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L’Afrique terre privilégiée de l’Open innovation ?

  • Publiédécembre 12, 2017

L’Afrique se prépare au développement, jugé inéluctable, de l’Open Banking. L’Europe doit franchir un pas important dès janvier 2018 et cet exemple sera suivi avec attention par la profession.

Par Estelle Brack

Pour le cabinet Mazars, dans son étude Afrique : les nouvelles voies de l’innovation, parue début 2017, « l’Afrique connaît aujourd’hui une transformation décisive, qui va s’accélérant, propulsée par l’entrepreneuriat et l’innovation. La révolution numérique joue un rôle primordial dans l’émergence de l’innovation en Afrique. Le mouvement va au-delà du seul leapfrogging technologique, concept régulièrement vanté ces dernières années. L’Afrique n’est pas ce continent qui cherche à “rattraper son retard” en actionnant le levier de l’innovation. Non, elle invente son modèle en trouvant des solutions innovantes aux enjeux qui lui sont propres. »

De l’Open Innovation à l’Open Banking

Sur le continent africain, les expérimentations d’Open Innovation se multiplient. Elles ne sont pas nouvelles au Nigeria, au Ghana ou en Afrique du Sud, et elles ont gagné ces derniers mois d’autres pays (Maroc, Égypte, Kenya, Rwanda, Sénégal), sans compter les start‑up incubées à Paris et accélérées en Afrique.

C’est le secteur privé, au travers notamment des grands groupes, qui permet aux entrepreneurs d’accéder au marché, au travers des accélérateurs internes montés par les entreprises ou aux partenariats noués avec les entrepreneurs dans une telle logique.

En Europe, un coup d’accélérateur en matière de réglementation a conduit à une révolution au sein du secteur bancaire au travers de l’Open Banking. Celle-ci veut inciter très largement les banques à ouvrir leurs systèmes d’information et à partager avec leurs concurrents une partie de leurs données clients.

Ce mouvement doit s’amplifier avec l’entrée en vigueur, en 2018, de la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2). L’API (Appli­cation Programming Interface) est au coeur de ce modèle d’Open Banking. Cette avancée technologique permet aux développeurs d’intégrer les données et les services de tierce partie au sein de leurs applications.

Tous les acteurs bancaires auront ainsi la possibilité de se connecter à certains services des banques pour développer leurs propres applications. À plus long terme, et avec la multiplication des applications mises à disposition des clients, la mise en commun de toutes ces API sur des plateformes de places de marché, devrait permettre aux clients de n’avoir plus qu’une interface bancaire. Elle leur donnera accès à tous les produits et services du marché proposés par l’ensemble des acteurs – banques traditionnelles, banques en ligne, fintech ou néo-banques.

La principale innovation de la DSP2, et celle qui fait le plus débat, est la reconnais­sance de deux nouveaux services de paiement qui permettent à un tiers de s’interposer entre un utilisateur et son ASPSP (Account Servicing Payment Service Provider ou Prestataire de services de paiement gestion­naires de comptes) : le service d’initiation de paiement (PISP) et le service d’information sur les comptes (AISP).

La directive DSP2 doit être transposée en droit national au plus tard pour le 13 janvier 2018. Ce qui pourrait prendre du retard, l’Autorité bancaire européenne (EBA) ayant rendu un avis très négatif le 29 juin, argumentant que la disposition, même temporaire, permettant aux prestataires tiers en « solution de secours » de continuer à recourir à la technique dite du web-scraping (permettant d’accéder aux données du client d’une banque en utilisant les codes d’accès de ce dernier) posait un problème du point de vue de la protection des données.

La DSP de 2009 avait déjà ouvert à de nouveaux acteurs l’autorisation de fournir des services de paiement (PSP), auparavant réservée aux seules banques et établisse­ments de crédit. Avec le développement du paiement en ligne, de nouveaux acteurs de taille plus petite que les banques ont bénéficié de ce statut afin de rendre le paysage plus concurrentiel.

Changement des paradigmes

Ces évolutions induisent un change­ment du point de vue du client dans son utilisation des services financiers : il choisit le fournisseur de service (banque/PSP) en fonction du service financier dont il a besoin. C’est un encouragement à multi­plier les comptes bancaires, à les alimenter via des virements entre eux, favorisés en Europe par la gratuité du SCT dans la plupart des cas. L’avènement de l’IP en 2018 ne fera que favoriser cette tendance.

En Afrique, cette évolution ne sera possible que s’il est facile pour le client d’ouvrir des comptes auprès des différents fournisseurs de services, et d’accéder au service financier selon le besoin, le tout dans un environnement sécurisé. C’est déjà le cas dans le wallet mobile, où, avant interopérabilité qui gagne du terrain, on choisit le wallet de départ en fonction de celui d’arrivée.

C’est aussi un changement de cap au sein des entreprises : il ne s’agit plus de mettre en oeuvre des projets SI d’évolutions réglementaires mais de proposer des solutions compétitives au regard des clients (user interface), et d’intégrer la filière SI dans son ensemble. L’introduction de la concurrence d’autres acteurs avec des SI très récents orientés user experience bouleverse les organisations projets internes et remet en cause les rapports de pouvoir au sein des établissements.

Il s’agit alors pour l’établissement financier « traditionnel » de mesurer sa capacité de faire du neuf avec du vieux et d’avoir recours, au besoin, à des plateformes intermédiaires internes qui lui permettent une plus grande agilité.

Plus largement, il s’agit ici aussi d’une évolution depuis une organisation verticale très ancienne (que Jean Peyrlevade a pu qualifier de « féodale ») à une organisation horizontale des relations sociales et écono­miques, permettant à l’individu de choisir parmi une variété, parfois déroutante, de choix. 

ENCADRE

L’Open Innovation est « l’usage délibéré de savoirs internes et externes pour accélérer l’innovation au sein de l’organisation, et étendre les marchés de l’organisation pour un usage externe de l’innovation », selon la définition de l’universitaire Henry Chesbrough qui a dirigé l’ouvrage Open Innovation : Researching a New Paradigm (2008).

LE POINT DE VUE DE…

ANTOINE NGOM, directeur général de GSIE Technology

« Comme pour l’Open-Data de manière générale, l’Open Banking a pour objet d’ouvrir les systèmes d’information des banques pour permettre à des tiers, sous certaines conditions, d’accéder aux données clients, en vue de fournir de nouveaux services à valeur ajoutée qui amélioreront le service fourni aux clients.

À l’instar de ce qui se pratique déjà dans certains pays développés, de manière régulée ou pas, ou de la nouvelle directive DSP2 qui entre en vigueur en janvier 2018 en zone euro, le mouvement vers l’Open Banking semble inévitable. L’Afrique n’y échappera donc pas et doit commencer à s’y préparer.

Le premier défi pour les banques et les autorités de contrôle et de régulation est celui, naturellement, de la sécurité. Les nombreux cas de fraude identifiés ces derniers temps dans plusieurs réseaux bancaires attestent de la fragilité de certains systèmes d’information bancaires.

Le second est celui de l’adaptation des Core Banking pour les ouvrir vers l’extérieur. La majorité des Core Banking utilisés sur le continent sont fermés et n’autorisent pas des accès d’applications tierces. Leur adaptation pour offrir des API pourrait être titanesque.

Le troisième est que les banques doivent inventer de nouveaux modèles, repenser leurs expériences clients pour s’adapter à de nouveaux acteurs plus agiles avec des modèles disruptifs.

Au lieu de voir l’Open Banking comme une menace, les banques africaines doivent la voir comme une opportunité d’offrir de nouveaux services basés sur l’exploitation de la mine d’or d’informations dont elles disposent.

L’Open Banking, s’il est bien régulé, est bien entendu une opportunité pour l’écosystème déjà très actif des fintech qui pourront proposer des services plus diversifiés. Certains acteurs proposent déjà des API permettant de relier des comptes bancaires entre eux ou des comptes bancaires avec des wallet pour effectuer des transactions ou recueillir des informations, ce qui constitue un début pour les banques qui veulent se lancer en dans l’Open Banking».

Écrit par
African Banker

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