Coopération : Un « plan Marshall », pour quoi faire ?

Promotrice de l’idée d’un « plan Marshall » pour l’Afrique, l’Allemagne a fait adouber par le G20 de Hambourg, en juillet 2017, un programme destiné à relancer l’investissement privé ; elle peine encore à débloquer les fonds.
Par Christine Holzbauer, envoyée spéciale à Berlin
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, le plan Marshall avait permis d’injecter une aide financière massive en Europe pour l’aider dans sa reconstruction et endiguer l’avancée du communisme.
L’Allemagne de l’Ouest avait alors profité de cette manne financière au même titre que le Royaume-Uni, la France et l’Italie, qui en furent les principaux bénéficiaires. Nombre de dirigeants africains réclamaient un « plan Marshall pour l’Afrique » afin de doter le continent en infrastructures adéquates pour accélérer son industrialisation ; la déclaration finale du sommet du G20 qui s’est tenu à Hambourg au début juillet les a laissés sur leur faim.
Malgré les propositions de la présidence allemande, le G20, qui compte dans ses rangs les États-Unis de Donald Trump, a refusé d’endosser cette solution. Tout au plus, un « oui mais » dans la déclaration finale mettant en avant les réformes à mener en échange d’une vague aide financière et matérielle non chiffrée.
Tiraillé par son idéologie néolibérale, le G20 rechignerait-il à promouvoir les dons au détriment des prêts plus conformes à la loi du marché ? « Les pays riches ont accepté de s’engager dans un partenariat poussé avec plusieurs pays en Afrique pour les aider à mener à bien des réformes chez eux, note un observateur averti. À défaut d’aide massive au continent, on a abouti à un mini-plan Marshall. Mais le débat est loin d’être clos ! »
Limiter le nombre de réfugiés
De son côté, le conseiller spécial pour l’Afrique d’Angela Merkel, Günter Nooke, nous confie que les consignes données par la chancelière allemande de « démultiplier les investissements privés en Afrique » visent surtout à éviter que des cohortes de jeunes Africains sans emploi arrivent en Allemagne clandestinement.
En tournée à l’automne 2016 au Mali et au Niger, pays de transit pour nombre de migrants, et en Éthiopie, où siège l’Union africaine, la Chancelière avait d’ailleurs déclaré que « le bien-être de l’Afrique est dans l’intérêt de l’Allemagne ».
Malgré les changements attendus dans le nouveau gouvernement issu des élections du 24 septembre, et, notamment le départ de Wolfgang Schaüble du ministère des Finances pour prendre la présidence du Bundestag, ces consignes devraient encore être renforcées.
Avec, comme première conséquence attendue, une augmentation substantielle des enveloppes d’aide allouées aux agences fédérales allemandes (GIZ, KfW, DEG) qui interviennent sur le continent pour aider les entreprises locales. La plupart du temps, d’ailleurs, avec leurs homologues français (AFD et Proparco)…
En pleine crise des réfugiés, la vision de la Chancelière allemande a donc consisté à associer plusieurs pays africains avec le G20, la Banque mondiale, le FMI et la BAD, selon un plan d’action spécifique pour chaque État. Les pays sélectionnés s’engageant « sur une base volontaire » à mettre en oeuvre des réformes afin d’augmenter leur potentiel d’investissement ; tandis que leurs partenaires internationaux offrent une expertise technique et aident les investisseurs à venir sur le continent.
Privilégier le secteur privé
Sur les sept pays actuellement engagés (Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Maroc, Rwanda, Sénégal, Tunisie), seuls trois peuvent prétendre, pour l’instant, à bénéficier des 300 millions d’euros promis par l’Allemagne. Il s’agit de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de la Tunisie. Mais, insiste Günter Nooke, « le programme Global Compact avec l’Afrique est ouvert à tous les pays africains qui souhaitent améliorer leur cadre d’investissement privé sur une base durable ».
La présidence du G20 a donné une tribune internationale à l’Allemagne qui s’en est servie pour focaliser l’attention sur l’investissement privé en Afrique. « On ne compte plus aujourd’hui les plans visant à multiplier les initiatives dans le privé en Afrique », se réjouit Günter Nooke. Aussi, « le G20 a-t-il voulu marquer une différence en mettant l’accent sur la concrétisation des projets, pays par pays ».
Face aux contraintes démographiques, « l’Afrique va devoir continuer à croître si elle veut être en mesure de faire face à son essor démographique. Cependant, dans de nombreux pays, les conditions existantes rendent cette croissance difficile à réaliser si les choses ne changent pas d’ici là », martèle-il. Et, notamment en matière de bonne gouvernance : seulement 115 milliards d’euros par an suffiraient à développer les infrastructures africaines – une somme équivalant à peu près au montant global de l’Aide publique au développement pour le continent !