Entretien avec Tahirou Barry, candidat à la présidentielle : « Il faut une thérapie de choc au Burkina Faso ! »

L’ancien ministre de la Culture au Burkina Faso, Tahirou Barry, est candidat à la présidentielle du 22 novembre 2020. Il détaille ses propositions politiques, économiques et sécuritaires et explique pourquoi l’opposition se lance en ordre dispersé.
Par Serges David
Comment se porte le Burkina Faso aujourd’hui ?
Le Burkina Faso est un pays en crise dans tous les secteurs de la vie nationale : crise sécuritaire, crise communautaire, crise sociale, crise économique, crise de confiance, crise de la gouvernance. Bref, notre pays est simplement malade et il faut absolument et d’urgence une thérapie de choc pour le sortir de l’ornière !
Dans ce contexte, qu’entreprend le Mouvement pour le changement et la renaissance (MCR) qui vous choisit comme son candidat à la présidentielle du 22 novembre ?
Le MCR est un parti profondément engagé dans un processus d’implantation au plan national et à l’extérieur. Le président Carlos Toé est très engagé et poursuit ce travail avec beaucoup de rigueur.
À la lumière de tout ce que vous décrivez, il ne fait pas de doute que vous avez un message pour vos concitoyens. Toutefois, êtes-vous seulement entendu ?
Mon peuple feint de ne rien entendre, mais il est très avisé et sait prendre ses responsabilités face à sa destinée. Notre histoire politique en la matière est riche d’enseignements.
En matière sécuritaire, nous voulons un investissement conséquent pour permettre à nos armées de s’enrichir en effectif, formation, renseignement et équipements modernes et adaptés. Nous proposons deux lois de programmation triennale : l’une militaire et l’autre sécuritaire.
Avec vous, peut-on prétendre à une autre façon de faire de la politique quand on est dans l’opposition ?
Notre démarche est d’avertir les citoyens sur les graves périls qui guettent la Nation, proposer notre vision et nos propositions de redressement. Nous n’achèterons aucune conscience. Nous n’achèterons aucune voix. Chaque citoyen appréciera notre projet et se déterminera en toute âme et conscience en mesurant les enjeux.
Croyez-vous sincèrement au dialogue politique au Burkina Faso ?
Le dialogue politique est un processus engagé ; néanmoins, il gagnerait à être plus sincère et franc.
Le Burkina Faso a connu une grave crise, soldée par le départ du président Blaise Compaoré en 2014. Comment expliquez qu’à ce jour, la classe politique, toutes tendances confondues, n’arrive pas à s’entendre sur le minimum ?
La crise de confiance est profonde et il faut simplement restaurer cette confiance pour que les fils et filles de la nation se parlent franchement et droit dans les yeux. À ce niveau, des efforts doivent être consentis par toutes les parties engagées dans cette question.
Est-ce le manque de confiance qui fait que l’opposition peine à fédérer ses forces face aux partisans du président Roch Kaboré ?
Ce n’est pas de la peine. Nous suivons plutôt une démarche qui a été librement choisie par l’opposition. Elle consiste à laisser toutes les candidatures s’exprimer et à soutenir le mieux placé au second tour. Cette démarche nous paraît inévitable au regard des forces en présence.
Vous voulez diriger le Burkina Faso. Quel type de système économique allez-vous proposer aux 20 millions de Burkinabè si vous arrivez aux affaires ?
Nous proposons une économie qui priorise la production, la transformation et l’exportation sur le marché africain. Il faut en finir avec une économie de consommation des produits extérieurs qui nous aliène et nous appauvrit. Il faut, comme l’a dit le président Thomas Sankara, que le marché africain soit le marché des Africains ; cela est un impératif qui nous tient à cœur. Nos nations doivent se construire dans une Afrique intégrée et forte.
Les PME et PMI disent qu’elles risquent de disparaître les unes après les autres du fait du non-paiement de leurs factures par l’État…
Vous avez raison de souligner ce problème de factures impayées. Plus généralement, j’y vois surtout la question de la place que l’on doit accorder à ces catégories d’entreprises. Il leur faut un solide accompagnement de l’État, tant du point de vue de la fiscalité que du financement.
Le phénomène du terrorisme qui nuit aux Burkinabè demeure bien réel. Que proposez-vous sur cette question ?
Notre proposition n’est rien d’autre qu’un investissement conséquent pour permettre à nos armées de s’enrichir en effectif, formation, renseignement et équipements modernes et adaptés. C’est pourquoi nous proposons deux lois de programmation triennale : l’une militaire et l’autre sécuritaire de 1 000 milliards de F.CFA (1,52 milliard d’euros) chacune pour relever ce défi.
Se pose aussi la question des prisonniers politiques, des exilés burkinabè, comme l’ancien président Blaise Compaoré, ce sont des sujets plutôt clivants au Burkina Faso… Est-il interdit d’en parler ?
La liberté d’expression reste, à mon avis, une réalité au Burkina Faso.
Comment abordez-vous l’échéance présidentielle au quotidien ; avez-vous à l’esprit qu’en fin d’année, vous serez appelé « Monsieur le Président » ?
Le pouvoir appartient à Dieu et il le donne à qui il veut. Nous allons proposer notre alternative au peuple avec une volonté et une foi. Il lui appartiendra de se déterminer librement et nous respecterons ce choix libre et souverain au nom de nos valeurs démocratiques.
Quel sera le positionnement de votre parti, quel que soit le cas de figure, au terme du scrutin présidentiel de novembre 2020 ?
Notre positionnement sera ce que le peuple aura librement choisi.