Accompagner les investisseurs
À la tête de la filiale ivoirienne d’Attijariwafa bank, Daouda Coulibaly explique la politique d’appui de sa banque aux investisseurs.
Daouda Coulibaly, Directeur général de la Société ivoirienne de banque (SIB)
Quels sont les gros investissements envisagés par la maison mère de la SIB ?
Rappelez-vous qu’en 2014 à l’occasion du Forum ivoiro-marocain, nous avons eu l’honneur d’accueillir dans la délégation de sa Majesté Mohamed VI, notre PDG, Mohamed El-Kettani. Il est venu engager une dynamique forte en termes d’investissements. Notre groupe a décidé d’accompagner l’État ivoirien dans ses besoins de financement en levant sur le marché une enveloppe globale de 120 milliards de F.CFA. En moins de deux semaines, nous avons pu mobiliser 100 milliards sur les 120 milliards mis à la disposition du Trésor ivoirien. Parallèlement, le ministre de l’Économie et des finances et le président Kettani ont signé un accord-cadre. D’autres aspects suivront, portant notamment sur l’accompagnement apporté à l’État aux partenariats public-privé. Cent milliards ont été déjà décaissés et 20 milliards seront disponibles en fonction des besoins futurs du pays. Je rappelle que pour le budget de l’État, le Trésor public devait lever sur les marchés un peu plus de 800 milliards de F.CFA.
Lors du Forum Investir en Côte d’Ivoire du printemps dernier, les Marocains ont brillé par leurs intentions d’investissement privé. Où se situe la SIB ?
Nous comptons accompagner les investisseurs dans tous les domaines. À partir du moment où ils ont un projet structuré, viable, nous pouvons financer sans problème majeur. Nous avons l’avantage d’être la première banque au Maroc. Beaucoup d’hommes d’aff aires marocains sont venus dans le cadre du Forum Investir ou le forum ivoiro-marocain, ils sont clients de la maison mère ; naturellement nous les accompanons dans leur développement. Bien sûr, nous ne restons pas focalisés sur les seuls investisseurs marocains, nous accueillons l’ensemble des entrepreneurs qui viennent en Côte d’Ivoire et nous analysons dans quelle mesure nous pouvons les accompagner. À l’occasion du Forum et dans une dynamique d’accompagner les PME, nous avons signé une convention de partage de risques avec la SFI (groupe Banque mondiale) pour un montant de 40 millions $. Ce qui nous donne la possibilité d’octroyer le double en crédit aux PME, car le montant est garanti à 50 % par la SFI. L’économie d’un pays repose principalement sur les PME. Elles sont les premières pourvoyeuses d’emplois et contributeurs à la richesse nationale.
Nous prêtons à tout le monde. Nous sommes une banque universelle. Nous nous adressons à tous les segments clientèles qu’on appelle chez nous les PAC, c’est-à-dire les professionnels, les artisans, les commerçants et les particuliers.
Un pan important de l’économie est aux mains d’investisseurs étrangers, et certains Ivoiriens réclament davantage de patriotisme économique. Comprenez-vous cela ?
C’est un faux débat. Le groupe Attijari a signé le protocole d’accord avec le Crédit Agricole pour reprendre ses parts en Côte d’Ivoire en 2008 ; le pays était en pleine crise ! L’investissement a été décidé dans une période difficile. Si le groupe ne croyait pas en la Côte d’Ivoire, il n’y aurait pas investi à ce moment-là ; aujourd’hui, beaucoup d’investisseurs viennent dans le pays, fort bien ! Les hommes qui arrivent, ici, créent des emplois pour les Ivoiriens, ils paient des taxes, créent de la richesse, ils contribuent au PIB.
L’économie n’est pas en train de nous échapper. Rien n’empêche les Ivoiriens de monter des projets et de les présenter aux banques pour des financements. De plus, les conditions sont favorables pour faire des affaires en Côte d’Ivoire. Regardez les pays moins développés, ils sont aussi les plus fermés ! Bien sûr, il faut normer et canaliser l’espace économique, mais l’apport de l’extérieur demeure primordial, et il est toujours un avantage qu’un désavantage. Tous les pays qui se développent aujourd’hui accueillent un montant élevé d’investissements étrangers.
Pourtant, les entrepreneurs ivoiriens se plaignent des banques qui refusent d’accorder des lignes de crédits…
Pour répondre à cela, le ministre de l’Artisanat, du commerce et des PME, a lancé un projet qui s’appelle Phoenix. Il vise à créer une pépinière de PME en multipliant par trois ou quatre le nombre d’entreprises viables à l’horizon 2020. C’est une initiative à saluer. Plus nous accordons de crédits, plus nous engrangeons de résultats. Si nous refusons parfois de financer un projet, c’est parce que le dossier qui nous est présenté n’est pas fiable et ne nous permet pas de consentir le financement qu’il faudrait. Nous sommes convaincus que les PME sont la base de l’économie d’un pays. Elles sont les grandes entreprises de demain et constituent donc des relais de croissance pour les banques. Nous devons gérer les ressources qui nous sont confiées et quand un projet est fiable, nous n’hésitons pas à le financer. Notre rôle est simple : collecter des ressources auprès de certains Ivoiriens et les placer auprès d’autres. C’est pourquoi nous avons un devoir de transparence et de bonne gouvernance. L’accord signé avec la SFI est une soupape de sécurité qui nous permet de financer davantage les PME. Il ne faut pas voir la question du crédit seulement sous l’angle des banques qui ont, bien sûr, leur rôle à jouer. Cette problématique doit être vue de façon globale. L’État a un rôle à jouer, en constituant un fonds de garantie, par exemple, comme cela se pratique dans certains pays, mais aussi par des mesures d’accompagnement, des maisons de l’entreprise…