L’Afrique vers une économie verte ?
Une réunion d’experts organisée début mars par la CEA a fait le point sur les opportunités de développement, notamment via l’économie verte. Celle-ci recèle un potentiel énorme, mais nécessite d’importantes réformes structurelles.
L’Afrique dans 50 ans, tel était l’ordre du jour du comité intergouvernemental d’experts réuni à Rabat début mars, à l’initiative du bureau de la sous-région Afrique du Nord de la CEA. Plus de 150 participants – experts, ministres, consultants – ont débattu pendant quatre jours de divers thèmes regroupés sous l’intitulé « Mise en oeuvre de l’Agenda 2063 : planification, mobilisation des ressources et financement du développement », auxquels venaient s’ajouter des tables rondes sur la « Stratégie pour une économie verte inclusive en Afrique du Nord ».
La croissance africaine est aujourd’hui une réalité, mais tout reste encore à faire.
En effet, il a été beaucoup question d’économie verte durant ces journées studieuses et intenses. Mais pas seulement. Le sujet ne pouvait être abordé sans tenir compte de l’ensemble des problématiques fondamentales qui sous-tendent l’avenir du développement économique : intégration économique régionale, stratégies industrielles et commerciales, mobilisation de l’investissement et diversification, fiscalité, gouvernance…
La CEA n’a pas pour seule vocation d’organiser des colloques, mais de faire remonter vers les gouvernants et les décideurs toute une somme d’expertises, accompagnées de recommandations concrètes, qui supposent un état des lieux précis. La croissance africaine est aujourd’hui une réalité, mais tout reste encore à faire. Particulièrement en ce qui concerne l’Afrique du Nord, dont les performances se sont révélées décevantes en 2014: sa croissance n’a pas dépassé 1,5 % et le déficit consolidé de la balance commerciale s’est creusé de 54 %, passant de 33,3 milliards $ à 51,3 milliards $. Certains pays comme la Mauritanie, l’Égypte et l’Algérie, dépendent toujours quasi-exclusivement des produits de rente pour leurs recettes d’exportation. Sur l’ensemble de la sous-région, des politiques industrielles visant au développement d’activités à forte valeur ajoutée doivent être mises en place par une intégration des « chaînes de valeur » au niveau régional. Des objectifs précis ont été pointés. Il s’agit notamment de constituer un programme « Commerce pour l’industrialisation».
La transition écologique de l’économie est potentiellement porteuse de nouveaux gisements d’emplois et favoriserait l’accroissement de la compétitivité
Le commerce de biens intermédiaires offre de nombreuses opportunités, en termes de réseaux de production régionaux générateurs de valeur ajoutée et d’industrialisation. « Mais l’Afrique importe encore 88 % de ses intrants de l’extérieur de la région », relève le rapport concluant les travaux du comité. Un développement des chaînes de valeur régionales, qui permettrait d’accélérer la diversification des économies nord-africaines, passerait notamment par un programme de facilitation des transports : améliorer « la connectivité aux frontières » – (tronçons routiers non bitumés ou de mauvaise qualité), diminuer « le déficit en matériel logistique » (balances, chariots élévateurs, matériel informatique), harmoniser et rationaliser les formalités douanières. Des réformes touchant à la fiscalité, la mobilisation de l’épargne et la mobilité des capitaux ont été également préconisées pour développer des chaînes de valeurs régionales (CVR) envisagées non comme une alternative aux Chaînes de valeur mondiales (CVM), mais comme une stratégie complémentaire.
Des études soulignent à cet égard une participation croissante de trois pays de la sous-région (Égypte, Maroc, Tunisie) dans les CVM de l’automobile, de l’aéronautique, du textile, et de l’agroalimentaire. Ces transformations structurelles ne peuvent ignorer les enjeux et les impératifs de l’économie verte. Deux sessions spéciales – sous forme d’ateliers parallèles – ont réuni les experts, intitulées « Quelles politiques industrielles dans le contexte de l’économie verte ? » et « Compétitivité des entreprises et innovation : comment lever les blocages ? ». Les contraintes de l’économie verte peuvent constituer des opportunités. La transition écologique de l’économie est potentiellement porteuse de nouveaux gisements d’emplois et favoriserait l’accroissement de la compétitivité. Ainsi que le souligne une étude du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable, « la création de valeur dans les branches liées à l’environnement (énergie, agriculture, eau, etc.) devrait s’accroître de près de 4 100 milliards $ d’ici à 2050 ».