Loïk le Floch-Prigent parle de croissance
Sauf que l’Afrique a raté son industrialisation. Malgré le temps écoulé, ce saut demeure-t-il un passage obligé ?
On ne peut pas imaginer que l’Afrique se développe sans accéder à la maîtrise de la transformation des matières premières sur son sol, et sans posséder l’énergie permettant cette transformation. Tant qu’il n’y aura pas d’industrialisation, l’Afrique ne s’en sortira pas.
Comment analysez-vous la politique en pointillé que constitue la diplomatie d’Emmanuel Macron en direction de l’Afrique ?
C’est difficile d’en parler après seulement quelques mois de présidence. Je ne me hasarderai pas à porter un jugement sur ce point. On peut simplement relever que les prédécesseurs du président Macron avaient réalisé, durant leur mandat, diverses opérations dont je me permets de dire qu’elles n’étaient pas convenables. Aujourd’hui, le président Macron observe et essaye de comprendre l’Afrique. Il faut espérer qu’il trouvera des solutions.
Quel besoin avez-vous répondu en écrivant Carnets de route d’un Africain ?
J’étais en captivité illégale au Togo, j’avais une tumeur à la jambe qui ne pouvait pas être soignée sur place. J’avais peur de ne pas m’en tirer, et surtout, je ne voulais pas qu’on dise de moi que l’Afrique m’avait tué sans que j’aie pu expliquer pourquoi j’aime l’Afrique. Ainsi, j’ai commencé à écrire sur le matelas de la gendarmerie de Lomé…
On y sent la volonté de raconter une Afrique que vous avez connue directement et indirectement…
J’ai vécu l’Afrique d’une manière intense, qui n’est pas très éloignée de ce que je ressens pour ma Bretagne natale. L’irrationalité, l’importance accordée aux ancêtres… Tout un ensemble de choses qui font que lorsque je prends l’avion pour retourner en Afrique, les autres voyageurs me disent : « Tu retournes à la maison ! » Je me sens chez moi en Afrique, même si j’ai un visage avec une couleur de Breton.
Au-delà de la couleur, il y a aussi la compréhension d’un monde, mais que vous avez parfois du mal à appréhender et à décoder, on le sent à travers les pages du livre. Qu’est-ce qui explique ce mystère africain ?
C’est aussi difficile à comprendre que le mystère breton. Nous rencontrons à la fois un mélange de rationnel et d’irrationnel. Au fil de l’histoire, la culture africaine a conduit la transmission orale à un niveau nettement supérieur à celui que nous connaissons en Occident, et à un contact avec la nature complètement différent du nôtre.