Les Africaines dans les mines
En dehors de l’Afrique du Sud et du Ghana, où l’extraction aurifère emploie traditionnellement des Africaines, elles sont minoritaires dans cette industrie. Une situation en passe de changer.
Lors du dernier Salon international des mines (SIM) à Dakar, en novembre 2014, un stand a attiré tous les regards. Stratégiquement placées, les étudiantes de l’école des Sciences de la terre de Dakar et les associations de femmes travaillant dans les industries d’extraction en Afrique se sont mobilisées pour sensibiliser, expliquer et persuader les visiteurs que la mine peut, aussi, être un métier de femmes. Le président Macky Sall – lui-même ingénieur et géologue de formation – y a marqué un long arrêt. « Avec le boom minier qui se prépare au Sénégal, les femmes doivent pouvoir en profiter, confie Fatoumata Diallo, étudiante en 4e année de Géoscience. En tout cas, quels que soient les secteurs et les domaines de spécialisation, nous sommes prêtes ». À la direction des Mines du Sénégal, « quatre femmes occupent des postes d’ingénieurs en chef sur les dix que compte la direction, fait observer son chef, Ousmane Cissé. Et la parité hommes-femmes est en passe de devenir la norme dans toutes les opérations y compris d’extraction qui sont conduites, sur le terrain, par le gouvernement du Sénégal. » Dans le privé, toutefois, qui assure l’essentiel des débouchés du secteur minier, la situation est moins reluisante.
Lika Scott est ingénieur minier chez Sabodala Gold Operations. En 2012, elle a décidé d’établir la branche sénégalaise de l’organisation internationale Women In Mining destinée à promouvoir le leadership des femmes dans le secteur minier : « J’ai senti qu’il y avait besoin d’un réseau fort pour lutter contre les stéréotypes sur le genre et combler les lacunes dans l’industrie minière au Sénégal. » Sa consœur, Ndeye Marième, est l’une des 13 femmes conductrices de camions de transport à la mine d’or de Sabodala. « Ici, au Sénégal, et dans d’autres mines d’Afrique, les gens pensent que les femmes ne devraient pas travailler dans le secteur minier. Je suis très fière d’être l’une des premières femmes à avoir rejoint l’équipe des conducteurs de camions de transport du minerai d’or à Sabodala », explique-t-elle.
Lutter contre les stéréotypes
Problème : « Après l’ouverture de la mine de Morila en 2001, des bars ont commencé à voir le jour. À cette époque, il y avait dix filles par établissement, toutes Nigérianes, explique Mohammed Maiga, chargé de la prévention VIH/MST auprès des prostituées de Sanso, au Mali. On fait croire aux jeunes femmes qu’elles sont en route pour l’Espagne ou ailleurs et, en cours de chemin, on leur demande de s’établir près des exploitations aurifères pour faire commerce de leur corps. » Une jeune Nigériane raconte : « Une femme est venue me voir à la sortie de l’école et m’a promis un emploi au Sénégal. Je ne suis jamais arrivée là-bas, au lieu de cela j’ai atterri à Sanso où j’ai été obligée de me prostituer. » En Guinée, pays dont les ressources minières pourraient, à terme, constituer un fabuleux bassin d’emplois, les femmes sont marginalisées, surtout en ce qui concerne l’accès aux postes à responsabilité. Selon Djénabou Camara, présidente fondatrice de Women in Mining de Guinée, la représentativité des femmes dans les industries extractives est trop faible. « Notre initiative est née du constat que les femmes ne sont pas assez impliquées dans les mines. En Angleterre, on compte 4 % de femmes au conseil d’administration des multinationales dans l’industrie minière. Au Canada 6 %. Cela démontre que l’absence des femmes dans le secteur en Guinée n’est pas une exception. » Parmi les solutions devant permettre un meilleur accès des femmes aux postes à responsabilité, l’organisation s’emploie à soutenir les initiatives des femmes, encourager l’entrepreneuriat féminin dans le secteur minier et mener des actions favorisant la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption.
Autonomisation des femmes
Les opportunités d’emploi pour les femmes, dans le secteur minier, sont de plus en plus grandes. Les gouvernements, en Afrique, y voient un moyen idéal de fournir à des milliers d’entre elles un revenu de subsistance qui bénéficiera ensuite à toute leur famille. « Les femmes qui veulent travailler dans les industries extractives sont considérées comme des partenaires, des alliées, parce que leur objectif est celui du gouvernement. Du coup, nous avons décidé de les accompagner pour trouver ensemble des solutions pour que la formation et le leadership féminin deviennent une réalité dans le secteur minier. Actuellement, nous avons un projet avec l’USAid et l’Unicef, concernant la formation de 12 000 jeunes filles qui sont en train d’être sélectionnées », révèle Damantang Albert Camara, porte-parole du gouvernement guinéen.
Au Ghana comme en Afrique du Sud, qui sont des pays avec une longue tradition minière, la SFI finance des programmes visant à favoriser la parité, y compris en ce qui concerne l’extraction. La mine d’or de Newmont Gold, au Ghana, et la mine de platine de Lonmin, en Afrique du Sud, en sont les premiers bénéficiaires.
Exploitation artisanale et à petite échelle
Première femme propriétaire d’une mine de manganèse en Afrique du Sud, Daphné Mashile- Nkosi est PDG de Kalagadi Manganese. En 2011, elle a bénéficié d’un prêt préférentiel de 150 millions $ de la BAD pour financer l’un des plus importants projets de manganèse dans la province du Cap-du-Nord. Kalahari Resources, qui finance le projet, est détenu à 67 % par des groupes de femmes, dont la Banque de développement des femmes d’Afrique du Sud, qui a pour activité principale de s’« assurer que les femmes rurales pauvres ont les moyens de se libérer des chaînes de la pauvreté ». Benjamine d’une famille de quatre enfants, Daphné tranche de par ses origines modestes sur les cadres habituellement aux commandes dans les industries extractives en Afrique du Sud. Pourtant, aujourd’hui, elle préside une coentreprise de plusieurs millions de dollars créée avec Arcelor Mittal. « Les femmes ont un rôle important à jouer dans l’industrie minière. C’est pour cette raison que j’insiste pour que 50 % de nos employés soient des femmes. »
La Banque africaine de développement (BAD) s’engage. « Les femmes, chefs d’entreprise et dirigeantes sont les piliers d’une croissance inclusive induite par le secteur privé en Afrique. C’est la raison pour laquelle, en partenariat avec les institutions financières multilatérales et bilatérales de développement les banques régionales de développement, et les institutions financières du secteur privé, la BAD a décidé de financer ce secteur à travers des programmes spécifiques, des initiatives et des projets ad hoc » favorisant l’égalité des genres, précise un responsable du secteur des opérations de la BAD. En outre un grand nombre de femmes participent à une économie minière parallèle, exerçant différents rôles qui vont du lavage à la batée et de la transformation au commerce de produits et de services. Dans certaines mines, elles représentent déjà la moitié de la main-d’œuvre, sinon davantage.
ENCADRÉ
Femmes et orpaillage, quel impact économique ?
Une enquête portant sur Les femmes et l’exploitation minière artisanale et à petite échelle en Afrique centrale et en Afrique de l’Est, vient d’être lancée en Ouganda, en RD Congo et au Rwanda. La période visée pour l’étude va de 2014 à 2017 et porte sur des sites de recherche concernant l’extraction de l’or, de l’étain, du tantale et du tungstène, dans deux zones minières de chaque pays. Cette forme d’exploitation non structurée fait appel à des technologies et à du matériel rudimentaires, et les femmes y exercent un grand nombre de rôles allant du concassage de pierres au commerce. L’objectif est d’étudier les conditions qui déterminent l’accès des femmes aux ressources économiques et de déterminer comment les politiques et les réformes réglementaires influent sur ces conditions.
Cette étude, financée par Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes (Cedef), vise à combler ces lacunes dans les connaissances. Elle déterminera, d’une part, si les femmes bénéficient des activités d’exploitation minière artisanale. Et elle évaluera, d’autre part, en quoi une réglementation plus rigoureuse dans ce secteur pourrait changer la donne pour elles. Le programme de recherche Cedef est financé conjointement par le Department for International Development du Royaume-Uni, la William and Flora Hewlett Foundation et le Centre canadien de recherche pour le développement international (CRDI).