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La course au codage numérique…

  • Publiéjuin 9, 2017

Le poids stratégique et les prospectives économiques du secteur numérique poussent les économies africaines à investir toujours plus dans la formation aux TIC. Reste à en définir la cohérence.

Par Marie-France Réveillard

Coder est devenu un enjeu national tant les besoins en main-d’oeuvre qualifiée sont grands. Aussi, depuis le début des années 2010, les opérations de formation et les mesures d’accompa-gnement panafricaines et transnationales se multiplient-elles. La crise de 2007 a entraîné des milliers de jeunes diplômés vers la création de start-up, aux formats plus accessibles. Depuis une dizaine d’années, la créativité des geeks africains s’est imposée au point de faire naître des vocations chez les plus jeunes et de susciter l’intérêt des investisseurs.

Le système « D » s’est adapté aux TIC, permettant la création d’applications ingénieuses et adaptées aux contextes locaux. Par exemple, M-Farm, au Kenya, permet aux agriculteurs d’accéder en temps réel à la météo et aux cours de la Bourse, sans oublier le célèbre Jumia, l’Amazon panafricain. L’Afrique correspond également à 80 % du marché du Mobile Banking dans le monde, remédiant aux systèmes bancaires encore inaccessibles pour beaucoup.

Moins de 30 % des Africains possèdent des comptes bancaires alors que plus de 75 % disposent de téléphones portables. Incubateurs, hackerspaces, et autres iHubs se multiplient dans toutes les métropoles. Depuis 2016, le codage informatique s’est introduit dans les écoles de Dakar. Cette initiative manifeste une volonté gouvernementale d’associer le numérique à la base du système d’éducation.

Au regard de la jeunesse du secteur et des perspectives démographiques du continent, la formation aux TIC est devenue un enjeu majeur. À ce jour, les moins de 25 ans en Afrique francophone constituent 64 % de la population et représentent 60 % des chômeurs. Parmi les entrepreneurs, 45 % n’ont pas achevé leur cycle d’études secondaires, d’après une étude du Global Entrepreneurship Monitor de 2015.

Un engagement citoyen

Selon un rapport de l’Unesco daté de juillet 2016, un cinquième des enfants âgés de six à onze ans, un tiers des jeunes de douze à quatorze ans et 60 % des adolescents de quinze à dix-sept ans ne sont pas scolarisés en Afrique. De plus, le rythme de formation des formateurs évolue plus lentement que celui des technologies numériques, aussi les partenariats public-privé, les projets associatifs, les initiatives gouvernementales ou les opérations menées par des fondations internationales se développent pour répondre au défi de l’éducation numérique.

Si le dynamisme des pays anglo-saxons en matière d’innovation n’est plus à démontrer, les initiatives en Afrique francophone se développent dans un certain enthousiasme à l’instar de Mjangale apprendre » en wolof), une application qui participe à la formation des écoliers sénégalais.

En Côte d’Ivoire, Baby Lab situé dans le quartier abidjanais d’Abobo, se fixe pour objectif de former un millier d’enfants âgés de huit à quinze ans au codage numérique, dans les deux ans. Au-delà de la formation technique, Baby Lab conçoit son rôle comme « un engagement citoyen pour réduire la délinquance juvénile et pour stimuler la socialisation » par le Web. Parallèlement aux programmes d’accompagnement onusiens, ministériels ou universitaires, viennent s’ajouter les initiatives des multinationales.

La Fondation SAP organise l’Africa Code Week depuis 2015. « Le codage doit devenir une matière à part entière, au même titre que les mathématiques. Le code est devenu le langage du xxie siècle et la Fondation SAP propose des formations aux enfants, dans le but de partici­per à la réduction de la fracture numérique », explique Claire Gillissen-Duval, directrice de la RSE de la zone EMEA. « L’opération de SAP couvre à ce jour 35 pays et le prochain Africa Code Week du 18 au 25 octobre 2017 proposera 1 000 ateliers de formation sur une semaine. Il devrait réunir près d’un demi-million d’enfants. En tant qu’éditeur de logiciel, nous défendons des projets à valeur partagée».

Le groupe cherche avant tout, à sensibiliser la jeunesse : « Il est évident que tout le monde ne deviendra pas programmateur mais l’essentiel c’est que chaque enfant ait accès à un mini­mum de formation».

Au service d’une économie de proximité

Former les jeunes au codage informa­tique représente une opportunité, à terme, de créer des applications adaptées aux situa­tions locales. Il n’est pas étonnant de voir le nombre de start-up qui participent à l’écono­mie solidaire, soutenues par les plateformes de financement participatif comme Smalaandco et CoFundi.

Les incubateurs fleurissent, de Kampabits Digital School à NairoBits en passant par CTIC au Sénégal. Des demandes de services de proximité non-satisfaites trouvent une solution aux applications Made in Africa. Ainsi, les premiers Uber du continent, présents depuis 2014 en Afrique du Sud, arrivent depuis quelques mois en Afrique francophone. L’offre s’adapte à la demande, à l’instar de Hello Tractor qui permet l’ubérisation des machines agricoles en terres nigérianes.

Enfin, la réussite du Mobile Banking répond à une autre demande profonde sur un continent qui représente plus de 80 % des usagers dans le monde. Parmi les prin­cipaux opérateurs, on note MPesa au Kenya, Orascom en Égypte ou Maroc Télécom.

Parallèlement, les TIC recouvrent des enjeux plus larges. Le codage informatique apparaît pour la francophonie, comme un élément stratégique majeur. Aujourd’hui, le français regroupe 274 millions de locuteurs dans le monde, il est la troisième langue des affaires, la quatrième sur l’Internet et, à l’horizon 2050, 85 % des francophones seront Africains. La promotion de la langue française se fera essen­tiellement à travers les TIC d’où l’importance stratégique de la formation au codage.

La question relative à la propriété des métadonnées s’impose également, sur un marché dominé par les fournisseurs d’accès et par les créateurs d’application états-uniens. Le Big Data est devenu l’un des principaux marchés mondiaux et, à l’heure actuelle, l’Afrique, tout comme l’Europe, est confron­tée aux géants américains – malgré l’absence remarquée d’Apple –, en matière de gestion des données et de licences d’exploitation.

La bulle numérique africaine

L’essor numérique subsaharien a accom­pagné le développement des structures de téléphonie. On note une hausse de 70 %, depuis 2010, du nombre d’abonnés en télé­phonie mobile, sur le continent. En termes d’usagers, l’Afrique représente le second marché au monde. Malgré de nombreux déserts numériques, l’arrivée du haut débit a dopé les abonnements.

Les investissements étrangers dans les start-up ont augmenté de 33 % entre 2015 et 2016. Le Sénégal, la Tunisie, le Maroc et la Côte d’Ivoire ont attiré 10 % de l’investis­sement en 2016, soit 37 millions de dollars, contre 6 millions en 2015. Les perspectives alléchantes du marché des TIC ne faiblissent pas. Au Gabon, l’économie numérique repré­sente désormais plus de 5 % du PIB. Le secteur est devenu une priorité pour les politiques de développement structurel.

Au regard du nombre d’événements consacrés au développement des TIC en Afrique, des prix multiples pour des start-up qui n’en sont plus, il semble que l’industrie numérique africaine soit devenue « un fourre-tout » à l’intérieur duquel reposent tous les espoirs de développement. Les innombrables récompenses dédiées à l’innovation africaine alimentent « la bulle numérique ».

Pourtant, le court-termisme inhérent à l’industrie numé­rique et l’obsolescence programmée des appli­cations, ne sont pas synonymes de pérennité. Les réussites fulgurantes des créateurs afri­cains incitent de nombreux jeunes adultes à inventer l’idée « du moment », parfois décon­nectée des réalités économiques. Le modèle numérique devrait permettre le renforcement des compétences.

Écrit par
African Business french

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