José Kwassi Symenouh analyse
Le patron des patrons du Togo, José Kwassi Symenouh, détaille les pistes de réflexions du secteur de l’assurance, dont la croissance ne rejoint pas encore celle du pays.
Quelle place occupe le secteur des assurances au sein d’une économie togolaise en croissance ?
Trop faible ! Le taux de pénétration (rapport du volume de primes par rapport au PIB) tourne autour de 1,7%. Cela reste très modeste par rapport aux résultats qu’on est en droit d’espérer. Cependant, le marché est en plein essor et nous avons espoir d’un lendemain meilleur.
Comment les assureurs de la place peuvent-ils mieux tirer profit des avantages comparatifs de l’économie togolaise, au sein de dans l’Uemoa et la Cedeao ?
Faire de l’assurance, rien que de l’assurance. Autrement dit, les assureurs se doivent de revoir leurs méthodes de travail et de gestion, et réadapter les produits offerts aux circonstances du moment et aux besoins des consommateurs. Pour ce faire, la meilleure manière pour les assureurs est de jouer la carte de la transparence et de respecter leurs engagements envers les assurés et bénéfi – ciaires des contrats, et ceci, avec l’accompagnement des pouvoirs publics.
Lomé semble perçue comme une « place régionale ». Profitez-vous de cette image ?
Depuis la reprise de la coopération avec les principaux bailleurs de fonds et institutions financières, notre pays a retrouvé ses lettres de noblesse et de place financière sous-régionale, avec tout ce que nous avons comme port franc en eau profonde offrant une accessibilité à la mer pour les pays de l’hinterland tels que le Mali, le Burkina Faso, le Niger, pour ne citer que ceux-là. Cela, par ricochet, a une incidence sur les activités des assureurs togolais, par le biais de l’assurance des marchandises, véhicules et autres biens qui transitent par notre pays.
Quel visage standard présente la clientèle des assureurs ?
Notre pays, depuis près de cinq ans, a entrepris des travaux de réformes économiques et institutionnelles qui s’articulent autour de grands chantiers de construction des infrastructures routières et ferroviaires, la prospection minière, la création d’un Office togolais des recettes (OTR), l’amélioration de la bonne gouvernance économique, qui ont permis à l’économie togolaise de maintenir une croissance constante depuis un certain temps. L’impact de ce résultat économique a permis aux assureurs d’engranger à leur tour des résultats. Cette progression est en partie justifi ée par la relance des activités économiques dans le pays, l’amélioration des conditions des travailleurs, la création de nouveaux emplois et les recrute-ments, la naissance d’une nouvelle classe moyenne, de plus en plus soucieuse de son bien-être, l’action des assureurs, surtout les assureurs vie du marché.
Quels sont la principale mission et les principaux chantiers du comité que vous présidez ?
Le Comité des assureurs du Togo (CAT) est une association professionnelle dont la mission principale est la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres. Elle représente la profession auprès des pouvoirs publics dans toutes les circonstances où une action commune est jugée nécessaire. Elle a la charge de la promotion et du développement de l’industrie des assurances au Togo, basée sur la qualité et le respect des engagements.
Nous faisons face à quelques écueils, bien sûr. Je vous citerai notamment l’absence de cadre de concertation et de canaux de communication institutionnels avec les autres services de l’État (la Police, la Justice), le manque de rigueur des autorités dans l’application et le contrôle des textes. Nous regrettons également l’absence d’accompagnement des pouvoirs publics par des mesures incitatives telles que la défiscalisation de certains produits d’assurance pour encourager et soutenir les assureurs dans la commercialisation de produits utiles et nécessaires au public, l’obligation de domiciliation en tout ou partie de certaines assurances telles que l’assurance construction, et les assurances des grands chantiers, à l’instar de certains pays de la sous-région.
Nous avons des contraintes d’ordre interne à notre profession : c’est la guerre des tarifs pour avoir des parts de marché et ce au mépris des règles techniques de la profession. C’est pour remédier à cet état de choses qu’un Code de déontologie a été signé récemment par toutes les compagnies d’assurances du marché.
Dans un tel environnement, quelle politique met en place le Comité des assureurs du Togo pour inciter davantage de ménages à s’intéresser aux produits de l’assurance ?
Le CAT d’une part, prône l’adaptation de nos produits aux réalités et besoins des consommateurs, la transparence dans la gestion et le respect des engagements, car c’est en cela que nous réussirons à convaincre le public et à l’amener à nous faire confiance.
D’autre part, le CAT met l’accent sur les actions de communication, de formation et de sensibilisation par tous les moyens possibles, à savoir le porte-à-porte, les émissions radio et télévisées, les spots publicitaires en langues locales, etc.
N’est-t-il pas urgent que les assureurs réadaptent les produits de l’assurance Vie et ceux de l’assurance IARD au contexte du marché togolais ?
Évidemment. L’urgence est en la demeure, et cela ne concerne pas que le Togo. La question est discutée au niveau des instances régionales telles que la CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurances) qui revoit son dispositif réglementaire pour faciliter cette réadaptation aux besoins de nos populations, tandis que la FANAF (Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines) mène régulièrement des études sur cette question.
Cette progression est en partie justifiée par la relance des activités économiques, l’amélioration des conditions des travailleurs, la création de nouveaux emplois et les recrutements, la naissance d’une nouvelle classe moyenne…
Dans leurs efforts de diversification de leurs produits, quelle place les assureurs peuvent-ils accorder aux femmes, pour beaucoup commerçantes évoluant pour la plupart dans l’informel ?
La question de la sécurité intéresse toute la population, qu’elle soit du secteur formel ou informel. Il est vrai que la sécurisation de son patrimoine suppose un coût. La revendeuse qui achète régulièrement des crédits téléphoniques peut sans souci s’assurer contre les dangers la menaçant. Les autorités doivent également mettre en place un dispositif réglementaire qui conditionne l’attribution des places dans les marchés à la souscription d’un contrat d’assurance. La Régie des marchés, les municipalités pourront souscrire ces contrats pour le compte des commerçantes et commerçants et incorporer le coût de l’assurance au prix des places. De plus, la municipalité ou la Régie des marchés devront également souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile.
Quels types d’avantages particuliers tirez-vous de l’implantation au Togo du siège de l’ex CICA-Re devenue Compagnie commune de réassurance des États membres de la CIMA, au moment où son actionnariat s’ouvre un peu plus aux privés ?
La CICA-Re, comme vous le savez, est un réassureur qui est une émanation des marchés d’assurances de la Zone franc au service de tous les assureurs de la même zone. En termes d’avantages particuliers pour le marché togolais, nous pouvons mettre l’accent sur la célérité en matière de conseil et d’assistance technique, grâce à la proximité. La diaspora est riche de 1,5 million de personnes. Peut-on s’attendre un jour à ce que les assureurs lui ouvrent massivement leur actionnariat ?
Il s’agit d’une éventualité à ne pas écarter, du moment où cette ouverture de l’actionnariat peut augurer d’un lendemain meilleur pour notre économie. Encore faudra-t-il que cette diaspora manifeste sa volonté pour une telle action, mais encore qu’elle ait l’affectio societatis, c’est-à-dire cette volonté de créer et d’entretenir l’harmonie entre actionnaires et dirigeants de sociétés. Cette démarche sera appréciée dès lors que cela évitera la fuite des capitaux et permettra d’alimenter l’économie togolaise.
Peut-on s’attendre un jour à voir les assureurs togolais entrer dans un fonds de garantie pour financer divers projets de développement ?
Les entreprises d’assurance jouent déjà, sur le plan économique et social, un rôle non négligeable. La sécurité financière qu’offre la souscription des contrats d’assurance permet aux particuliers et aux entreprises de se libérer, de libérer et d’investir leurs ressources. À partir de l’épargne qu’ils collectent sur la base des primes, les assureurs participent au financement de l’économie. Ils sont alors qualifiés d’investisseurs institutionnels. Les assureurs peuvent servir de relais à la politique économique en souscrivant des titres émis par l’État dans le but de collecter des capitaux et de financer des secteurs déterminés.