Jouer un rôle encore plus important
Comment faire exister vos propres idées et priorités, tandis que la Stratégie décennale 2013-2022 est en cours d’exécution ?
Je suis en accord avec cette stratégie. Je ne compte pas la bouleverser mais respecter les objectifs, y compris opérationnels, de la Banque. Avec quelques petites touches que je considère importantes. D’abord sur la réforme du système financier, car seul un système financier fort peut appuyer une économie forte.
Enfin, nous avons besoin de mener des études sur le domaine de la culture. J’aimerais mettre la culture au coeur du développement car je suis convaincu qu’elle a un impact positif. On n’a pas fait assez pour développer des initiatives de développement.
Comptez-vous maintenir la logique de décentralisation ? Les 44 bureaux coûtent très cher et leur autonomie est très limitée : tout doit remonter au siège pour validation !
C’est un sujet très important. Je suis pour la décentralisation effective, avec ce que j’appelle une « pouvoirisation ». Je ne suis pas très porté sur les bureaux de représentant car je ne suis pas convaincu de leur efficacité. Par contre, la proximité est ce qui me semble le plus efficace. Pour être plus proactif et plus pro-business, la proximité est cruciale. Mais elle a un coût. Et il faut l’étudier. Je commencerais par là où il y a le plus de besoins, c’est-à-dire dans des pays fragiles que nous nous devons d’aider.
La BAD est certes une banque africaine, mais le poids des actionnaires non-africains est souvent décisif, y compris dans le choix du président. Cela ne vous dérange pas ?
Non. Car cet appui d’actionnaires non-africains est sain. Et cela a permis à la BAD d’avoir un rating AAA. Ce qui est très important pour financer ses projets, et pour lever de l’argent à des coûts acceptables. Au-delà de l’appui technique, je pense que ces grands actionnaires tels que les États-Unis, la France et autres, veulent voir l’Afrique se développer. Et ils savent bien que le continent représente des opportunités extraordinaires pour eux. Il suffit de voir le poids des consommateurs africains : 160 millions d’habitants considérés comme classe moyenne en Afrique subsaharienne. Ces actionnaires regardent avec beaucoup d’intérêt et optimisme, je l’espère, le fait que l’Afrique est sur les écrans radars des grands groupes, dans tous les domaines.
La Banque reste africaine avec 60 % du capital africain. Pour le moment, la Banque a besoin de ces partenaires, des partenaires émergents ou non… Certes, il y a un peu cette idée que des pays non africains ont une influence politique. Mais qui n’a pas d’influence politique dans ce type d’organisations. Le plus important, c’est que la BAD suive sa route, et puisse mettre en oeuvre sa vision. L’Afrique gagnerait plus avec l’appui de grandes puissances qu’avec seulement l’appui de pays africains.
La BAD a la réputation d’être très lente entre le dépôt des dossiers et le décaissement. Comment accélérer les procédures afin d’éviter que d’autres institutions (Chine, Turquie, Brésil, etc.) ne viennent la concurrencer ?
Non, au contraire ! L’un de mes objectifs est de travailler avec tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique. Mais je ferai en sorte que la BAD soit le passage obligé. Car ils ne peuvent pas avoir l’expérience, l’expertise et la connaissance de la BAD. Donc eux-mêmes savent bien qu’ils ont tout intérêt à travailler avec la Banque.
Quelle est la femme ou l’homme vivant ou historique qui vous inspire le plus ?
Permettez-moi de vous en citer deux. Car j’ai deux casquettes. Je suis aussi compositeur de musique classique. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Ludwig van Beethoven, mon dieu musical ! Et pour le reste, Habib Bourguiba. C’est lui qui m’a le plus inspiré, et ce depuis ma plus tendre enfance. Car j’ai grandi avec sa sagesse et ses orientations. Quand j’avais sept ans, je lisais ses petits livres blancs, écoutais ses discours avec une discipline extraordinaire…