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Algérie-restructuration : Dette des entreprises

Algérie-restructuration : Dette des entreprises
  • Publiédécembre 15, 2017

La solvabilité financière des entreprises relevant des dispositifs d’aide à l’emploi des jeunes pose question. Pour aider les promoteurs défaillants, le gouvernement a demandé aux établissements publics de rééchelonner leurs dettes.

Alger, Samia Lokmane-Khelil

La formule avait de quoi séduire. À la fin des années 1990, plusieurs milliers de jeunes Algériens, diplômés ou pas, ont découvert l’Ansej, un dispositif de soutien, devenu agence, à la création d’entreprises pour les moins de quarante ans, qui leur permet, grâce à des prêts bancaires bonifiés, de se lancer dans le monde des affaires. Selon les chiffres rendus publics par l’Agence, un peu moins de 400 000 projets, ayant généré 900 000 emplois, ont été créés entre 2010 et 2016.

En apparence, le pari semble avoir été gagné. Dans un pays où le chômage des jeunes est un problème endémique (29 % des 16-24 ans n’ont pas de travail), l’auto-entrepreneuriat soutenu par l’État se révèle une excellente alternative. Cependant, dans la réalité, rien ne s’est passé comme prévu. Le bilan très peu reluisant de l’Ansej transparaît dans le montant des crédits impayés cumulés par les banques publiques : 100 milliards de dinars (750 millions d’euros), selon le Premier ministre, Ahmed Ouyahia.

À l’opposé du gouvernement précèdent qui avait tenté de relativiser à l’extrême l’échec du dispositif, le nouveau Premier ministre a reconnu l’existence de « défail­lances profondes » qu’il faut corriger afin de préserver dans l’absolu, la chance qu’ont les jeunes, de se lancer dans des projets économiques.

Une seconde chance

Pour ne pas pénaliser davantage les opérateurs déjà en activité, le gouvernement a demandé aux établissements financiers publics de suspendre les procédures de saisies entamées auprès des entreprises gravement déficitaires. Il leur demande de rééchelonner leurs dettes, en supprimant notamment les agios. Selon le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, la démarche cible les promoteurs ayant contracté des prêts avant 2010 et qui font face à des difficultés financières.

De son côté, Ahmed Zemali, ministre du Travail, a expliqué que cette mesure d’indul­gence va permettre aux entreprises d’« avoir une seconde chance et de redémarrer leurs activités ».

Avant d’arriver au gouvernement, Ahmed Zemali était le directeur général de l’Ansej, depuis 2011. Durant son mandat, une plus grande vigilance dans la validation des projets de micro et petites entreprises a été appli­quée. L’objectif ne consistait pas seulement à sélectionner les propositions probantes mais à prévenir des détournements de fonds. Pour dissuader de jeunes indélicats de vouloir utiliser l’Ansej pour subtiliser de l’argent à l’État, la direction a brandi le bâton en annonçant la poursuite, au pénal, d’entrepreneurs qui ont utilisé frauduleusement les crédits obtenus auprès des banques.

Quelque 6 000 affaires de ce genre ont été portées devant les tribunaux en 2016. L’été dernier, un scandale a éclaté concernant des bateaux de pêche financés par l’Ansej et qui ont été utilisés par les propriétaires pour le transport d’immigrés clandestins vers l’Europe. Un usage presque similaire a été fait de certains véhicules de transport en commun dans le sud du pays.

Un effort financier intenable

Officiellement, aucun montant n’est dévoilé concernant les crédits qui ont servi à des activités illégales. De façon plus globale, on ne sait pas combien l’État a perdu dans le dispositif Ansej. Au cours d’une réunion interne tenue à la fin de l’été, Bekkaoui Moulay Slimane, chef de la division finan­cière et de comptabilité de l’Ansej a mis l’accent sur l’effort accompli par l’Agence pour récupérer son dû. Il a indiqué à ce propos que le total des recouvrements a augmenté de 23 % en 2017.

De son côté, Mourad Zemali a affirmé que l’État a récupéré 25 milliards de dinars (188 millions d’euros), soit une modique somme compte tenu de l’ampleur des créances encore détenues par les banques. Depuis sa création, l’Ansej a mobilisé 356 milliards de dinars (2,67 milliards d’euros) pour financer les projets de ses souscripteurs. Un effort financier astronomique que l’État ne peut plus consentir aujourd’hui.

Le Premier ministre a d’ailleurs pris la décision de redimensionner les projets Ansej en revoyant drastiquement à la baisse le nombre des validations. Dans le plan d’action du gouvernement qu’il a présenté début septembre, Ahmed Ouyahia a indiqué que l’État va financer 23 000 projets pour l’exer­cice 2017-2018. Ce chiffre est très en deçà des quotas précédents. En 2012, l’Ansej avait agréé 60 000 dossiers. De plus, les autorités ont demandé à l’Agence de geler les activités non rentables. Une soixantaine a déjà été suspendue en 2016.

Pour l’économiste Abderahmane Mebtoul, il est urgent de revoir la politique de soutien à l’emploi des jeunes. Alors que le Premier ministre juge « nécessaire de consolider le rendement » du dispositif, il considère pour sa part qu’il faut mieux cibler les candidats : « Il convient de se demander si les jeunes promo­teurs agréés par l’ANDI, l’Ansej et d’autres organismes chargés de la promotion de l’emploi, ont la qualification et surtout l’expérience nécessaire pour manager les projets et diriger des entreprises dans un cadre concurrentiel afin d’avoir des prix et des coûts compétitifs».

De leur côté, les jeunes entrepreneurs imputent leurs difficultés à un environnement économique hostile en Algérie. Beaucoup réclament l’effacement total de leurs dettes, afin de relancer leurs activités. Si une telle mesure d’amnistie est prise, les banques, déjà en manque de liquidités, risquent de souffrir davantage. 

Écrit par
Samia

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