Afrique de l’Ouest : Un littoral en danger
Menaces anthropiques ou péril naturel, le littoral ouest-africain est confronté à un risque majeur amplifié par le changement climatique. Un enjeu stratégique pour s’engager sur la voie d’une économie bleue durable.
Par Djamila Colleu
Tempêtes, submersion marine, érosion côtière, pollution des océans : ces phénomènes alarmants menacent les 10 000 kilomètres du littoral ouest- africain. « Ces zones côtières, où vivent 31 % de la population régionale, sont cruciales, car elles contribuent à 56 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest», selon la Banque mondiale.
Le changement climatique devrait encore aggraver ces phénomènes. Et les scénarios pessimistes prévoient des conséquences dramatiques pour des villes comme Nouakchott, créée de facto en 1958, et située en dessous du niveau de la mer, ou Saint-Louis du Sénégal, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, où l’érosion conjuguée au percement d’une brèche dans la langue de Barbarie en 2003 constitue un péril quotidien pour les pêcheurs et les populations.
Sont tout aussi menacées, la cité historique de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, ou la ville de Lomé. Dont le coût de la dégradation côtière et le déclin des opportunités économiques qui en résulte, représentaient environ 3% du PIB du Togo en 2013, selon la Banque mondiale.
Pour Charlotte Karibuhoye, directrice du programme Afrique de l’Ouest à la Fondation MAVA, une organisation dédiée à la sauvegarde de la biodiversité, « le littoral souffre de son importance stratégique, car la majorité de la population qui y réside dépend de ces ressources naturelles pour sa survie et sa subsistance. S’y ajoute l’explosion démographique source d’une pression croissante. La prise en compte des préoccupations environnementales se heurte souvent à la recherche de développement. Il faut donc trouver un équilibre».
Face à ces risques, Marie-Suzanne Traoré, secrétaire général du Réseau régional des aires marines protégées en Afrique de l’Ouest (Rampao), estime que « le seul impératif est de développer des aires marines où capital biologique, biodiversité et écosystème seront préservés avec l’implication des communautés.
Malheureusement, la majorité des 33 aires marines protégées de la Mauritanie à la Sierra Leone, se heurtent à des difficultés de gestion liées à des problèmes de financement. Notre organisation soutient le fonctionnement dynamique des processus écologiques indispensables à la régénération des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité. C’est un enjeu de cohérence, car nos ressources halieutiques ne connaissent pas de frontières ».
Des actions génératrices de revenus
OEuvrant à la restauration de milliers d’hectares de mangroves dans le monde, Wetlands International est une ONG présente en Afrique de l’Ouest depuis 1998. « Entre 20 % et 30 % de cet écosystème, rempart contre l’érosion et reconnu comme un efficace puits de carbone, ont disparu en Afrique de l’Ouest et du Centre. Les zones humides côtières sont très importantes pour les êtres humains, car elles fournissent l’eau », précise Ibrahima Thiam, directeur régional pour l’Afrique.
«C’est un réservoir immense de biodiversité animal et végétal dont les communautés dépendent. Mais on assiste à une forte dégradation depuis une quinzaine d’années, essentiellement liée à des facteurs humains : coupe pour le bois de chauffe, récolte d’huîtres ou aménagement d’infrastructures.
Nous soutenons des projets de reproduction de mangroves afin que les populations l’utilisent sans compromettre leur survie pour le futur. C’est le sens du programme de développement de l’ostréiculture dans le delta du Sine Saloum au Sénégal qui vulgarise la valeur économique de la protection des mangroves. Ce sont des actions génératrices de revenus que soutiennent les populations».
Dans un rapport publié en 2014, la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral au Sénégal avait dénoncé « la privatisation abusive du domaine public maritime à des fins mercantiles et spéculatives » à Dakar.
Des abus responsables, entre autres, d’une aggravation de l’érosion côtière. Une anarchie urbaine de plus en plus visible sur la presqu’île du Cap-Vert où l’appropriation de l’espace littoral obstrue la vue sur mer. Un aménagement urbain équilibré voudrait que les habitations, hôtels de luxe, villas cossues ou centre commercial et cinéma du Sea Plaza s’installent de l’autre côté de la corniche.
Mais la frénésie immobilière a eu raison du littoral. Jusqu’au mur de trop avec le projet de construction de l’ambassade de Turquie en 2014. La mobilisation associative relayée par les réseaux sociaux a poussé l’État à proposer un autre espace.
Plus récemment, la construction d’une usine de dessalement de l’eau de mer au pied du phare des Mamelles, patrimoine dakarois, suscite une polémique quant au risque écologique. Des projets qui continuent à bétonner le littoral en violation de la loi de 1976 sur le domaine public maritime dont l’application semble limitée.