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Elyès Jouini, vice-président de Paris-Dauphine

  • Publiémai 31, 2018

Observateur attentif et acteur engagé de la vie politique tunisienne, le vice-président de l’université Paris-Dauphine se livre à un tour d’horizon complet de la situation de son pays, détaillant travers et atouts.

Propos recueillis par Guillaume Weill-Raynal

Quelle est votre façon de structurer et d’influencer, d’être un acteur important dans la vie universitaire ?

Jusqu’à l’année dernière, j’ai été vice-président, en charge de la recherche. À présent, je suis vice-président du conseil d’administration, en charge des relations institutionnelles et des relations avec le monde socio-économique. Et j’ai toujours essayé de faire bouger l’institution.

Comment ?

Pendant plusieurs années, je me suis consacré à la recherche en réformant les études doctorales et les centres de recherche de l’université. En économie, nous avions des petits centres de recherche éparpillés qui, de ce fait, n’étaient pas visibles depuis l’étranger, ni même à l’échelle nationale.

Nous avons restructuré et regroupé les équipes, pour développer une culture commune d’excellence scientifique. Aujourd’hui, tous les centres de recherche dauphinois – certains étaient déjà réputés, mais d’autres ont été mis à niveau – se positionnent au meilleur sur le plan national et à un très bon niveau sur le plan international.

Nous avons fait évoluer les standards de recrutement, et les standards de qualité en matière de publications, pour inciter les collègues à publier dans les meilleures revues internationales.

Nous avons également fait évoluer les mentalités et les pratiques. Quand je suis arrivé à Dauphine, certaines personnes s’inscrivaient en onzième et douzième années de thèse ! Soit cela voulait dire que ces personnes n’auraient pas dû être prises en thèse dès le départ, car leurs travaux n’avançaient pas. Soit cela voulait dire qu’elles étaient mal encadrées.

Dans le domaine de la santé, des nouvelles technologies, de l’enseignement supérieur, la Tunisie a des compétences, un savoir-faire, un avantage par rapport à l’ensemble des pays africains

Certains collègues pouvaient avoir jusqu’à 25 ou 30 doctorants sous leur responsabilité. Nous avons donc imposé progressivement des règles, selon lesquelles aucun enseignant ne pourrait prendre désormais plus de sept doctorants à la fois.

Nous lançons également un programme « Dauphine Digital », qui coïncide avec le 50e anniversaire de l’université, sur la transfor­mation numérique, l’intelligence artificielle, la blockchain, etc. Le digital interpelle toutes les entreprises. Tout le monde est concerné. Les métiers évoluent très vite.

Les entreprises sont inquiètes et leurs employés également, car la robotisation prend une place de plus en plus grande. Et si nous pensons que Dauphine est le meilleur endroit pour y réfléchir, c’est en raison des disciplines qui y sont enseignées : les mathématiques et l’informatique, et en même temps, la gestion et l’économie.

Nous y enseignons aussi les sciences sociales, qui apportent une capacité à analyser les choses de l’extérieur et à voir comment les structures évoluent en sociologie et en sciences politiques. Nous y enseignons enfin le droit. La relative petite taille de notre université fait que les gens se connaissent, se  rencontrent, et travaillent vraiment ensemble. Dans d’autres universités, vous avez des juristes et des mathématiciens, mais qui ne se rencontrent jamais.

À tel point qu’aujourd’hui, nos juristes travaillent par exemple sur la justice prédictive, qui utilise l’intelli­gence artificielle, les mathématiques et la statistique pour prévoir l’évolution de dossiers contentieux, les sommes qu’il faut provisionner, etc.

Avez-vous la capacité de prévoir les métiers du futur ?

Oui, nous y travaillons, en lien avec les entreprises et diverses institutions. Notre programme Dauphine Digital consiste en un grand partenariat entre l’université, nos étudiants et le monde du travail, pour réfléchir à ces questions. Les réponses ne sont pas évidentes, mais l’université est le meilleur endroit pour mener cette réflexion de manière neutre, d’autant que nous pensons avoir les compétences pour le faire.

Vous avez réussi à intégrer, à travers l’enseignement, le principe de la finance islamique. Où en est-on ?

Effectivement, j’ai conduit un certain nombre d’actions en ce sens, en lien notamment avec la Tunisie. J’ai contribué à créer Dauphine Tunis il y a dix ans, qui compte aujourd’hui près de 400 étudiants. C’est une très belle réalisation. Depuis, nous avons créé Dauphine Londres, Dauphine Madrid, et l’année dernière, Dauphine Casablanca.

Pour ce qui est de la finance islamique, nous l’avons intégrée à un moment où Christine Lagarde était ministre des Finances et où la France voulait se positionner sur ce thème. Et j’avais été chargé de rédiger un rapport dans lequel nous soulignons les opportunités assez extraordinaires, qui avait été très bien reçu par Christine Lagarde. Mais après, il est clair qu’il y a eu comme certaines « frilosités ».

J’ai toujours essayé d’être cohérent dans mon action : notre rapport soulignait les opportunités de la finance islamique et la nécessité pour la France de prendre de l’avance sur ce sujet, notamment en y préparant les étudiants. Je sentais que Bercy y était favorable. C’est la raison pour laquelle j’ai créé une formation de finance islamique.

Cette formation existe toujours à l’heure actuelle. Elle forme des étudiants qui se placent un peu partout, en Angleterre, dans les pays du Golfe et même, pour certains en France. Elle a essaimé, puisqu’à Tunis, nous avons également formé en finance islamique les cadres de la Banque centrale qui devaient travailler sur la rédaction d’une loi dédiée. Dans une certaine mesure, je peux dire que nous avons été acteur de la réflexion sur le sujet. C’est un domaine, effectivement, dans lequel Dauphine a des compétences.

Écrit par
African Business french

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