Côte d’Ivoire-Maroc
Côte d’Ivoire. Les places de Casablanca et d’Abidjan (BRVM) ont décidé d’accélérer leur collaboration, signe d’un rapprochement futur encore plus étroit. Leurs équipes travailleront de concert ; ils envisagent déjà le principe d’une double cotation.
C’est une grande première ! La Bourse des valeurs de Casablanca prend les devants et amorce son rapprochement eff ectif avec la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), située à Abidjan. Motivés par la visite du Roi en Côte d’Ivoire la première semaine de juin, les professionnels de la place financière de Casablanca ont eff ectué une visite très spéciale à Abidjan le 26 juin. Une délégation a été constituée, comprenant des représentants de la Bourse de Casablanca, du régulateur (Conseil déontologique des valeurs mobilières – CDVM), des sociétés de Bourse (Association professionnelle des sociétés de Bourse – APSB), du dépositaire (Maroclear) et des grandes banques (Attijariwafa bank, BMCE, CDG et Upline Securities).
Ces professionnels ont fait le déplacement pour une journée de travail avec leurs homologues ivoiriens et représentants du marché financier régional de la zone Uemoa. À l’ordre du jour, un projet de rapprochement entre les deux places financières avec, à la clé, la création d’un « groupe d’impulsion » des marchés de capitaux avec les différents pays composant la zone et regroupés autour de la BRVM. Ce, à l’initiative du directeur général de la Bourse de Casablanca, Karim Hajji, et du directeur général de la BRVM, Félix Edoh Kossi Amenounve.
La réunion a également abouti à la composition, in situ, des comités de travail qui devront préparer un plan d’action stratégique dans un délai de trois mois. Les opérateurs des deux marchés représentés par le président de l’APSB, Omar Amine, et Kadiatou Fadika-Coulibaly, présidente de l’Association professionnelle des sociétés de gestion et d’intermédiation (APSGI) de l’Uemoa, ont ensuite procédé à la signature d’un protocole d’accord visant à développer les domaines de coopération par l’échange d’expérience et à étudier les possibilités d’une convergence réglementaire vers les meilleures pratiques internationales de trading et de post-trading.
Vers une réciprocité et une co-émergence
Ce partenariat ouvre la voie à plusieurs coopérations sur le plan réglementaire, commercial et d’échange de savoir-faire. Les deux présidents ont également décidé de constituer un comité permanent « convergence BVC-BRVM », composé de responsables des sociétés de Bourse pour participer activement aux groupes de travail et développer le partenariat APSB-APSGI dans les meilleurs délais. Cette convergence annoncée est importante à plus d’un titre. Les partenariats établis ont pour base commune le principe gagnant-gagnant et de complémentarité.
Les opérateurs n’ont pas attendu que les politiques commencent à travailler et ont décidé de prendre le taureau par les cornes. D’où l’espoir de résultats concrets au plus vite, car en matière de marché des capitaux, le just in time est décisif.
« Le gâteau est encore trop petit pour que l’on parle de concurrence, par contre, nos deux places fi nancières, qui présentent plusieurs complémentarités en termes de business et de savoir-faire, gagneraient à travailler main dans la main pour ouvrir la voie à un fl ux important de business dans les deux sens », souligne Omar Amine. Cette approche est confortée par Kadiatou Fadika-Coulibaly, qui souligne que « la clé de la réussite de ce projet est la formalisation des relations entre les deux associations qui permettra ainsi aux courtiers de la zone de l’Uemoa de s’imprégner des pratiques et de l’expérience de leurs homologues marocains et vice-versa, et ce, à travers des actions et des initiatives structurantes ».
Plus concrètement, le rapprochement entre Casablanca et Abidjan permettra, à terme, un double passeport pour les cotations en Bourse. Ainsi, lorsqu’une entreprise marocaine fera son entrée à la Bourse de Casablanca, elle sera automatiquement éligible à une cotation à la BRVM, et vice-versa. Bien sûr, beaucoup d’obstacles sont à surmonter en termes réglementaires et techniques pour que le système soit opérationnel. Si la Bourse des valeurs de Casablanca ne représente que le Maroc, la BRVM, elle, compte huit pays, chacun avec ses spécificités et sa propre réglementation financière. L’objectif à atteindre passe donc par la convergence technique et réglementaire entre les deux places.
Un deuxième round décisif
Les brokers marocains et ivoiriens vont travailler côte à côte durant les prochains mois pour explorer les pistes de co-émergence et de réciprocité visant à augmenter le flux des affaires des deux côtés, susciter les introductions en Bourse, ouvrir de nouvelles voies de financement aux investisseurs marocains, ivoiriens et aussi étrangers. Les courtiers des deux places sont convaincus que de belles opportunités de placement et d’investissement se présenteront à moyen terme. Et le marché des actions n’est pas seul concerné : « Les marchés de l’Uemoa sont principalement des marchés de dette. Les professionnels de cette place ont acquis un savoir-faire et une technicité que nous, Marocains, n’avons pas encore. Notre objectif, à travers ce rapprochement, c’est aussi de permettre aux institutionnels marocains d’acheter de la dette ouest-africaine et, pourquoi pas, la revendre à des investisseurs étrangers via la place de Casablanca », explique Omar Amine.
Les professionnels des deux côtés se sont donné rendez-vous en octobre 2015, au Maroc cette fois, pour un deuxième round où les membres des deux associations professionnelles (21 du côté de l’APSGI et 17 du côté de l’APSB) se pencheront sur les conclusions des travaux des comités constitués et pourront profiter de rencontres B2B pour aller de l’avant. Pour une fois, les opérateurs n’ont pas attendu que les politiques commencent à travailler et ont décidé de prendre le taureau par les cornes. D’où l’espoir de résultats concrets au plus vite, car en matière de marché des capitaux, le just in time est décisif.
ENCADRE
Cinq comités clés
La rencontre d’Abidjan a permis la constitution de cinq comités de travail et de suivi :
1. Comité harmonisation régle-mentaire, constitué par le CDVM, le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) et les associations professionnelles (APSB, APSGI).
2. Comité transactions marché & post-marché, constitué par les Bourses, les dépositaires et les associations professionnelles (APSB, APSGI).
3. Comité développement marché & nouveaux produits, constitué par les Bourses, les dépositaires et les régulateurs.
4. Comité technologie, constitué par les Bourses et les dépositaires. 5. Comité Bourse matières premières, constitué par les Bourses, les dépositaires et les régulateurs.
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Trois questions à…
Kadiatou Fadika-Coulibaly
Présidente de l’Association professionnelle des sociétés de gestion et d’intermédiation (Abidjan)
L’Apsgi s’est rapprochée de son homologue marocaine, l’APSB ; qu’attendez-vous concrète-ment de cette coopération ?
L’objectif du protocole d’accord est d’encadrer les relations déjà établies entre nos deux associations professionnelles. En effet, il prévoit des échanges d’information sur les marchés et un échange d’expérience entre les courtiers des deux places. L’APSB a une expérience dans la formation pour ses adhérents et l’APSGI souhaite également organiser une offre de formation à ses membres. Les domaines de coopération couvrent notamment la création d’une académie de formation et l’organisation de séminaires.
Quel est l’enjeu de ce projet de place pour le marché financier ivoirien et de l’Uemoa ?
La formalisation des relations entre nos deux associations devrait permettre aux courtiers de la zone Uemoa de s’imprégner des pratiques des courtiers marocains et d’aller plus vite dans des actions structurantes pour la profession. Par exemple, la certification des courtiers. Le fait qu’il y ait une dynamique d’ensemble des différents acteurs (Bourses, dépositaires…) des deux places assure la pertinence de ce partenariat qui s’inscrit directement dans cette dynamique.
Quel rôle devra jouer le groupe d’impulsion et quelles sont les étapes prévues dans le processus engagé ?
Le groupe d’impulsion, qui a été mis en place pour porter la dynamique de rapprochement des deux places, devra piloter les actions identifiées pour permettre aux investisseurs et aux émetteurs marocains et de la zone Uemoa de profiter d’une meilleure offre de produits et services.