mama- dou Igor Diarra, qui espère pour 2015 une augmentation de la fiscalité de 1,8 point de PIB. En 2014, les recettes fiscales n’ont pas atteint leur objectif en raison des déficiences de l’administration douanière. Le paradoxe reste celui d’une assiette fiscale réduite avec des entreprises fortement taxées même si, officiellement, la charge fiscale reste inférieure à la moyenne Uemoa, de 17 %.
Dans le classement Doing Business, le Mali a gagné 17 places depuis 2009. Mais le pays se situe à une modeste 149e place, sur 189 pays. Les investissements étrangers, essentiellement effectués par des entreprises non-africaines, représentent 70 % du total des investissements. En 2014, les grandes entre- prises ont réalisé en moyenne 16,7 milliards de F.CFA de chiffre d’affaires. « L’objectif est d’être un pays au top des réformes. Pour le développement, il faut aller étape par étape, car les chantiers sont énormes. Nous devons évaluer nos actions à mi-parcours. C’est la tendance actuelle », explique Youssouf Maïga, du ministère de l’Industrie et de la promotion des investissements.
Formaliser l’informel
Réactivée en 2015, la Cellule technique de réforme du cadre des affaires (CTRCA) est une commission mixte qui rassemble secteur privé et public. Abdoulaye Touré, économiste principal, est en charge de la préparation du plan d’actions qui sera soumis prochaine-ment au secteur privé. L’enjeu est l’exécution des actions déjà entreprises, mais qui aujourd’hui restent insuffisamment abouties, notamment le Guichet unique géré par l’Agence pour la promotion des investissements (API) à la fois pour la création d’entreprises, le permis de construire et l’exportation.
En matière de commerce transfrontalier, le Transit routier inter-États (TRIE) de l’Uemoa limite les contrôles à trois postes : départ, frontière et arrivée ; pourtant, la fluidité des échanges avec les pays comme le Sénégal n’est pas au rendez-vous alors que 70% des importations transitent par le corridor sénégalais. Il ressort de l’Observatoire des pratiques anormales que « le corridor Dakar-Bamako est celui qui subit le plus de contraintes administratives en Afrique de l’Ouest ».
Une réflexion sur le lancement de la carte de l’entrepreneuriat vise à formaliser l’informel et à l’accompagner vers l’accès au crédit. Quelque 10 000 entre- prises sont ciblées. Si des efforts sont consentis en matière de réforme du Code des marchés publics, d’assainissement des finances publiques, le monde de l’entreprise demeure en attente d’actions concrètes propices à un développement du secteur privé.