Banque : Jonas K. Siliadin pour une vue panoramique
Derrière sa figure lisse de banquier, Jonas Komlan Siliadin, directeur Risque et réglementaire Conix Consulting, porte ses convictions politiques, qui l’ont conduit à l’exil. Portrait d’un banquier engagé.
Dakar, Seydou Ka
A la suite d’une présentation sur l’impact des nouvelles normes prudentielles (Bâle 2 et Bâle 3) sur le système bancaire, début février, dans un hôtel de Dakar, Jonas Siliadin est assailli de questions par l’aréopage de banquiers qui assistaient aux Journées annuelles du club des dirigeants de banques et d’établissements de crédit d’Afrique.
Face aux vives critiques de ces derniers contre une réforme jugée « trop contraignante et précipitée », l’homme reste droit dans ses bottes. « Les loups ne se mangent pas entre eux », lance-t-il à ses collègues, les invitant à avoir une approche « réceptive » de cette réforme et de privilégier le dialogue avec le régulateur.
Dans tous les pays où les dispositifs bâlois ont été implantés, nous avons toujours assisté à un processus progressif, itératif. Des retours de terrains observés par les superviseurs permettent d’améliorer le test, celui-ci nourrit les travaux sur le terrain et vice versa.
Une prise de position de « banquier central » qui s’explique, visiblement, par son parcours à la fois de banquier, d’auditeur interne, mais aussi de décideur public. Incontestablement, Jonas Siliadin est un homme aux multiples casquettes.
Né d’un père commissaire de police et d’une mère institutrice, dans le sud du Togo, Jonas Siliadin a reçu une éducation marquée « par la rigueur, le travail, la droiture et le sens du devoir ». Admis à passer une partie de ses journées avec sa mère, au milieu de ses élèves, il se souvient avoir été émerveillé de voir qu’elle savait autant de choses sur le soleil, la pluie, les fleuves, les plantes, les animaux et surtout de nombreuses astuces pour faire des calculs.
« Je compris ainsi très vite que l’addition ou la multiplication rendait plus riche que la soustraction et la division, en règle générale ; je compris surtout que les nombres étaient des juges de paix, en ce qu’ils suffisaient souvent à donner la mesure des choses. Entre celui qui a deux oranges et celui qui n’en a qu’une, il est a priori établi un rapport de force indéniable, la forme et le goût ne sont alors que secondaires même si, comme je le saurai plus tard, le secondaire peut receler l’essentiel », raconte-t-il.
La politique et l’exil
C’est donc naturellement qu’il opta pour des études de finance après le baccalauréat. Diplômé de l’Institut technique de banque (ITB) du Centre de formation de la profession bancaire (CFPB) de Paris, Jonas Siliadin est aussi titulaire de deux Masters professionnels en Diplomatie et négociations stratégiques (Paris XI) et en Banque et finance (Paris V).
Il commence sa carrière comme chargé d’études à la Société nationale togolaise d’investissement (SNI), mais dès 1999, il rejoint le cabinet du président de l’Assemblée nationale comme chargé de communication et de relation avec la presse. Quinze mois plus tard, le président de l’Assemblée nationale devient Premier ministre et lui son chef de cabinet.
Ce cheminement, là aussi, ne relève pas du hasard. En effet, Jonas Siliadin a flirté avec la politique très tôt. Dès l’âge de 16 ans. « J’ai milité dans les démembrements scolaires du parti unique à l’époque. Je m’y suis construit un réseau et un parcours qui détermineront la première partie de ma carrière après mes études».
Lorsqu’il intègre l’attelage du Premier ministre Agbéyomé Kodjo, le processus démocratique au Togo était « en panne » depuis plusieurs années. « Le chef du gouvernement poussait le président Eyadema à faire des réformes pour favoriser l’exercice effectif du pluralisme politique. En juin 2002, la mésentente entre les deux hommes arrive à son point culminant : le Premier ministre et une partie de son équipe dont moi, sont contraintes à l’exil pour préserver son intégrité physique », relate Jonas Siliadin.
« Je n’ai pu remettre les pieds au Togo qu’en août 2009, soit plus de sept ans d’exil. Désormais, je rentre régulièrement au pays où je retrouve le reste de ma famille et mes amis », dit-il. Lui qui porte toujours un regard attentif sur la situation politique au Togo vit « difficilement », la crise qui secoue actuellement le pays. « J’espère que le Togo va sortir de cette situation d’exception dans la sous-région, qui fait de nous Togolais les derniers de la classe, j’espère que nos dirigeants vont revenir à la raison pour que le Togo se mette enfin sur la voie de la démocratie et du pluralisme. » Il n’exclut pas de rentrer au pays pour apporter sa contribution au développement.