Algérie Les start-up font entendre leur voix
Des acteurs de l’écosystème algérien se distinguent sur la scène internationale, laissant paraître une dynamique entrepreneuriale encourageante. Néanmoins, des blocages persistent dans le développement des nouvelles technologies.
Alger, Samia Lokmane-Khelil
Officiellement, l’Algérie semble vouloir rattraper très vite son retard en matière d’innovation technologique et de transition économique. Face à un classement international plutôt décevant, plusieurs initiatives ont été lancées afin de promouvoir l’univers des start-up et les incubateurs de talents.
En effet, l’Algérie s’est placée, en 2017, à la 108e position (sur 127) de l’Indice global d’innovation (Global Innovation Index), un classement mondial des pays selon leurs capacités et résultats d’innovation économique, publié chaque année par l’université américaine Cornell, l’Institut européen d’administration des affaires (Insead) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (WIPO), organisme onusien.
Le pays veut gagner en visibilité sur l’échelle continentale et internationale en s’engageant davantage en faveur de la transformation économique et numérique. D’ailleurs, le Forum des chefs d’entreprise, le patronat algérien, vient d’annoncer la tenue à la fin 2018, à Alger, d’un sommet international de l’économie de demain.
« Ce sommet organisé autour de la problématique de l’après-pétrole, engagera et nourrira la réflexion sur l’économie du futur, impliquant aussi bien les politiques publiques que les dynamiques et les stratégies des entreprises privées », indique le FCE, qui précise que cette rencontre confortera la position de l’Algérie, quatrième économie d’Afrique, en tant que hub continental et méditerranéen d’échanges économiques.
En Afrique particulièrement, l’Algérie entend endosser le rôle de moteur. Au printemps, l’État a apporté son soutien à l’incubateur panafricain IncubeMe ; ce projet a pour objectif de déployer un écosystème protecteur et promoteur de start-up en Algérie et dans d’autres pays d’Afrique.
L’initiative a été élaborée par de jeunes prodiges du monde numérique. Kamel Oumnia, qui dirige l’agence de communication Epsilon, en fait partie. Avec IncubeMe, l’entrepreneur entend impulser une nouvelle dynamique. « Il s’agit de sélectionner les bonnes idées et d’aider à les réaliser », explique-t-il, regrettant que beaucoup de potentialités soient encore inexploitées.
Au total, 18 000 jeunes pousses avaient été recensées en Algérie en 2016. Ce chiffre représente un très faible niveau par rapport à d’autres pays comme le Maroc et la Tunisie qui ont su investir très vite et avec beaucoup de réussite dans le monde de l’innovation technologique. « Nous aspirons à développer des start-up à l’international et dérouler, pourquoi pas, la trame pour de grandes success stories », ambitionne Kamel Oumnia.
Un impact sur l’économie réelle
Un de ses proches, Karim Oumnia, ancien élève de l’École polytechnique d’Alger, s’est rendu célèbre en France pour avoir créé des chaussures connectées. Un autre Algérien de 28 ans, Abdellah Malek, vient d’être désigné par le magazine américain Forbes parmi les jeunes entrepreneurs africains les plus prometteurs.
Diplômé de l’université des Sciences et des technologies d’Alger, Malek dirige Sylabs, une microentreprise créée en 2015 et spécialisée dans l’accompagnement de start-up. Il est aussi depuis peu un des membres de la direction de Jil FCE, la section jeunesse du patronat.
Ces toutes dernières années, l’entrepreneur s’est surtout illustré en valorisant, en partenariat avec les autorités de la capitale algérienne, des rencontres de coworking en faveur des porteurs de projets digitaux. Sylabs a également participé à l’organisation du sommet mondial des Smart Cities qui vient d’avoir lieu à Alger et d’une conférence internationale sur les start-up en avril.
Plus de 1 400 acteurs de l’écosystème ont pris part à ce rendez-vous. « Les start-up peuvent avoir un impact sensible sur le développement de l’économie nationale », souligne Abdellah Malek, pour qui il est important de se frotter à l’environnement international, afin de gagner en expérience et en performance.
À la fin du mois de mai, une dizaine de start-up innovantes, opérant dans des domaines divers comme la gestion de données, l’e-santé, le transport, l’e-commerce et l’agriculture, ont pris part au salon international VivaTech de Paris. Les jeunes entreprises ont été sélectionnées par le Cluster Digital Algérien (CDA), une organisation créée il y a trois ans afin de développer l’économie numérique en Algérie.
Des entraves à faire disparaître
Son président, Ahmed Mehdi Omarouayache, plaide en faveur d’une meilleure exploitation des ressources et du capital humain existants : « Notre pays forme des ingénieurs et des techniciens qui ne sont pas rentabilisés, on trouve dans notre diaspora des sommités qui pourraient jouer un grand rôle dans l’arrimage du pays aux standards mondiaux. L’État devra donner l’exemple en utilisant massivement le digital pour faciliter la vie du citoyen, ce qui instaurera cette confiance numérique indispensable à la démocratisation de cet usage chez la population».
Plus directs, d’autres acteurs de l’écosystème algérien demandent à l’État de fournir davantage d’efforts pour soutenir le développement des jeunes pousses. Mehdi Bouzid, cofondateur du célèbre site ouedkniss.com de petites annonces, continue de dénoncer les contraintes auxquelles les jeunes entrepreneurs font face. Beaucoup ne sont pas pris au sérieux et sont privés d’accompagnement financier. Certains reprochent à la ministre des TIC, Imene Houda Feraoun, de bloquer les initiatives, par des tergiversations concernant l’autorisation de l’e-commerce et du paiement en ligne.
En dépit de toutes ces entraves, des start-up algériennes font parler d’elles ! Telle Safe Sahara, une entreprise dirigée par des jeunes femmes, qui a conçu un bracelet connecté de géolocalisation des animaux dans des zones non ou mal desservies par les réseaux, notamment dans le Sahara. Son projet vient de lui valoir le prix de Global Start-up week-end Women, une initiative lancée en soutien à l’entrepreneuriat féminin dans le monde.