Congo : Brazzaville dans l’antichambre de l’Opep
Le Congo s’apprête à devenir le 15e pays membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Un moyen de peser davantage dans le concert des Nations, à l’heure d’importantes réformes.
Brazzaville, J.J Arthur Malu-Malu
Créée en 1960, établie à Vienne et dirigée depuis 2016 par Mohammed Barkindo, secrétaire général de nationalité nigériane, l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) a principalement pour mission de réguler la production en vue d’influer sur les cours, dans l’intérêt de ses membres.
Si sa candidature est acceptée, après avoir recueilli au moins trois quarts des suffrages exprimés lors d’un vote de tous les États membres, fin juin, le Congo deviendra le septième pays africain à adhérer à l’Opep, après le Nigeria, la Libye, l’Algérie, l’Angola, le Gabon (2016) et la Guinée équatoriale (2017).
Pour mettre toutes les chances de son côté, le Congo a fait du lobbying auprès des poids lourds des cartels, notamment l’Arabie saoudite. Le royaume wahhabite pourrait ainsi jouer de son influence pour convaincre d’éventuels membres hésitants d’ouvrir la porte à ce petit pays d’Afrique centrale, qui affiche l’ambition d’avoir son mot à dire sur le secteur pétrolier mondial, dans les prochaines années. « À travers cette démarche, la République du Congo entend se donner les moyens de prendre sa place dans la définition des politiques et la prise de décisions au sein de cette organisation », a indiqué un communiqué succinct de la Présidence.
Il s’agit, pour le Congo, de s’asseoir autour de la table où se prennent les décisions dont dépend en grande partie son économie et, par ricochet, son avenir. À Brazzaville, des analystes se montrent enthousiastes et estiment que la voix du chef de l’État, Denis Sassou NGuesso, sera plus audible s’il s’exprime sur les questions pétrolières en tant que président d’un État membre de l’Opep.
La présence renforcée de pays africains au sein de cette organisation leur permettrait de faire entendre leurs préoccupations, s’ils arrivent à définir ensemble leurs priorités pour faire avancer un « agenda commun ».
L’appui du FMI
Cependant, plusieurs grands producteurs, tels que la Russie, le Canada et les États-Unis, n’ont jamais manifesté l’intention d’adhérer à l’Opep. Ces pays considèrent qu’ils peuvent influer sur les cours en se tenant à l’écart de ce cartel dont les membres assurent, au total, un peu moins de la moitié de la production mondiale d’or noir, même si l’ensemble de ses États membres possèdent près de 75 % des réserves mondiales.
Le Congo traverse une grave crise économique consécutive à la baisse des cours en 2014. Son économie reste tributaire des fluctuations des marchés : les exportations de pétrole constituent la première source de revenus du pays. La chute des prix sur les marchés internationaux, avant leur remontée ces derniers mois, a affecté les finances publiques, au point que Brazzaville s’est tourné vers le FMI pour obtenir des appuis budgétaires.
Les deux parties sont parvenues à un accord de principe. À ce stade, l’institution de Bretton Woods attend de ses interlocuteurs des détails sur la stratégie élaborée pour rendre soutenable la lourde dette publique du Congo. Avec une ardoise de quelque 8 milliards d’euros (plus de 118 % de son PIB), l’État risque d’étouffer s’il contracte de nouvelles dettes sans s’accorder des marges de manoeuvre. D’où la nécessité de mécanismes plus souples de paiement de la charge de la…
L’économie reste tributaire des fluctuations des marchés : les exportations de pétrole constituent la première source de revenus. Pourtant, le Congo ne manque pas d’atouts inexploités.
…dette. Il s’agirait, pour le pays, de proposer à ses créanciers un rééchelonnement réaliste, sous l’oeil vigilant du FMI. L’institution financière a posé ses conditions avant d’apporter l’aide dont le Congo a cruellement besoin ; elle a ainsi poussé le pays à engager de profondes réformes pour améliorer sa gouvernance.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les réformes engagées par le président Denis Sassou NGuesso, qui paraît plus enclin à lutter plus efficacement contre la corruption. Ce vieux routier de la politique, qui cumule 34 ans au pouvoir, a promis de s’attaquer aux pratiques qui entravent le décollage économique du pays.
La crise est venue lui donner un argument supplémentaire pour prendre des mesures fortes. La société nationale des pétroles du Congo (SNPC) a été restructurée : une nouvelle équipe a été portée à sa tête. Les dirigeants écartés sont soupçonnés d’avoir recouru à des pratiques qui ont inconsidérément alourdi la dette publique.
D’autres cartes que le pétrole
Reste à savoir si les réformes engagées seront de nature à apaiser ceux qui dénoncent la montée des inégalités. Les disparités sont visibles entre une petite minorité qui vit dans une opulence ostentatoire, et la grande majorité, qui a vu ses conditions de vie se dégrader au fil des années, du fait notamment du mauvais ciblage de certaines politiques. L’adhésion éventuelle du pays à l’Opep paraît loin des soucis quotidiens de ces nombreux Congolais désabusés.
Le pays, qui a longtemps vécu sur sa rente pétrolière, est contraint de s’atteler à la diversification de son économie. Ses principaux partenaires, notamment la Chine, l’Union européenne, l’Agence française de développement et la Banque africaine de développement, ont pris le parti de l’accompagner dans ses efforts.
Brazzaville a d’ailleurs une carte à jouer dans les secteurs agricole et minier. Le pays dispose d’atouts non négligeables : un tiers de sa superficie totale est composé de terres arables inexploitées. Ses ressources minières, qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets, attirent des investisseurs potentiels. Le Congo possède également d’importants gisements d’hydrocarbures. La Banque mondiale estime respectivement à 1,6 milliard de barils et 90 milliards de mètres cubes ses réserves de pétrole et de gaz.
La mise en service de Moho Nord, au large de Pointe-Noire, est porteuse d’un immense espoir pour le Congo. L’entrée en production, en mars 2017, de cet important champ en off-shore a contribué à une augmentation substantielle de la production nationale, laquelle a « gonflé » de 50 000 barils par jour en 2017, passant d’environ 250 000 à 300 000 barils. Les prévisions officielles excluent toute contraction au cours de l’année en cours.