Congo : Pas de sortie de crise en vue
Les principaux indicateurs économiques du Congo ont viré au rouge, malgré les mesures de réduction de dépenses prises par les autorités pour parer au plus pressé. La récession semble s’installer dans la durée.
Brazzaville, J.J Arthur Malu-Malu
La croissance économique est passée de 6 % en 2014 à – 2,7 % en 2016. D’après les prévisions les plus optimistes, le taux de « croissance » devrait se situer autour de -1,9 % en 2017 – une tendance qui n’est pas de nature à ramener la confiance dans les milieux d’affaires. La crise née de l’effondrement des cours du pétrole en 2014 ne s’est pas encore résorbée, en dépit d’une légère remontée des prix observée ces dernières semaines. Ils tardent à atteindre leur niveau d’avant la crise, enfonçant le Congo dans une zone de turbulences où la navigation peut se révéler périlleuse.
Les réserves de change ne couvrent qu’environ 45 jours d’importation – une situation inédite pour un pays habitué à au moins trois mois de réserves. La baisse du train de vie de l’État s’est traduite par des restrictions budgétaires. La contraction de 24 % du budget de l’État a eu un impact significatif sur la plupart des ministères qui ont vu leur budget subir une cure d’amaigrissement. Les fournisseurs doivent s’armer de patience : l’État peine à payer la dette intérieure, d’autant que les recettes fiscales et douanières ont dégringolé.
L’agriculture et les brasseries restent néanmoins dans la catégorie des rares secteurs épargnés jusqu’ici par la crise. Le gel des grands projets d’infrastructures, chapeautés par le ministère des Grands travaux, a affecté l’activité dans le BTP. Ici et là, à Brazzaville et à Pointe-Noire, les deux principales villes du pays, des chantiers de construction sont à l’arrêt, en attendant une hypothétique embellie.
L’indispensable diversification
Les autorités, qui ne masquent pas ces difficultés, se veulent optimistes quant à la remontée des cours sur lesquels le Congo n’influe pas. Elles placent leurs espoirs dans la diversification de l’économie nationale qui doit réduire sa dépendance à l’or noir. La diversification ? C’est un vieux thème au Congo ; mais jusqu’à récemment, il était difficile de voir les avancées réalisées dans cette direction, alors que le pays a un potentiel minier insuffisamment exploité et des atouts à faire valoir dans d’autres secteurs.
L’opposition ne se prive pas de critiquer le pouvoir qu’elle tient pour principal responsable de cette situation qui ne présage rien de bon.
« L’État a laissé se poursuivre l’exploitation pétrolière, sans se lancer dans la diversification de l’économie. Cependant, avec le micmac entre la Corée du Nord et les États- Unis, peut-être que les cours remonteront sous peu. Le Congo n’attend que ça, car son économie est à genoux », considère Joseph Ouabari Mariotti, le représentant de la Fédération de l’opposition congolaise en Europe. Qui rappelle que sous la présidence d’Alphonse Massamba-Débat, dans les années 1960, l’économie du Congo était diversifiée. Il avait construit des usines et développé l’agriculture. « Le pétrole n’était pas le principal pilier de l’économie et le pays vivait bien. Les autorités actuelles ont privilégié la rente pétrolière. Nous devons nous mettre autour de la table pour voir comment relancer le pays dans tous les domaines. Il faudrait établir un audit de la situation économique du Congo ; sinon, on court à la catastrophe », poursuit l’opposant.
Négociations avec le FMI
Pendant ce temps, le ministère du Plan réfléchit à un Plan national de développement pour la période 2017 – 2021. Il s’agit, pour les experts, de dégager les secteurs sur lesquels l’économie doit s’appuyer pour assurer la relance et tenter de sortir ainsi de la récession, en limitant les importations. La protection des franges de la population les plus vulnérables est également prise en compte dans l’élaboration de ce plan. Un défi que les économistes doivent relever pour rétablir les grands équilibres macroéconomiques, sans que le prix à payer par les familles à faible revenu soit très élevé.
Le pays a renoué le dialogue avec le Fonds monétaire international pour négocier un programme d’ajustement budgétaire. D’ores et déjà, la délégation du FMI a souligné la nécessité, pour Brazzaville, d’opérer des choix judicieux en matière d’investissements publics. L’État cherche des financements extérieurs auprès de ses traditionnels bailleurs.
Grogne sociale
Ces négociations ont failli achopper sur un malentendu : les autorités avaient, dans un premier temps, minimisé la dette extérieure de leur pays. La partie congolaise avait estimé cette dette à 77 % du PIB, alors qu’elle se situe autour de 120 %. Brazzaville, qui a reconnu l’ampleur de sa dette, négocie quelque peu en position de faiblesse. Si l’institution de Bretton Woods accepte de porter secours au Congo, elle posera sûrement des conditions. Rien n’indique, à ce stade, que le pays, qui n’a pas abattu toutes ses cartes, serait disposé à tout accepter. L’issue de ces discussions, qui se déroulent en plusieurs rounds, paraît incertaine, même si les deux parties semblent s’être accordées sur le fait de ne pas les rompre à ce stade. Les créditeurs étrangers, au premier rang desquels se trouve la Chine, attendent eux aussi que le Congo règle ses arriérés de paiement qui ont inexorablement pris une courbe ascendante ces derniers temps.
Des entreprises du secteur pétrolier ont licencié des centaines d’employés pour cause de baisse d’activité ; certaines sociétés de sous-traitance ont carrément mis la clé sous la porte. La morosité est perceptible dans la région de Pointe-Noire, dans le sud du pays, où se concentre l’essentiel de l’activité pétrolière.
La grogne sociale est visible dans le pays. Des mouvements de grève affectent l’université et le secteur hospitalier. Des fonctionnaires cumulent des mois de salaires impayés. Des étudiants sont privés de bourses et les retraités perçoivent leur pension irrégulièrement – certains en sont à six mois de retard.
«Comment ceux qui ont géré le pays pendant la période d’abondance sauront-ils, dans la pénurie, le sortir du chaos dans lequel ils l’ont plongé? », s’interroge Claudine Munari. L’ancienne ministre du Commerce, qui a rejoint l’opposition, est devenue une pourfendeuse du régime. La formation, en août, d’un nouveau gouvernement dirigé par Clément Mouamba, reconduit dans ses fonctions, n’a pas soulevé son enthousiasme. Claudine Munari indique que face à la persistance de la crise économique, cette équipe risque de « perpétuer l’inefficacité de l’exécutif».