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La bataille du riz

  • Publiénovembre 4, 2015

Face à la concurrence du riz importé d’Asie, et à une demande croissante, les producteurs burkinabè s’organisent pour inverser la tendance et récupérer la part de devises allouée à l’importation.

Trois modes de production du riz cohabitent au Burkina Faso : les productions irriguées (33 % de la production), la production de bas-fond et le riz pluvial. 

Malgré son potentiel, le pays exploite moins de 10 % des terres destinées à cette culture. Pourtant, la production de riz a considérablement augmenté, passant de 89 000 tonnes en 1998 à 260 000 t en 2008 et 305 000 t en 2014, pour des besoins nationaux voisins de 650 000 t. La demande en riz s’accroît au rythme de 4,6 % par an. Les importations couvrent environ 60 % des besoins de la consommation nationale. L’État a recours à des importations massives chaque année pour satisfaire une demande croissante. Les importations sont passées de 250 559 tonnes en 2006 à 268 000 t en 2010, 440 320 t en 2013 et 362 027 t en 2014. En termes de devises qui sortent du pays, la filière représente 50 milliards de F.CFA par an. 

Le soutien de la Recherche scientifique 

Le souci de l’amélioration de la qualité du riz produit au Burkina Faso a conduit à un partenariat entre le CIR-B et l’Institut national de l’environnement et de la recherche agronomique (Inera) pour permettre aux producteurs d’augmenter leurs rendements et de diversifier les variétés de riz. Ainsi, l’Inera a mis au point le Système de riziculture intensif (SRI), une innovation dans la pratique culturale du riz permettant d’accroître de manière significative la production, par l’utilisation en quantité de la fumure organique au lieu des engrais chimiques (plus coûteux et nocifs pour le sol). « Avec le SRI, on arrive à réduire les coûts de production notamment à travers la baisse des intrants, la quantité de semences à l’hectare qui passe de 50 kg à l’hectare à moins de 15 kg. De plus, on utilise moins de fertilisants minéraux (engrais classiques) au profit de la fumure organique », selon Ibrahima Ouédraogo, de l’Inera. Pour les techniciens du ministère de l’Agriculture, l’introduction du SRI, pourrait, à long terme entraîner une réduction des importations en riz, et une augmentation du rendement à l’hectare de 20 %. Financé à hauteur de 11 milliards de F.CFA par la Banque mondiale, le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) a introduit deux nouvelles variétés de semences de riz à haut rendement au Burkina Faso. L’expérience se mène en partenariat avec Nafaso dans la plaine irriguée de Bama, à l’ouest du pays. Ces deux nouvelles variétés de semences de riz, « Nerica4 » et « Orylux6 » ont un cycle de 95 et 100 jours et des rendements respectifs de 5 tonnes et 6,5 tonnes à l’hectare. Le ministère de l’Agriculture fait le pari de diffuser à grande échelle ces technologies porteuses. 

Les différents gouvernements ont pourtant fait de la culture rizicole une de leurs priorités et ont mis d’importants moyens pour développer la production en soutenant les riziculteurs. Il y a eu, en 1999, l’élaboration d’un Plan d’action pour la filière riz (PAFR) et en 2001 le Projet riz pluvial. Ce qui a permis la création du Comité interprofessionnel du riz du Burkina (CIR-B) et de l’Observatoire national du riz (Onriz). La stratégie du gouvernement est d’augmenter la production nationale et les revenus des producteurs. En plus des efforts étatiques, des partenaires au développement accompagnent le déploiement d’une riziculture nationale. Taïwan appuie, depuis 2001, le Burkina Faso à hauteur de 12 milliards de F.CFA dans le cadre du Projet riz pluvial qui a permis l’aménagement de 19 000 ha de bas-fonds dans les 13 régions du Burkina Faso et l’encadrement de 100 000 producteurs, avec un apport dans la production nationale de 19,6 %. Quant au programme canadien Uniterra, il appuie le CIR-B dans sa quête d’une production de qualité et d’une meilleure présentation du riz local dans les emballages.

Les producteurs en rangs serrés 

En tant que Cadre de concertation regroupant producteurs, commerçants, transformateurs et transporteurs intervenant dans la filière, le CIR-B s’est engagé à convaincre les populations à consommer à grande échelle du riz produit localement. « Nous sommes conscients que le déficit d’informations constitue le principal handicap », explique son premier responsable, Lancina Berthé. Aussi, l’un des challenges est d’« inciter le consommateur à privilégier le riz local à celui importé », en se basant non pas sur la préférence nationale, mais sur la bonne qualité des variétés proposées. Le CIR-B a procédé à la multiplication des points de vente, passés de 60 en 2013 à 114 en 2015. Les prix du riz « local » vont de 200 F.CFA à 400 F.CFA le kg, en fonction des qualités. Le sac de 25 kg se négocie entre 9 000 et 10 000 F.CFA, contre 12 000 F.CFA pour le riz importé. Pour séduire, les professionnels soulignent l’aspect nutritif : « Le riz importé n’est pas plus nutritif que le riz produit au Burkina Faso. Il est généralement plus vieux (en moyenne dix ans) et moins nutritif. » 

Certains producteurs penchent pour une suspension des autorisations d’importations du riz, pour donner une plus grande marge de progression aux produits domestiques. D’autres plaident en faveur d’une fiscalité alourdie pour les importations. La taxe est de 10 % de la valeur de la cargaison, ce qui de l’avis des organisations paysannes, demeure insuffisant pour protéger la production nationale. 

Pour l’instant, grâce au plaidoyer du CIR-B, le gouvernement a pris la décision de cibler le riz burkinabé dans les appels d’offres pour approvisionner les cantines scolaires, les casernes et les centres pénitenciers. Il invite les structures telles que la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire 

(Sonagess), le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (Conasur), notamment, à choisir la production locale. Campagne multimédia, affichage de visuels, diffusions de spots radios et télévisuels, actualisation des cartes des points de vente du riz à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, le CIR est depuis 2014 dans une posture très offensive, en vue d’imposer le label « Riz du Burkina » et encourager le public à le privilégier.

L’avenir avec les agropôles 

L’aménagement supplémentaire de 120 000 ha devrait permettre de faire un grand pas vers l’autosuffisance du pays en riz. L’ouverture, courant 2016, des agropôles du Sourou (Centre-Ouest) et de Samandéni (Ouest) apparaissent comme une piste encourageante. Pour les organisations paysannes rizicoles, une stratégie de consommation du riz local devrait s’articuler autour d’idées fortes telles que « la création de conditions favorables au développement et de consolidation d’un marché du riz local ; l’équipement des producteurs afin qu’ils deviennent des entrepreneurs agricoles ; la création d’une mutuelle ou d’une institution de microfinance spécialisée dans le financement de la filière ; l’accroissement des superficies exploitées ; la promotion de l’accès du riz local au marché national et sous-régional ; la diffusion des technologies innovantes de production ».

 

Écrit par
African Business french

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