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Amadou Hott, DG du Fonsis

  • Publiéseptembre 18, 2015

Directeur général du Fonsis au Sénégal, Amadou Hott fait le point sur les chantiers en cours et les retombées fi nancières attendues. Son institution souhaite multiplier les partenariats en matière de financements.

Comment est née l’idée de créer un Fonds souverain d’investissements stratégiques au Sénégal, un pays pourtant non producteur d’hydrocarbures?

C’était une promesse de campagne du président Macky Sall. Après sa victoire aux élections de mars 2012, j’ai rejoint son cabinet comme conseiller spécial en financement et investisse- ment. Il voulait créer un Fonds souverain d’investissements à l’instar des pays émergents pour accompagner le développement du Sénégal. Ces fonds existent dans des pays où il y a du pétrole ou d’importantes recettes d’exportations et donc des surplus budgétaires à réinvestir. Ce qui est loin d’être le cas au Sénégal qui est un pays relativement pauvre en ressources naturelles et qui présente un déficit de sa balance commerciale. J’ai proposé au Président de permettre des transferts d’actifs qui appartiennent à l’État dans des entreprises, des terrains, des participations dans des sociétés ou dans des concessions minières dont la propriété peut être cédée au Fonsis pour lui permettre d’investir dans des projets productifs. Les États ont un patrimoine colossal, mais qui, souvent, « dort ». Pour le faire fructifier et le valoriser, l’État peut le transférer dans un véhicule d’investissement confié à des professionnels de la gestion d’actifs et de fonds comme, par exemple des sociétés holding d’investissement, des « family offices », des fonds private equity, etc. Ce patrimoine ciblé de l’État est optimisé en faisant des acquisitions, fusions, cessions, montages de nouveaux projets productifs pouvant attirer d’autres investisseurs.

De quelle sorte d’actifs, exactement, s’agit-il ?

Une première liste d’actifs ciblés a déjà été arrêtée par décret, mais concrètement, on ne les a pas encore récupérés. Il s’agit du droit d’exploitation des ouvrages d’infrastructures (autoroutes, chemin de fer, etc.) et du foncier attenant à ces ouvrages. La deuxième liste concerne des participations de l’État dans certaines sociétés, des biens immobiliers, etc. Certains de ces actifs peuvent rapporter immédiatement. Il s’agit, par exemple, de terrains en centre-ville dont l’État est propriétaire et qui ont beaucoup de valeur, ou bien des bandes de terre en bordure des autoroutes qui pourront être valorisées par le Fonsis.

Le Fonsis en assurera la gestion en partenariat avec une société spécialisée dans le transport des voyageurs ; il sera rémunéré à hauteur de la concession que nous apportons et, aussi, en tant qu’actionnaire, selon une répartition du capital de la société de gestion restant à déterminer.

Concernant la gestion de l’autoroute Thiès-Diourbel-Touba, il faut attendre sa mise en exploitation dans trois ou quatre ans. Sa construction est financée par la Chine, mais une filiale du Fonsis spécialisée dans ce domaine est prévue pour gérer cette autoroute à péage et en récolter les bénéfices. Cette société de gestion ouvrira son capital au grand public par le biais d’un appel public à l’épargne. Il en sera de même avec la voie de chemin de fer qui va desservir l’Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD). Le Fonsis en assurera la gestion en partenariat avec une société spécialisée dans le transport des voyageurs ; il sera rémunéré à hauteur de la concession que nous apportons et, aussi, en tant qu’actionnaire, selon une répartition du capital de la société de gestion restant à déterminer.

Enfin, en ce qui concerne l’AIBD, le Fonsis sera actionnaire à hauteur de 29 % dans la société de gestion aux côtés de la société AIBD SA, entreprise publique détentrice du patrimoine de ce nouvel aéroport, et de Fraport AG., le partenaire stratégique allemand qui gère 11 aéroports dans le monde. Le Fonsis et AIBD vont signer un pacte d’actionnariat afin que les intérêts du Sénégal soient bien pris en compte sur le long terme. Quant à la société de gestion, elle sera créée très prochainement pour commencer la transition vers le nouvel aéroport qui, je l’espère, sera dans le Top 5 en Afrique, dans les cinq ans à venir.

De quel budget annuel disposez-vous ?

Nous avons actuellement une vingtaine d’employés au Fonsis dont la moitié est spécialisée dans la recherche, l’évaluation, l’exécution et le suivi d’investissements. Nous fonctionnons avec un budget annuel de 6 milliards de F.CFA qui nous permet aussi d’investir aux côtés d’autres actionnaires locaux ou étrangers. En cas d’un besoin urgent de financement, l’État peut toujours nous rétrocéder un prêt semi-concessionnel ou commercial qu’il aurait contracté à notre place ou nous donner une garantie nous permettant de lever rapidement des fonds. Pour chaque projet approuvé, le Fonsis, en plus de ses apports en fonds propres, convainc d’autres actionnaires d’entrer dans le capital et sollicite des prêts auprès des banques commerciales, mais aussi, et surtout, auprès des banques de développement. Le Fonsis s’occupe de cette levée de fonds pour chaque projet, car souvent, leurs promoteurs manquent de « know-how » dans l’ingénierie financière. Notre principale valeur ajoutée, au-delà du capital que nous injectons, c’est notre capacité à structurer le financement, à interagir de manière crédible avec les financiers pour lever les fonds complémentaires requis et le suivi que nous faisons via les conseils d’administration des entreprises qui sont dans notre portefeuille.

Combien de projets allez-vous financer en 2015 ?

Nous avons six projets d’un montant global de 40 milliards de F.CFA qui ont été approuvés depuis le démarrage de nos activités, en janvier 2014. Le Fonsis contribuera à hauteur de 4,4 milliards de F.CFA dans ces projets avec d’autres investisseurs en capital et des prêteurs. Tous ces projets démarreront avant la fi n 2015 et l’un d’eux sera même livré dès le mois d’octobre. Nous avons de nombreux autres projets, mais pour investir dans le capital de ceux-là, il nous faudra attendre la concrétisation des transferts d’actifs promis par l’État. En tant que « bras armé privé » de l’État sénégalais, nous souhaitons devenir une référence pour nombre d’entrepreneurs et d’industriels – sénégalais comme étrangers – concernant le co-investissement afin d’augmenter le volume d’investissements productifs et créer de la croissance et de l’emploi.

Quel est votre plus gros projet déjà approuvé ?

Tous les projets approuvés sont d’une importance capitale pour le pays ! Notre plus « gros » projet est l’installation et l’exploitation d’une centrale solaire de 20 mégawatts dans la région de Thiès (70 km de Dakar), pour un investissement d’environ 30 millions d’euros. Ce projet comprend 25 % de fonds propres et 75 % de dettes. Nous sommes partenaires avec un fonds de private equity européen qui gère près de 3 milliards d’euros et avec un autre partenaire américain, promoteur initial du projet. Le Fonsis doit entrer dans le capital à hauteur de 30 %. Nous sommes, par ailleurs, en train de démarcher des bailleurs internationaux comme la BAD, l’OPIC, la SFI, Proparco, etc., car il s’agit d’un investissement à long terme. Il reste à obtenir un bail emphytéotique pour sécuriser le terrain sur lequel sera érigée la centrale et finir l’étude d’impact environnemental. La mairie de la commune est ravie de cette manne financière, sans parler de la patente et des 60 salariés qui vont y travailler et subvenir aux besoins de leurs familles. Si tout se passe comme prévu, nous devrions avoir fini le tour de table au plus tard en novembre 2015 avant la pose de la première pierre vers la fi n de l’année.

Qu’en est-il des autres projets ?

Nous avons un projet plus petit, mais très porteur, concer-nant la fourniture, la gestion et la maintenance d’équipements médicaux visant à renforcer le plateau des hôpitaux sénégalais. Ceux-ci, en eff et, manquent cruellement d’imagerie médicale. La première pierre a été posée le 23 juin à Mbour. Nous avons constitué une société, Polimed, détenue à 100 % par le Fonsis, pour lancer ce projet d’un coût d’environ 800 millions de F.CFA et qui doit, ensuite, être répliqué dans d’autres hôpitaux. Dans ce but, nous allons constituer, au sein de nos centres logés dans les hôpitaux, des plateformes équipées en matériels d’imagerie médicale. Polimed, appuyée par ses partenaires, assurera la maintenance et l’entretien de tous ces équipements. De quoi ravir le ministère de la Santé qui est très motivé de voir que le parc hospitalier sera rehaussé et disponible. Après l’hôpital de Mbour, qui va servir de projet pilote, nous allons équiper d’autres hôpitaux régionaux. À terme, nous voulons parvenir à créer un champion national qui va exporter son savoir-faire dans toute la sous-région, y compris au Nigeria.

C’est votre seul projet dans le secteur de la santé ?

Non, car nous allons également financer une unité industrielle pharmaceutique pour la fabrication de solutés massifs, un produit stratégique de première nécessité. Or, il y a parfois des ruptures de stocks dans la sous-région, car jusqu’à présent 100 % de ces produits étaient importés. Un entrepreneur sénégalais est venu nous voir avec un projet technique bien fi celé, mais il peinait à fi naliser les fi nancements. Nous avons évalué le projet et avons accepté non seulement d’entrer dans le capital, mais aussi d’organiser la levée de fonds pour un montant global de près de 7 milliards de F.CFA dont 35 % en fonds propres et le reste en dettes. Cette entreprise va générer la création de 80 emplois directs à l’usine, assurer une plus grande sécurité dans les approvisionnements et permettre des entrées de devises grâce aux exportations qui ne vont pas manquer de suivre. Le Fonsis contribue pour 800 millions de F.CFA au capital de la société et six autres actionnaires sénéga-lais dont le promoteur et des bailleurs étrangers complètent le tour de table. Pour ce projet, le Fonsis a sollicité des prêts bancaires notamment auprès d’une banque de développement et d’une banque commerciale qui ont déjà donné leur accord. Ainsi le fi nancement est bouclé et la pose de la première pierre est prévue pour avant septembre 2015.

Et dans les autres secteurs stratégiques pour le Fonsis ?

Nous avons prévu un investissement dans une exploitation agricole pour un coût global de 5 milliards de F.CFA dans la région de Louga. Ce projet porte sur 2 000 hectares de terre arable avec une première phase sur 1 000 ha afi n de produire du maïs, du soja et du sésame biologiques, dont 80 % de la production sera achetée par une fi rme française dans le cadre d’un contrat à long terme. Le Fonsis est, pour le moment, le plus gros actionnaire dans ce projet dont le closing financier sera bouclé d’ici à octobre 2015. Enfin, le Fonsis a décidé d’investir 1 milliard de F.CFA dans Téranga Capital, un sous-fonds pour les PME sénégalaises en partenariat avec I & P (Investissement et Partenaires), le fonds de Jean-Michel Severino, et Orange (Sénégal et France). C’est un projet de 3 milliards de F.CFA qui va démarrer incessamment. I & P apportera son expertise en gestion de fonds dédiés aux PME et une cinquantaine de PME pourront en bénéfi cier. Avec le réinvestissement des dividendes et l’eff et de levier en dette et en co-investissement, ce fonds permettra de mobiliser près de 40 milliards de F.CFA pour des PME sénégalaises sur dix ans.

Quelle est la différence entre le Fonsis, le Fongip et la BNDE en ce qui concerne le financement des PME sénégalaises ?

Elle est simple : le Fonsis prend des parts dans le capital des PME et les aide à se doter en fonds propres, tandis que la BNDE (Banque nationale de développement économique) leur octroie des prêts qui peuvent être garantis ou pas par le Fongip. Peu importe que nous n’ayons que 20 % du capital dans une société, l’essentiel est que grâce à cet investissement, nous ayons un bon retour sur investissement. Notre TRI minimal est de 12 %. Il faut qu’il y ait aussi un fort impact socio-économique. Les profi ts générés nous permettent de réinvestir et, plus tard, de payer des dividendes à l’État et d’épargner pour les générations futures. Nous avons également la possibilité, au bout de quelques années, de revendre nos parts au propriétaire du projet avec, évidement, une plus-value.

Ne craignez-vous pas, néanmoins, d’être acculé financièrement si vous n’arrivez pas, très vite, à des résultats probants ?

Durant notre première année d’existence, nous avons réussi à approuver six projets pour un investissement global de 40 milliards de F.CFA. Récemment, notre conseil d’administra-tion a accepté un investissement additionnel de 2,5 milliards du Fonsis dans un projet touristique balnéaire d’un coût global de plus de 40 milliards de F.CFA financé pour 16 milliards en fonds propres. Ce complexe dont la mise en service est prévue pour le 1er trimestre de 2017, permettra de relancer le secteur touristique sur la Petite Côte. D’autres projets sont à l’étude et nous sommes en train de finaliser la mise en place d’une ligne de fi nancement de 7 milliards de F.CFA pour nos prises de participation. Je suis donc très optimiste, car après cette première année de mise en oeuvre, nous pourrons produire un bilan. Ce qui ne nous empêche pas de travailler, déjà, sur d’autres projets phares notamment dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures. Mais, pour l’instant, la priorité est de parvenir à décaisser, graduellement, les quelque 6,9 milliards de F.CFA d’engagements du Fonsis.

Écrit par
African Business french

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