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Aissata Koné Sidibé, une pionnière

  • Publiéoctobre 12, 2015

La directrice générale de Coris Bank-Mali a ouvert, en 2014, la première filiale du groupe bancaire burkinabè à Bamako. Sans l’avoir prémédité, Aissata Koné Sidibé a donné à sa carrière une spécificité : l’ouverture de nouveaux établissements. Une pionnière.

Entre le Centre international de conférence de Bamako et les bureaux de l’Union européenne, le siège de Coris Bank-Mali donne sur le fleuve Niger. À un mois près, Aissata Sidibé aurait pu y fêter le même jour ses 42 ans, en juillet 2015, et la première année de sa nomination au poste de directrice générale, en juin. Un calcul inutile en termes d’analyse financière, et qu’elle jugerait donc probablement sans intérêt. La directrice générale aime l’efficacité. Petite, Aissata voulait être pharmacienne. Mais si certaines erreurs d’appréciation provoquent des désastres boursiers, d’autres engendrent des carrières fulgurantes. « Mon père est économiste, explique Aissata Sidibé. Il a toujours été un modèle pour moi, et cela a influencé mon choix d’aller vers ce secteur. » Aissata Sidibé obtient son bac en 1991, l’année du coup d’État qui met un terme à la dictature militaire de Moussa Traoré. L’événement suscite d’immenses changements au Mali, et incite la jeune bachelière à poursuivre ses études à l’étranger. Elle prend alors la direction de Paris et s’inscrit en Administration économique et sociale. Aissata Sidibé y découvre son goût pour la finance et « la capacité d’analyser les chiffres d’une entreprise, pouvoir l’aider, la financer, lui permettre de prospérer. » Une fois sa maîtrise en poche, Aissata poursuit sa formation aux États-Unis avec un MBA (Master of Business Administration) dans l’État de New York : « C’était toujours dans la lignée de la banque-finance, et les formations que j’ai trouvées aux États-Unis me convenaient mieux que celles qui existaient en France. » Un choix purement stratégique qui s’avère correspondre à ses affinités : « Aux États-Unis, on peut s’intégrer plus facilement qu’en France. Et lorsque vous brillez dans vos études, vous bénéficiez automatiquement d’une bourse. » C’est cette efficacité qu’apprécie Aissata, et c’est cette efficacité qui caractérise, pour elle, son expérience américaine : « C’est un pays plus pragmatique, où on vous forme déjà pour travailler. » En cours, elle apprend à parler en public, à former des projets, à travailler en équipe. Concret, pratique. Efficace. « Deux mois avant la remise du diplôme, les entre- prises viennent sur le campus pour vous recruter. À l’époque, c’était très facile de rester travailler aux États-Unis ! »

Malian dream

Mais Aissata Sidibé fait un tout autre choix. Après un premier job au sein d’une compagnie américaine de télécommunications, la jeune analyste financière prend le chemin du retour. « Je ne voulais pas émigrer. Je voulais travailler dans mon pays. J’avais plus à apporter au Mali qu’aux États-Unis, où il y a des milliers de personnes comme moi ! Et puis mes parents étaient là, j’ai toujours vécu avec eux. » Surtout, le rêve américain est celui de pèlerins débarquant sur une terre où tout est possible pour qui s’en donne les moyens. Pour Aissata, cette terre ne se trouve plus de l’autre côté de l’Atlantique mais bien chez elle, au Mali : « À l’époque, il y avait de nouvelles sociétés qui s’installaient, de nouvelles banques qui s’ouvraient, il y avait des choses à construire. » C’est la fin des années 1990, et deux banques ouvrent leurs portes à Bamako. «J’ai intégré Ecobank neuf mois après l’ouverture, » se souvient celle qui avait eu le luxe de choisir entre plusieurs propositions. « Cette fois, c’était financier, confi e-t-elle dans un sincère éclat de rire, j’ai choisi le poste où je gagnais le plus ! » Aissata Sidibé passera 15 années au sein de cet établissement, dont elle gravit progressivement les échelons. Mais, à son arrivée, elle est encore une junior, qui doit parfaire sa formation au département des opérations. « C’est le coeur de la banque, où l’on apprend vraiment le métier. » Deux années à peaufiner les fondements du back-office, puis c’est le département de la clientèle institutionnelle, où elle devient adjointe au chef. « Mon expérience des opérations me permettait de mieux vendre la banque parce que j’en maîtrisais tous les produits. » Une position à laquelle sa formation ne la prédestinait pas vraiment mais, comme d’habitude, Aissata y trouve son compte. Elle y voit un défi, une occasion de se rendre indispensable : « Pour qu’une banque puisse mieux se porter, il faut chercher de nouveaux clients. C’était un challenge, celui d’apporter de nouvelles transactions, de nouveaux business. Aux opérations, j’étais exécutante. Là, je sentais ma contribution à la croissance de la banque. »

La banquière, le journaliste et le psychologue

Pour son dernier poste à Ecobank, en 2010, Aissata Sidibé prend la direction du département banque domestique. « J’étais en charge de toutes les agences de la banque, je m’occupais de toutes les entreprises locales qui étaient clientes chez nous, mais aussi des particuliers et du secteur public. » Le département rassemble, selon ses estimations, 40 % des effectifs de la banque et 80 % de ses clients. « C’était une autre manière de mesurer l’apport et la valeur ajoutée que j’apportais à la banque. » Certains aspects de son travail lui auraient-ils moins plu ? « Cela, je ne m’en souviens pas. » Un journaliste pourrait la soupçonner de ne pas vouloir déballer le linge sale. Un psychologue appellerait cela du déni. Aissata, elle, a une autre explication : « On n’a pas le temps ! Les journées sont tellement chargées, il y a beaucoup de travail ! Il m’a toujours passionnée. » Le psychologue apprécierait quand même cet ultime aveu : « C’était aussi beaucoup de sacrifices personnels. Lorsqu’on est femme, épouse, mère de trois enfants et qu’on décide de faire carrière, il y a beaucoup de sacrifices à faire ! J’ai de longues journées, donc je ne vois mes enfants que le week-end. Il faut aussi avoir un époux qui, quand je rentre tard, que je suis stressée, comprenne mon goût pour la carrière et me soutienne ! » Mais l’époux soutient Aissata, laquelle ne regrette rien. Tant pis pour le psychologue. Quoique : Monsieur Sidibé, directeur régional d’une ONG humanitaire, est basé en Côte d’ivoire : « Il vient à Bamako deux semaines dans le mois. » Son mari n’aura pas eu qu’un simple rôle de soutien dans la vie professionnelle de Madame Sidibé. Il y a dix ans, son ONG l’envoie en Sierra Leone. Aissata Sidibé demande à le suivre. Heureux hasard, Ecobank ouvre justement sa fi liale dans le pays. Un an plus tard, Aissata Sidibé prend donc la direction des crédits et de la gestion des risques de la nouvelle filiale de Ecobank à Freetown. Une promotion, un nouveau pays et de nouveaux défi s : six années après avoir participé aux débuts de Ecobank au Mali, c’est le deuxième lancement pour Aissata Sidibé. « Il fallait bâtir une nouvelle banque qui partait de zéro, constituer un portefeuille de clients et surtout former les nouvelles recrues, leur donner la culture du crédit », se souvient-elle avec enthousiasme mais sans nostalgie : « Démarrer une banque dans un nouveau pays était difficile, mais on a réussi. » Sur ces difficultés, on n’en saura pas davantage : « N’étant plus dans cette institution, je ne rentrerai pas dans les détails… mais il y en a eu beaucoup».

« Un choix difficile »

Pas de quoi décourager cette pionnière du nouvel établissement bancaire. En juin dernier, Aissata Sidibé est débauchée par le groupe burkinabè Coris Bank, qui ouvre sa filiale malienne. « J’ai réfléchi pendant plusieurs mois. Après 15 années dans une même institution, on se sent comme dans une famille. Quitter Ecobank a été un choix très difficile. Mais dès que ma décision a été prise, je suis allée de l’avant. » Si elle prétend n’avoir aucune maxime, cette dernière phrase pourrait pourtant être la sienne. « On se fi xe des objectifs dans la vie. Moi, je voulais prendre la tête d’une institution bancaire. Coris Bank m’a donné cette opportunité, j’ai décidé de la saisir. » Des idées claires et de la détermination, autant de qualités non négligeables au moment d’ouvrir un nouvel établissement : « C’est quelque chose que j’avais déjà fait deux fois de suite à Ecobank, donc je n’ai pas eu peur de la tâche. » Pourtant, les défi s ne manquent pas : mettre en place à partir de rien les procédures de la banque, monter de toutes pièces un portefeuille de clients… d’autant plus difficiles à convaincre que le nouvel établissement ne dispose pas encore d’une gamme de produits bancaires aussi complète que ses concurrents. Si le transfert représente une bonne opération financière personnelle pour la promue directrice générale, il ressemble aussi à un pari risqué. « Je n’ai pas eu ce sentiment, tranche Aissata Sidibé, c’est une banque qui a déjà fait ses preuves au Burkina Faso, qui commence à faire ses preuves en Côte d’Ivoire, et mes échanges avec les dirigeants m’ont tout de suite donné confiance. » Sans surprise, Aissata Sidibé assure ne pas regretter son choix et être déjà satisfaite des performances réalisées. Espérons pour Coris que les défis ne se tariront pas pour autant, sans quoi Aissata Sidibé risquerait de vouloir encore ouvrir une nouvelle banque. La sienne? 

Écrit par
African Banker

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