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L’Algérie écoute peu la BM

  • Publiédécembre 8, 2014

L’Algérie, qui n’a plus eu recours aux crédits de la Banque mondiale depuis 2006, sollicite l’institution pour de l’assistance technique au développement. Cette stratégie trouve des limites très politiques.

Parler de personnalités qui réussissent en dépit des obstacles que l’État algérien dresse contre ses propres capitaines d’industrie. Rappeler au gouvernement que les discours, c’est bien, mais que les réformes économiques plusieurs fois annoncées et maintes fois reportées, doivent être mises en œuvre de toute urgence.

« Tout est dans la communication. Si vous ne parlez pas de ce que vous faites, les autres se chargeront de dire ce que vous ne faites pasNous sommes partenaires du gouvernement algérien et il est aussi de notre rôle d’émettre un avis, voire de critiquer ou d’attirer l’attention des décideurs sur les risques de dérapage».

Appuyer chaque année là où cela fait mal, en publiant des rapports peu engageants sur le climat des affaires ou en martelant des chiffres douloureux (98 % des exportations, 70 % des recettes publiques, 37 % du PIB et 2 % des emplois dépendent des hydrocarbures)… Si vous pensiez qu’une représentation de la Banque mondiale est avant tout condamnée à caresser dans le sens du poil le pays dans lequel elle se trouve, c’est que vous ne connaissez pas Emmanuel Noubissié Ngankam. Depuis son arrivée à Alger, en juillet 2013, le représentant-résident de l’institution rédige une newsletter, La Lettre d’Al Djazaïr (La lettre d’Algérie), dont les éditoriaux sont repris par toute la presse algérienne. « Tout est dans la communication », explique cet ancien journa­liste qui, dans les années 1990, créa un jour­nal et une association de journalistes écono­miques au Cameroun. « Si vous ne parlez pas de ce que vous faites, les autres se chargeront de dire ce que vous ne faites pas », telle est sa devise. « Nous sommes partenaires du gouvernement algérien et il est aussi de notre rôle d’émettre un avis, voire de critiquer ou d’attirer l’attention des décideurs sur les risques de dérapage. »

Une mission d’autant plus sensible que depuis 2006, l’Algérie n’emprunte plus à la Banque mondiale, décidant même de payer sa dette extérieure par anticipation. L’institution s’implique en Algérie essentiel­lement à travers l’assistance technique. Cette aide n’est pas facturée, mais le gouvernement s’engage à rembourser les frais qu’elle engage. Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, avait exposé les grandes lignes d’un partenariat 2011-2014 basé sur des appuis techniques et des renforcements de capacités, lors de sa visite à Alger en 2013. Elle avait déclaré que la Banque mondiale « était prête à mobiliser l’expertise internatio­nale nécessaire pour appuyer les programmes de modernisation et de réformes dans les domaines où le gouvernement algérien souhaite coopérer ». 

Un pays en quête d’expertises

Dans les faits, cette assistance technique revient à aider les cadres de ministères ou d’institutions à mettre en oeuvre les stratégies choisies par le gouvernement en s’inspirant des meilleures pratiques. En plus des huit accords que la Banque mondiale a conclus avec le ministère de l’Agricul­ture, la Banque d’Algérie, le ministère de la Solidarité et de la femme, le ministère de l’Aména­gement du territoire, trois autres devraient être bientôt signés, avec le ministère de l’Industrie, celui des Finances et celui de la Poste et des télécommunications. « L’Algérie entend développer une stratégie haut débit et de très haut débit, mais elle a pris beaucoup de retard alors même que ses capacités sont énormes, relève Emmanuel Noubissié Ngankam. Sur le réseau de fibre optique par exemple, la Banque mondiale est là pour l’aider à utiliser au mieux ces capacités. »

Alors que tous les rapports des organismes internationaux pointent les défaillances de contrôle, de suivi et d’évaluation des poli­tiques publiques, l’institution, qui appelle depuis dix ans l’Algérie à l’application des réformes promises, fournit aussi au gouver­nement les outils pour rationaliser la gestion des dispositifs d’aide. C’est en particulier le cas avec l’Agence nationale pour la gestion du microcrédit ou l’Agence pour le dévelop­pement social, sous la tutelle du ministère de la Solidarité. Objectif : aider les autorités à mesurer l’impact sur les populations-cibles. En d’autres termes, là où le gouvernement sait, par exemple, qu’il finance 10 000 projets qui ont touché 100 000 personnes, la Banque mondiale l’aide à répondre à d’autres questions comme : « Combien de ces projets restent actifs depuis leur création ? » ; « Combien ont été remboursés ? » ; « Combien d’emplois ont-ils créé ? » ; « Combien le projet coûte-t-il au Trésor public?»…

Dans sa politique de diversification de l’économie, un des leitmotivs du gouvernement, l’assistance de la Banque mondiale à l’Algérie, prend donc tout son sens. L’institution mobilise, pour ce faire, une trentaine de spécialistes.

Emmanuel Noubissié Ngankam rappelle qu’en matière d’aides sociales, les besoins sont énormes : « Ceci dit, nous ne sommes pas là pour nous substituer aux équipes en place, mais pour leur donner plus de capacités. C’est ce qu’on appelle du “ Soft ”, de la connaissance. Il faut du temps avant d’en voir les résultats concrets, mais c’est dans ce domaine-là que la Banque mondiale offre le plus de valeur ajoutée. En tant que knowledge bank, nous pouvons lui fournir ce dont elle a le plus besoin, l’expertise. » La transparence n’est pas un terme nouveau dans la rhétorique de la Banque mondiale : en 2006, le directeur du départe- ment Maghreb, Théodore Ahlers, en visite à Alger invitait le gouvernement à « simplifier son système fiscal » comme « garantie contre la corruption » et à « changer les procédures de passation des marchés publics ».

À l’époque, un programme de formation, lancé avec la Commission nationale des marchés (ministère des Finances) devait servir à organiser des séminaires, des cycles de formation et des actions de consulting. Constatant le peu de résultats obtenus, un ancien responsable du ministère des Finances nuance : « Le recours à toute cette aide technique a une limite. Le pouvoir ne peut pas se permettre une transparence totale sur tout» Par exemple, « je vois mal comment il serait possible de la laisser se mêler de ce qui se passe à l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes, l’Ansej », souligne-t-il, faisant allusion au dispositif le plus controversé du moment en Algérie. « Tout le monde sait que l’Ansej est éminemment politique, qu’elle permet d’acheter une population très précieuse – les jeunes – et qu’un audit mettrait en péril la distribution anarchique de la rente, qu’elle orchestre en toute impunité. » Le ministre de la Jeunesse, Abdelkader Khomri, avait bien annoncé que les conclusions d’une évaluation – sans préciser qui était mandaté pour la conduire – seraient rendues publiques. Si un audit indépendant a été mené, aucun résultat n’a, jusque-là, été publié. Dans sa politique de diversification de l’économie, un des leitmotivs du gouvernement, l’assistance de la Banque mondiale à l’Algérie, prend donc tout son sens. L’institution mobilise, pour ce faire, une trentaine de spécialistes, à Tunis, Rabat, Washington et Alger.

Écrit par
African Business french

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