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Le double visage de Conakry

  • Publiéseptembre 25, 2015

Conakry. L’immobilier attire clients et promoteurs dans la capitale de la Guinée. Qui offre d’un côté des villas de luxe, et de l’autre des programmes de logements sociaux, parfois en retard.

Conakry change progressivement d’aspect. Ces dix dernières années, des immeubles, des duplex, mais aussi des cités modernes, construites aux normes internationales, sont sortis de terre. Les capacités augmentent en logements, bureaux, villas, cités… La dernière bâtie est Diamond Plaza, un ensemble résidentiel et commercial inauguré en février par le président Alpha Condé. D’une superficie de 24 hectares, la cité n’est pas encore achevée. Néanmoins, elle offre des villas individuelles de style anglais, des appartements de haut standing, un quartier commercial, des immeubles de bureaux et un club. À défaut de s’offrir à tout le monde, Plaza Diamant constitue un site touristique pour les Guinéens… 

Cette cité est la première phase d’un ensemble immobilier de Guinea Mar Grandioso, filiale de China Dreal Group qui a signé avec l’État, en 2013, la réalisation de deux projets immobiliers d’envergure. 

Mohamed Touré, responsable de Toumarec, une agence immobilière, apprécie le lancement de projets immobiliers à Conakry. Toutefois, il conseille aux promoteurs de ne pas négliger le revenu des Guinéens : « Nous ne sommes plus au temps où on avait du mal à trouver un logement ou des locaux à usage de bureaux. Il reste une ombre au tableau : le coût du loyer reste très élevé pour le Guinéen moyen. » 

L’État a également donné des permis à d’autres entreprises étrangères pour la construction de cités et de logements sociaux. Mais les prix pratiqués font dire aux Guinéens que les nombreux bâtiments en chantier sont pour des richissimes nationaux et étrangers. «Cette cité, c’est bien. Mais elle ne fait pas baisser le déficit en logement accessible au citoyen moyen. Les Guinéens dans leur grande majorité ont plutôt besoin de logements sociaux», estime Aboubacar Sylla, habitant de Conakry, qui regrette : « Les maisons d’ici sont pour les riches, les institutions internationales, les expatriés…».

La société a fait introduire en Guinée le crédit immobilier, offrant à l’acquéreur la possibilité de payer 30 % du coût total du logement, et de demander un prêt sur sept ans auprès de la banque en hypothéquant sa maison. Dans un pays où le SMIC est de 440 000 francs guinéens (53 euros), ce délai très court n’offre aucune chance aux ménages moyens. 

En attendant la réalisation des autres projets immobiliers, les professionnels considèrent Diamond Plaza comme étant avant tout une vitrine destinée à attirer les investisseurs. « Un pays qui veut s’ouvrir au monde et attirer des investisseurs se doit d’être présentable. Le luxe, c’est pour les investisseurs, les expatriés, pas pour nous », lâche Alhassane Keita, employé d’une agence immobilière à Conakry.

Des chantiers pour les ménages modestes 

Depuis 2014, le groupe marocain Addoha a engagé la réalisation de 3 000 logements sociaux. Ils seront répartis entre la police (un complexe de 1 891 logements), la douane (761 appartements) et le reste de la population (388 appartements de standing). Le délai prévisionnel des travaux est de 24 mois. D’autres projets font rêver des Guinéens, tels ceux de Sure Group. Ce groupe indien a un projet de construction (pour l’heure à l’arrêt, en raison d’Ebola) de 605 logements dont la plupart sont destinés à des segments standards de revenu moyen, sur le site de Keitayah dans la périphérie de Conakry. Les projets de construction de Sure Group s’étendent sur quatre autres villes du pays. 

Dans la foulée, le patron de China Dreal a présenté en avril un projet de construction de 30 000 logements sur une superficie de 200 hectares à Lambanyi, en haute banlieue de Conakry. « Cette autre réalisation va s’adresser aux Guinéens à faibles revenus. Le groupe va développer un business model sur lequel on va travailler pour que d’ici à trois ans, 30 000 logements soient disponibles pour le Guinéen moyen », précise Kassory Fofana, ministre chargé des Investissement et du partenariat public-privé. Avec la société sud-africaine Africa Gateway Suppliers, le gouvernement guinéen a aussi signé en juin un accord portant sur la construction de 50 000 logements dont 12 000 à Conakry. Africa Gateway s’est également engagé à construire 1 000 logements dans le cadre d’un projet immobilier destiné à la diaspora guinéenne… 

Mohamed Touré, responsable de Toumarec, une agence immobilière, apprécie le lancement de projets immobiliers à Conakry. Toutefois, il conseille aux promoteurs de ne pas négliger le revenu des Guinéens : « Nous ne sommes plus au temps où on avait du mal à trouver un logement ou des locaux à usage de bureaux. Il reste une ombre au tableau : le coût du loyer reste très élevé pour le Guinéen moyen. » 

En effet, que ce soit pour louer ou pour acheter, le coût du logement est très élevé. Les villas à Conakry s’achètent en devises. « Les prix dépendent surtout de l’emplacement des maisons. Celles en bordure de mer ou au coeur de la ville coûteront toujours cher. Il y a aussi des nouveaux quartiers comme Lambanyi où les maisons sont aussi chères », explique Ibrahima Telly Bary, dirigeant d’une agence immobilière. 

Ces intermédiaires ont généralement pour clients les expatriés, les institutions internationales ou les Guinéens de la diaspora. Les autochtones, eux, préfèrent construire : « Ils ont raison. On vendra à 1 milliard de francs guinéens une maison que l’on peut construire à 500 millions ! » reconnaît Mohamed Touré.

Une réaction publique bien tardive 

Tout comme l’achat, le loyer à Conakry est fixé à la discrétion des bailleurs. De 2010 à 2015, les loyers ont triplé. Les propriétaires et leurs intermédiaires louent les appartements aux normes internationales jusqu’à 8 000 $. 

La faute à qui ? D’abord à l’État, qui jusqu’ici, n’avait pas investi dans les logements sociaux. Ainsi, à part quelques bâtiments administratifs, Conakry est réputée pour avoir été construite par des particuliers. L’État, n’a pas su non plus réglementer le bail. « Les locataires sont abandonnés à la merci des bailleurs. Par exemple, il est interdit de déloger le locataire pendant la saison des grandes pluies. Mais, l’an dernier, mon bailleur m’a contraint à sortir de sa maison au mois d’août », dénonce Simon Loua. La hausse du loyer est aussi le fait des courtiers communément appelés « démarcheurs ». Pour gagner des commissions importantes, ces courtiers informels incitent les bailleurs à augmenter le loyer. 

Enfin, les nationaux mettent souvent en cause les narcotrafiquants et les réfugiés venus du Liberia et de la Sierra Leone. Entre 2005 et 2008, les premiers avaient envahi le pays, et avec leurs revenus élevés par rapport à la moyenne nationale, ils ne discutaient pas le loyer. Il en était de même pour les seconds qui bénéficiaient d’aides humanitaires. Bien que beaucoup d’entre eux sont partis, les loyers n’ont pas fléchi. 

Face aux critiques des locataires, les bailleurs ont leurs arguments. « Avant de se réveiller ces dernières années, l’État n’avait jamais facilité la construction en Guinée. Tout coûte cher, sur toute la chaîne ; depuis l’achat du terrain jusqu’aux matériaux de construction », se défend Aly Traoré, bailleur. C’est seulement en 2010 que l’État a décidé de dynamiser la Société de logement à prix modéré, créée en 1986 pour fournir des parcelles assainies et des logements à bas coût aux populations guinéennes. L’entreprise a pris la dénomination de Société nationale d’aménagement et de promotion immobilière (Sonapi). Depuis 2010, elle a réussi à engager quelques projets, mais les premiers logements sociaux ne pourront être mis en vente qu’en 2016.

Écrit par
African Business french

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