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Le Niger transforme

  • Publiénovembre 7, 2015

Malgré de multiples contraintes structurelles, le Niger compte sur l’agroalimentaire pour amorcer son développement industriel. Il lui faut, conjointement, construire les infrastructures nécessaires.

Etroitesse du marché intérieur, des importations frauduleuses, vulnérabilité de la base de production, insuffisance des ressources financières des promoteurs, coût élevé des emprunts pour des investissements industriels… » Cette énumération des entraves au développement du Niger émane… du ministre des Mines et du développement industriel, Omar Hamidou ! 

Lequel ajoute, pour faire bon poids, « les coûts élevés des facteurs (énergie, transports), la faiblesse des capacités managériales du secteur privé, la faiblesse des investissements directs étrangers et l’absence d’une tradition et d’un esprit industriel des opérateurs économiques nigériens ». Sans oublier le désengagement de l’État. « De l’indépendance à nos jours, l’État n’a ni créé, ni alimenté un fonds dédié à l’industrie, alors que dans certains pays de l’Uemoa, il existe une politique nationale et un schéma directeur d’industrialisation », regrette Omar Hamidou. Dans ce contexte peu flatteur, le Niger mise sur le développement de l’agriculture, décidé à ne pas rater le tournant de l’agro-industrie. 

Selon l’Institut national de la statistique, le total des emplois du secteur, dominé par la branche de la transformation agroalimentaire, est passé de 1 194 en 1990 à 1 022 en 1995 avant d’enregistrer une hausse, passant de 2 117 en 2000 à 4 039 en 2010.

Depuis une douzaine d’années, Ibrahim Baoua Souley parvient à produire du jus de tangelo, une variété d’orange. « J’ai pris un terrain dégradé et j’ai procédé à des forages. Après quoi j’ai commencé à planter des arbres à tangelos », se rappelle-t-il, fier d’être un des premiers à se lancer dans l’agro-industrie. Avec une petite unité de deux machines qui lui permettent de presser l’orange et d’avoir du jus vendu à Niamey, Ibrahim Baoua Souley voit déjà l’avenir en grand : « Je pense arriver à une industrie de jus d’orange produit et fabriqué au Niger. Depuis que j’ai commencé la production du jus, la production de tangelos a augmenté autour de Gaya ; elle est vendue rapi- dement… parce que j’en suis un gros acheteur ! » Miser sur la transformation est aussi le pari de Maidah Zeinabou, directrice générale de Niger-lait, lorsqu’elle s’est lancée, dès 1994, dans la fabrication de produits laitiers, appor-tant à sa Société anonyme un capital de plus de 500 millions de F.CFA. « D’une entreprise familiale opérant dans un garage, à sa création, Niger-lait est aujourd’hui une société moderne, la seule à respecter au Niger les normes inter-nationales requises. Depuis 2006, nous sommes certifiés ISO 9001 et l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 5 milliards de F.CFA. Il n’était que de 15 millions en 1995 », se réjouit-elle.

Un contexte difficile

Au Niger, l’industrie agroalimentaire fait partie des trois principaux secteurs avec l’élevage (seconde recette d’exportation après l’uranium) et l’industrie extractive. Si les secteurs de l’agriculture et de l’élevage sont les premiers employeurs du pays, l’agriculture est marquée par une récurrence de l’insécurité alimentaire ; une année sur deux est déficitaire. Par manque de moyens suffisants de conser- vation et de stockage, aussi bien pour les matières premières que pour les produits transformés, les pertes post-récoltes sont importantes. Par exemple, l’oignon : « La variété est extrêmement recherchée dans la sous-région. Malheureusement 30 % de la production est perdue chaque année », dénonce Mansour Ndiaye, économiste du PNUD. Même constat pour la pomme de terre et les tubercules dont la production est en forte croissance. « Si la consommation est entrée dans les moeurs, la conservation demeure artisanale », explique Maman Rabiou, ingénieur agronome qui cite d’autres exemples parmi les fruits et légumes et les produits d’origine animale. Avec un cheptel d’environ 36 millions de têtes, la production animale pourrait satisfaire les besoins intérieurs et permettre un excédent destiné à l’exportation. Malheureusement, par manque de moyens de conservation, la production n’est pas valorisée pour satisfaire les besoins. Le pays dispose d’un seul abattoir frigorifique basé à Niamey et de trois abattoirs secondaires en régions. Avec une capacité de stockage de 40 tonnes de viandes fraîches au départ, l’abattoir de Niamey ne peut en conserver aujourd’hui que 20 t pour un besoin journalier estimé à environ 40 t. La production du lait connaît également le même problème que la viande. Filière diversifiée et saisonnière, elle fait intervenir plusieurs acteurs et types d’approvisionnement. « De très grandes quantités sont produites en saison des pluies mais sont consommées ou transformées en fromage destiné à la consommation locale », explique Maman Rabiou. Composée d’une seule entreprise laitière jusqu’en 1994, le secteur s’est enrichi de quatre autres sociétés qui se livrent une concurrence pour le contrôle du marché. Pourtant, 85 % des produits des laitières sont issus de la poudre importée ; le pays importe environ 6,6 milliards F.CFA de produits laitiers, chaque année.

Un secteur porteur

Le secteur industriel nigérien est centré essentiellement sur l’agroalimentaire qui occupe 23 % de l’activité industrielle. Sa contribution au PIB est inférieure à 2 % sur la période 1990-2004. Environ 68 entreprises opèrent à travers le pays dont 80 % basées à Niamey. Selon l’Institut national de la statistique, le total des emplois du secteur, dominé par la branche de la transformation agroalimentaire, est passé de 1 194 en 1990 à 1 022 en 1995 avant d’enregistrer une hausse, passant de 2 117 en 2000 à 4 039 en 2010. Toutefois, l’agroalimentaire reste caractérisé par une faible compétitivité des produits. Le directeur de l’Agence natio-nale de vérification de conformité à la norme (AVCN), Bako Illiassou, relève d’autres pesan-teurs comme la non-disponibilité et la faiblesse de l’utilisation des normes : « Seule une dizaine de produits étaient candidats au certificat de conformité à la norme pour 2015-2016. » À la condition d’un accompagnement approprié de l’État, ces pesanteurs peuvent être surmontées pour développer l’industrie agroalimentaire, « créatrice de forte valeur ajoutée et d’emplois », estime le directeur de l’AVCN, qui se veut optimiste. L’agro-industrie est considérée comme un gisement de « métiers porteurs », selon l’AFD (Agence française de développement) qui la définit comme étant « une activité régulière, occupation, profession utile à la société, donnant des moyens d’existence à celui qui l’exerce et dont le contenu favorise le développement tant du point de vue économique que social ». Omar Hamidou ne s’en tient pas à son constat négatif : le ministre chargé du Développement industriel confie que le gouver-nement s’attelle à l’élaboration d’une politique industrielle nationale, suivie d’un plan d’ac- tion, à la révision du Code des investissements, à la réhabilitation de la zone industrielle de Niamey, à la création d’une zone industrielle à Maradi (900 km à l’est de Niamey), et à la constitution d’un fonds de restructuration et de mise à niveau des entreprises. « Le Niger peut transformer son économie en mettant l’accent sur la transformation », soutient l’économiste du PNUD. Reste au Niger à augmenter la contri- bution du secteur et améliorer la compétitivité des industries manufacturière.

Écrit par
Sani

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