Des actions pour la Bourse d’Alger
Les défis sont multiples pour le directeur général de la Bourse d’Alger, Yazid Benmouhoub : augmenter le nombre de titres cotés, décupler la capitalisation boursière, moderniser le fonctionnement du marché et attirer les investisseurs.
La Bourse d’Algérie, pourtant âgée d’une vingtaine d’années sous le nom de la Société de gestion de la Bourse des valeurs (SGBV) ne fait pas l’actualité. Elle reflète une apparence austère, pèche par un fonctionnement rigide et n’attire pas vraiment les chefs d’entreprise et les épargnants. Pour la rendre plus accessible et attractive, son directeur général Yazid Benmouhoub s’est engagé depuis plusieurs mois dans une opération de marketing tous azimuts. Sa stratégie de communication s’adresse en priorité à la presse, qu’il entend familiariser avec les codes et les usages de la Bourse, pour en faire, à moyen terme, une alliée dans sa stratégie de communication. À l’entendre, ce « plan médias » est d’ailleurs un des principaux chapitres de la feuille de route de Yazid Benmouhoub, nommé à la tête de l’établissement financier en juin 2013 : « La Bourse doit être plus visible. Un travail de terrain est nécessaire pour montrer aux opérateurs économiques ce qu’elle peut leur offrir. » Pour ce fiscaliste, qui a passé une grande partie de sa carrière au Trésor public, le défi peut être relevé, pour peu que le potentiel de la place soit exploité. Décrivant sa mission comme « un beau challenge », le responsable s’est fixé comme objectif une capitalisation boursière de l’ordre de 48 milliards $ d’ici à quatre ans. À l’heure actuelle, la SGBV affiche un montant dérisoire de 190 millions $. Cette somme est le fruit de l’adhésion de cinq entreprises, les seules qui ont franchi le seuil de l’établissement depuis sa création en 1997, et qui y sont restées. Trois sont publiques et deux privées. Il s’agit de Dahli (immobilier), un des premiers titres cotés, de Saidal (pharmacie), d’El Aurassi (hôtellerie), d’Alliance Assurances et de NCA Rouiba (boissons).
« Nous encourageons leur entrée en Bourse en leur présentant des conditions avantageuses et simplifiées »
L’assureur Alliance fait figure de pionnier, comme premier groupe privé à entrer en Bourse, en 2011, afin d’augmenter son capital. Son PDG, Hassan Khelifati, explique sa décision par son désir d’appuyer le marché financier local. Or, quelques années après cette opération qualifiée alors d’« historique », l’assureur déchante. Au point d’envisager publiquement, l’été dernier, son possible retrait de la Bourse qui dispose, selon lui, d’un système de cotation désavantageux : « Plus on essaie d’animer la Bourse, plus le titre baisse. La valeur du titre Alliances assurances ne reflète pas ses performances. Nos actionnaires souffrent et nous avec eux », explique-t-il. Pour l’heure, Alliance Assurances n’a pas mis sa menace à exécution, mais Hassan Khelifati confirme que le marché financier algérien a besoin d’une réforme structurelle exigeant une implication plus volontariste des pouvoirs publics. Pour sa part, Slim Othmani, le patron de NCA Rouiba, estime que l’État doit « libérer » la SGBV de la tutelle du ministère des Finances « qui parasite son fonctionnement » et s’entourer d’« experts à même de la transformer en une véritable institution financière ». Pour l’heure, la Bourse lui apparaît comme « un gadget » qui donne l’illusion qu’Alger dispose d’une place financière. Le patron de NCA Rouiba a également évoqué un possible retrait de la cote.
Un volontarisme soutenu par l’État
À travers leurs critiques, ces chefs d’entreprise expriment les réserves de l’ensemble des acteurs économiques privés ; lesquels ne veulent pas tenter l’aventure boursière par peur d’y perdre de l’argent ou tout simplement parce que son fonctionnement paraît anachronique. En guise de mesures incitatives, un marché réservé aux PME a été ouvert en 2012. « Nous encourageons leur entrée en Bourse en leur présentant des conditions avantageuses et simplifiées », explique Yazid Benmouhoub. Qui reconnaît que l’engouement n’est pas au rendez-vous. La raison, à ses yeux, reste ce déficit de communication qu’il s’efforce de combler. « Nous organisons des regroupements dans tout le pays. À ce jour, environ 450 opérateurs du secteur privé ont été rencontrés à l’occasion de regroupements organisés en partenariat avec les Chambres de commerces. Nous nous sommes rendu compte que les entrepreneurs ne connaissent pas les mécanismes du marché boursier et son rôle comme moyen de financement de leurs sociétés. »
L’État a convié des entreprises du secteur public à franchir le pas : huit sociétés ont annoncé, ces derniers mois, leur intention d’être cotées en Bourse. Le Crédit populaire d’Algérie, les trois cimenteries publiques relevant du Groupe industriel des ciments d’Algérie (GICA), CAAR, (assurances), Cosider Carrières (filiale du groupe public de BTPH Cosider), Hydro-aménagement (BTP) et Mobilis (Telecoms). « Elles sont dans la phase de préparation de leur entrée en Bourse. J’espère bien que ce processus s’achèvera au courant du second semestre 2015 », précise Yazid Benmouhoub. Son plan d’action prévoit la cotation de sept ou huit nouveaux titres par an. En 2018, une cinquantaine d’entreprises devraient avoir rejoint la cote. « Je suis persuadé que nous atteindrons notre objectif avant les délais », promet le responsable de la SGBV. Selon lui, les opérateurs privés attendent uniquement un signal de leurs homologues du secteur public pour sauter le pas.
En termes de modernisation du marché, il compte sur l’expertise internationale : « Notre marché est naissant. Nous n’avons pas l’expérience des grandes places financières internationales. » En août, il s’est associé à Euronext pour mettre en place les outils (dont un nouveau système de cotation) qui permettront à la Bourse d’Alger de devenir une véritable source de financement pour les entreprises.
Un second accord du même type a été signé avec la Bourse de Tunis. Largement plus développé que celle d’Alger, la BVMT affiche une capitalisation de 9 milliards $, soit environ 20 % du PIB de la Tunisie. À comparer avec un « poids » de 50 % pour la Bourse de Casablanca au Maroc et une part de… 0,4 % du PIB pour la Bourse d’Alger.
Reste à savoir si une simple opération de communication ou même une refonte de son système de cotations suffira à la faire décoller. D’autres contraintes externes subsistent. Elles sont liées à la structure du tissu économique, encore sous l’emprise de l’économie informelle et de la culture du cash. Tandis qu’on reproche encore à la Bourse d’Alger de fonctionner sur la base de décisions administratives, une logique contraire aux lois du marché.