La ministre Imane-Houda Feraoun : Une battante pour les TIC
Surdouée, la benjamine du gouvernement algérien ne laisse personne indifférent. Ses méthodes parfois expéditives font grincer des dents. Mais elle reste concentrée sur son principal objectif : réussir le passage de l’Algérie à l’ère numérique.
Alger, Samia Lokmane-Khelil
Avec son visage juvénile et sa coupe de cheveux en forme de casque, Imane- Houda Feraoun ressemble à une élève surdouée à qui on a fait sauter les classes. Son CV très rempli à de quoi faire pâlir de jalousie ses collègues du gouvernement algérien. Bachelière à 16 ans et professeur d’université à 34 ans, la benjamine du cabinet d’Abdelmalek Sellal (elle a aujourd’hui 38 ans) rejoint le club très restreint des rares personnalités qui ont accédé très jeunes à de hautes fonctions depuis l’indépendance.
Le président Abdelaziz Bouteflika, qui l’avait choisie en 2015 pour diriger le ministère de la Poste, des technologies de l’information et de la communication (MPTIC), a été impressionné par son parcours. Lui-même s’était vu confier un ministère à 24 ans, dans le premier gouvernement algérien d’Ahmed Ben Bella en 1964. Comme Feraoun, il avait été affecté dans un secteur tourné vers l’avenir : la jeunesse. Sauf qu’à l’époque, la bataille était menée sur le front idéologique. On aspirait à bâtir une Algérie socialiste. Aujourd’hui, on veut surtout qu’elle réussisse son passage à l’ère numérique.
Pour mieux faire comprendre les enjeux de cette nouvelle révolution, Feraoun a une devise : pour être à la page, il faut savoir anticiper. « On doit réfléchir et agir pour demain, car demain c’est bientôt hier », a-t-elle décrété au lendemain de sa nomination au gouvernement. Propulsée par le magazine américain Forbes à la 9e position dans le classement des femmes arabes membres de gouvernement les plus puissantes, elle entretient sa renommée en se rendant constamment visible.
Des projets d’envergure
D’abord sur les réseaux sociaux, qu’elle alimente régulièrement. La ministre renvoie l’image d’une femme séduisante et accessible. Il y a quelques mois, elle a posté un instantané en compagnie de sa coiffeuse. Le cliché a été apprécié différemment dans les medias algériens. Certains y ont vu une responsable de l’État « plutôt cool » ; d’autres l’ont critiquée.
Sur des sujets plus sérieux, les avis sont également partagés. D’un côté, certains contestent l’efficacité de sa politique. De l’autre, ses partisans la soutiennent. Au premier rang de ceux-ci figure le Premier ministre, qui ne manque pas une occasion pour saluer son action. Sa politique volontariste en direction des voisins subsahariens de l’Algérie contribue à entretenir la stature du pays dans la région.
Devant son homologue nigérien qu’elle a reçu à Alger à la fin du mois d’avril, Feraoun a annoncé que l’Algérie va bientôt lancer dans l’espace un satellite qui va assurer 90 % des besoins de l’Internet au Niger et au Mali. Elle a également donné davantage de précisions sur le projet de la dorsale transsaharienne en fibre optique que l’État va en grande partie financer.
Avec cette offre de service, l’Algérie entend doubler le Maroc en Afrique et consolider sa prédominance numérique. « Sur 1,2 milliard d’habitants en Afrique, moins de 300 millions sont connectés. Faciliter l’introduction des technologies de l’information et de la communication dans les foyers africains représente un acte politique autant qu’économique », explique la ministre.
Pour ses détracteurs, de telles ambitions semblent démesurées. « Avant de viser l’Afrique, elle devrait d’abord régler les problèmes de l’Internet en Algérie », relaie un journaliste spécialisé. Dans le pays, on se plaint des coupures intempestives, du débit, des difficultés de connexion au réseau et d’une couverture insuffisante. Un incident sur un câble critique en haute mer, tout dernièrement, a été tourné en dérision sur les réseaux sociaux – accessibles par intermittence. Las des justifications du ministère des TIC, certains ont désigné un requin scie comme responsable de la rupture du câble !