Échanges d’expériences Inde-Afrique
En choisissant Ahmedabad pour ses assemblées annuelles, la Banque africaine de développement marque la volonté de l’Afrique d’approfondir ses liens avec l’Inde. Et de s’inspirer d’un modèle d’émergence ?
Par Marius Gridoux
C’est une tradition, les assemblées annuelles de la BAD (Banque africaine de développement) se tiennent le plus souvent dans un pays africain autre que celui du siège de l’institution financière, comme pour mieux asseoir la vocation continentale de sa mission. Parfois même en dehors du continent, pour affirmer aussi que le développement de l’Afrique ne peut désormais s’inscrire que dans le cadre et les perspectives de la mondialisation. Le choix de la ville d’Ahmedabad, dans l’État du Gujarat (Inde) pour l’édition de 2017, présentait à cet égard un caractère édifiant.
Si le sous-continent indien et l’Afrique comptent chacun plus d’un milliard d’habitants et si tous les deux sont confrontés aux défis d’une pauvreté de masse à réduire et d’un écart de développement à combler avec les pays avancés, leurs différences sont néanmoins flagrantes.
L’industrialisation de l’agriculture suppose une transition vigoureuse vers la transformation, seule capable de faire profiter le développement du continent d’une valeur ajoutée que les matières premières ne peuvent à elles seules lui offrir.
Car l’Inde a su, tout de même, engager un processus original de développement qui, même s’il est encore loin d’avoir porté tous ses fruits, lui a permis d’atteindre en matière agricole le stade de l’autosuffisance alimentaire. De plus, le pays a su créer de nombreuses industries de fabrication et de transformation, fondement d’une valeur ajoutée sans laquelle il ne peut y avoir de croissance soutenue.
Des performances qui concernent tout particulièrement l’État du Gujarat, soulignées par Akinwumi Adesina, le président de la BAD, lors de la séance inaugurale : « La réussite du Gujarat est incroyable. Les zones rurales disposent d’un accès universel à l’électricité, 24/24, sans délestage ; 90 % des diamants bruts produits dans le monde sont taillés et polis ici. L’économie du Gujarat est diversifiée avec un secteur des services dynamiques. Son agriculture est prospère. Le taux de chômage est inférieur à 1 %. Les centres médicaux comptent parmi les meilleurs au monde. » Tout n’est pas rose, bien sûr.
La pauvreté et le chômage continuent de peser sur d’autres zones de l’Inde, et la qualité de l’industrie ne correspond pas encore aux standards des pays les plus développés. Mais, précisément, le développement que l’Inde a connu depuis plusieurs décennies repose sur un modèle radicalement différent des autres pays émergents.
Cinq priorités
Un modèle que l’universitaire Jean-Joseph Boillot qualifie de « graduel » et dont l’Afrique pourrait s’inspirer : des innovations « frugales », des technologies low-cost, qui ont permis à l’Inde, petit à petit, de construire un appareil industriel et un réseau de services couvrant 90 % de ses besoins, par exemple dans la fabrication de médicaments génériques ou le transport aérien (lire l’entretien accordé par le président de la BAD à African Business N° 50, juin 2017). « L’Afrique et l’Inde ont beaucoup à partager », a insisté Akinwumi Adesina.
Bien sûr, rien n’est jamais transposable tel quel, mais l’Afrique pourrait retenir les leçons de certains enseignements indiens, ce qu’elle a d’ailleurs déjà commencé à faire. La révolution du téléphone mobile à bon marché, et celle du Mobile Banking que l’Afrique connaît aujourd’hui ont été inventées et expérimentées auparavant par l’Inde. Le choix de ce pays pour l’édition 2017 des assemblées annuelles de la BAD – qui ont pour vocation de faire se rencontrer l’ensemble des investisseurs et des acteurs qui s’intéressent à l’Afrique – ne pouvait apparaître à cet égard que comme particulièrement opportun. Le président Akinwumi Adesina a ainsi défini le « Top 5 » des priorités qui devraient permettre à l’Afrique d’atteindre « 90 % de ses objectifs de développement durable à l’horizon 2063 » :