Les nouveaux filons miniers
Le Sénégal tente de combler son retard dans le développement du secteur minier grâce au lancement d’une deuxième vague de projets très prometteurs.
On connaissait déjà le Sénégal comme un important producteur de phosphates en Afrique de l’Ouest. Concernant ses autres ressources minières, pourtant fort variées, le pays a soit joué de malchance, soit s’est trouvé pris dans des imbroglios juridiques empêchant toute mise en exploitation. Le temps des mauvaises nouvelles est-il révolu ? Toujours est-il que depuis quelques mois, le dynamisme de l’industrie minière révèle son potentiel, surtout si on le compare aux avancées spectaculaires enregistrées dans les pays voisins.
Ainsi, le Mali s’est maintenu au 3e rang des producteurs d’or en Afrique, malgré la guerre au Nord ; le Burkina Faso capitalise depuis dix ans sur son industrie aurifère ; la Guinée vient de conclure un accord avec Rio Tinto pour l’exploitation des mines de fer ; la Mauritanie, tout en cherchant à se diversifier, intensifie sa production. Citons également le Niger qui vient de conclure un nouvel accord dans l’uranium ; sans parler de l’exploitation de tous les métaux lourds, tels que le zircon et le titane, qui pourraient permettre à des pays comme la Guinée Bissau – absents jusqu’à présent de la carte minière sous régionale très riche mais sous-exploitée – de faire leur entrée dans le club. Et pas seulement en ce qui concerne la production d’hydrocarbures !
Au Sénégal, malgré les quelque 5 milliards $ qui y ont été investis de 2000 à 2013, l’industrie minière n’a pas encore vraiment pris son envol. Mais, selon la plupart des experts, c’est le meilleur moment pour les grandes compagnies minières étrangères – comme nationales – de se positionner dans un secteur où la concurrence régionale est fort rude. Inaugurant mardi 4 novembre à Dakar le Salon international des mines, le SIM Sénégal 2014, le président Macky Sall, un ingénieur de formation qui fut ministre des Mines après avoir dirigé la société des hydrocarbures du Sénégal, a d’ailleurs pu constater de visu – après s’être longuement arrêté dans les stands des exposants venus fort nombreux – que la plupart d’entre elles avait entendu l’appel. Dans son discours d’ouverture, il a rappelé que le secteur minier est l’un des six piliers du Plan Sénégal émergent (PSE) et doit, à ce titre, davantage contribuer à la croissance du pays. « La dynamique enclenchée doit être renforcée afin que ce secteur joue davantage un rôle prépondérant dans la réalisation des objectifs fixés pour une prospérité durable du secteur pour le bien de la population », a observé le chef de l’État. Il a invité les acteurs du secteur à se mobiliser sans tarder : « L’État, pour sa part, ne ménagera aucun effort pour consolider son rôle.»
L’or, le plus rentable à court terme ?
Dans la branche des phosphates, un nouveau programme de relance des activités a été arrêté avec, à la clé, des investissements de 225 millions $ à réaliser sur une période de 14 à 20 mois. Un accord a été signé par l’État du Sénégal avec l’actionnaire stratégique des Industries chimiques du Sénégal (ICS). Il s’agit d’Indorama qui a effectué un versement initial de 100 millions $. Le conseil d’administration des ICS vient d’adopter le plan d’affaires pour les prochaines années. Les potentialités d’exploitation du Sénégal devraient s’accroître de 500 millions à 1 milliard de tonnes, le propulsant parmi les dix premiers producteurs mondiaux. Dans cette perspective, la politique de diversification minière est très prometteuse avec l’exploitation des gisements de minéraux lourds tels que le zircon et le titane. Ces découvertes d’importance mondiale sur le littoral appelé « Grande Côte » vont représenter « 8 % de la production mondiale » et « 25 % de la consommation du marché européen à 90 % de finition », selon les chiffres communiqués par l’industrie. Les commissions, dont les versements étaient prévus au premier trimestre de 2014, seront ainsi dégagées. Le Sénégal se trouvera propulsé au rang de 4e producteur mondial pour le zircon et le titane.
En ce qui concerne l’exploitation de l’or, un autre accord a été signé entre le gouvernement et la société Sabodala Gold Operations (SGO). L’adoption du nouveau texte a été l’occasion de dégager un volant de 10 millions $ au titre du programme social, dont l’exécution sera directement assurée par la SGO. La redevance minière a été portée de 3 % à 5 %. Malgré des craintes de voir son prix baisser sur les marchés internationaux, l’or est porteur des plus grands espoirs à travers, notamment, l’intégration du projet de Golouma, grâce au traitement du minerai par les installations de SGO. Les revenus de l’État, pour une exploitation combinée, pourraient augmenter dans une fourchette allant de « 85 millions $ pour un cours de l’or à 1,35 $ l’once » à « 110 millions $ si le cours de l’or atteint 1,60 $ l’once » ; et ce, dès 2015, en raison de la mise en production anticipée des gisements de Oromin Joint-Venture Group (OJVG). Enfin, au sud de Sabodala, dans la zone de Massawa, le long de la frontière avec le Mali, un autre gisement a été découvert avec un potentiel aurifère de 3 millions d’onces.
Le fer, enfin un règlement
Les chiffres exacts du poids grandissant de l’industrie minière dans l’économie du pays sont difficiles à établir, mais on sait que 20 % des recettes d’exportation du Sénégal proviennent de ce secteur. Pourtant, qu’il s’agisse des phosphates de Matam ou des mines de fer de la Falémé, la question des infrastructures comme celle du coût de l’énergie se pose avec acuité, comme l’ont souligné la plupart des participants aux différentes tables rondes du SIM. Qui, en effet, va construire une voie ferrée de 750 km et un port à Bargny alors que le cours du minerai de fer est au plus bas ? Dans la Falémé, les gisements de 750 millions de tonnes de minerai de fer sont à nouveau ouverts à l’exploitation à la suite d’un arbitrage international favorable au Sénégal. Le précédent détenteur, Arcelor-Mittal, avait obtenu le permis minier d’exploitation du fer de la Falémé en 2007 ; alors qu’une compagnie était déjà titulaire du permis. Celle-ci avait été chassée afin que le groupe indien – qui n’a jamais investi un sou dans la mine – puisse l’exploiter. En 2010-2011, le Sénégal a été condamné à payer 75 millions $ à la compagnie Kumba Resources, suite à la plainte déposée devant la chambre arbitrale. Avec l’alternance de 2012, la nouvelle équipe au pouvoir découvre le contentieux et la somme de 37,5 milliards de F.CFA encore due, « sur laquelle 22,5 milliards ont à ce jour été remboursés », a expliqué le président Macky Sall à l’issue du SIM.