Africa50, la vocation d’un fonds

À l’initiative de la BAD, la nouvelle plateforme d’investissement Africa50 ambitionne de relever le défi du développement des infrastructures sur le continent. Un enjeu qui rassemble plus d’une vingtaine de pays actionnaires qui ont souscrit 830 millions $ lors du premier tour de table.
Incarner un changement de paradigme, tel est l’enjeu du fonds Africa50 qui, par le biais de son initiateur la BAD (Banque africaine de développement), a répondu présent en 2012 à l’appel Nepad pour déployer des solutions innovantes en Afrique. Lancé officiellement le 29 juillet 2015 à Casablanca, lors d’une assemblée constitutive, Africa50 ambitionne de contribuer rapidement à combler le retard en infrastructures du continent. Il s’agit à travers ce chantier non seulement de créer des conditions structurelles pour le développement, notamment accroître de 1 point à 1,5 point le taux de croissance de l’Afrique pour passer de 6 % à 8 %, mais également de donner des emplois, notamment aux jeunes.
Une nouvelle levée de fonds pour attirer les investisseurs non souverains en Afrique et hors Afrique, se déroulera avant la fin de l’année, avec pour enjeu d’atteindre 1 milliard $.
Car les besoins en infrastructures sur le continent ne cesseront de croître dans un contexte démographique tendu : en 2014, la population africaine est passée de 1,083 milliard à 1,125 milliard d’habitants, soit une augmentation de 3,6 % en un an. Selon la Banque mondiale, les besoins annuels d’investissements en infrastructures avoisinent 100 milliards $, soit 18 % du PIB africain. Pour l’heure, les investissements réalisés s’élèvent à 50 milliards $ par an, dont la moitié est financée par le secteur public. Face à une rareté de capitaux qui ne permet pas de pallier l’insuffisance du défi cit budgétaire, les États choisissent de recourir au mécanisme de partenariats public-privé. Pour Alassane Bâ, directeur général par intérim du fonds Africa50, ce dernier consti-tue « une véritable innovation ».
Il présente Africa50 comme étant davantage « une banque d’investissement dont le rôle est central compte tenu de sa spécificité ». Tout d’abord, par son domaine d’intervention : « Africa50 finance uniquement les transports, l’énergie, l’eau, et les télécommunications. » Ensuite, par sa gouvernance, « calquée sur le modèle du secteur privé où le business model est fondé sur la célérité. Les projets que nous accompagnerons devront être rentables avec un maximum d’investissement sur le plan économique et social. Face au constat d’un grand déficit dans la préparation des projets, notre objectif est d’accélérer le développement des projets et de passer d’un horizon de sept à trois ans. C’est une institution dont la base est purement commerciale, à la fois rentable et distribuant des dividendes ». Le rendement pourrait atteindre 8%, prévoit le business plan.
Accompagner les projets
Africa50 se veut l’un des pionniers pour un business plan intégré du début à la fin, ce qui lui a valu le concept de « one stop shop », une forme de guichet unique pour projets clés en main. Société financière à statut spécifique, rassemblant public et privé, elle est dotée de deux principales structures d’exploitation, une société de développement de projets et une autre de financement de projets. Cette initiative africaine entend respecter les standards « les plus exigeants » en matière de gouvernance d’entreprise ainsi que de responsabilité éthique, financière, environnementale et sociale. Africa50 se présente avec deux fenêtres. La première, qui représente environ 90 % du fonds, concerne le financement de projets intégrant tous les besoins que ceux-ci peuvent rencontrer en termes de fonds propres, garantie, emprunts, soutien au crédit et atténuations de risque auprès des bailleurs de fonds. La seconde fenêtre, dont le montant réservé est plus modique, environ 10 % du fonds, a pour objectif d’accélérer la maturation des projets et leur bancabilité. Axée sur la phase d’amorçage, elle déploiera un processus d’accompagnement avec la mise à disposition d’experts dans les domaines juridiques, techniques, financiers. Après la définition du business plan, l’enjeu est de réunir le maximum de gage d’investissement pour parvenir à concrétiser les projets après trois ou quatre ans. C’est par le biais d’un accompagnement réussi que la durée du projet sera réduite.
Seconde ouverture d’ici à la fin de l’année
Basé à Casablanca Finance City, ce nouveau véhicule financier est parvenu à mobiliser 830 millions $. Parmi les 20 pays membres fondateurs, au top des souscripteurs, l’on retrouve le Congo pour 200 millions $, l’Égypte, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Le Maroc est en première ligne avec 100 millions $ de souscriptions, dont 25 millions ont déjà été débloqués. Au-delà de cet accord de siège classique, les liens ne sont pas plus étroits qu’avec d’autres pays, fait néanmoins observer Alassane Bâ. Les 3 milliards $ annoncés lors du lancement ne seront atteints que progressivement. Une nouvelle levée de fonds pour attirer les investisseurs non souverains en Afrique et hors Afrique, se déroulera avant la fin de l’année, avec pour enjeu d’atteindre 1 milliard $.
Le processus de capitalisation intègre trois types d’investisseurs. La classe A qui correspond à la souscription promise par les gouvernements, actuellement 830 millions $, rassemble les États ; la classe B les institutions financières africaines et non africaines, les fonds souverains ; et la classe C le secteur privé. Si la classe A est déjà lancée, la classe B démarre avec le fonds Africare, des Banques centrales que le fonds souhaite attirer, des fonds de pension. Le secteur privé sera la dernière étape.
Pour l’heure, 50 millions ont été débloqués, ce qui permet de lancer l’opérationnalisation du fonds avec le recrutement du personnel, l’étude de projets.
Le conseil d’administration est fonctionnel. Les recrutements se poursuivent, « nous commencerons par une centaine de personnes en fonction des projets», précise Alassane Bâ. Le business plan identifie des projets dans le secteur de l’énergie, des transports, des infrastructures, de l’assainissement, qui à la fois obéissent aux critères de nécessité et de viabilité financière et économique, mais également de rentabilité.