Abderrezak Trabelsi et les banques

Abderrezak Trabelsi est à l’origine du leasing en Algérie. Après avoir préparé les banques à l’arrivée de la monétique, il travaille aujourd’hui à la formation d’analystes financiers.
En public, son discours ressemble à ceux des cadres du gouvernement : « Le système financier algérien est solide » ; «l’Algérie est l’un des rares pays où les crédits ont connu une croissance à deux chiffres » ; « Le secteur bancaire s’est assaini ». Il ne faut pas s’y méprendre. Abderrezak Trabelsi, délégué général de l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers (ABEF) depuis février 2012, n’a rien d’un apparatchik déguisé en technocrate à la langue de bois.
« J’ai toujours habité dans des écoles, je voulais faire ce métier et j’avais même une aversion pour tout ce qui touchait à l’administration. », dixit Abderrezak Trabelsi
L’héritage d’une culture publique et les exigences du secteur privé dans lequel il a longtemps évolué, lui ont appris à concilier bien des paradoxes. « J’ai poursuivi mes études à l’Institut national de planification et de la statistique (INPS), qui, dans les années 1970, était gérée par la Caisse de coopération française. L’école était étiquetée “ gauchisante ” et nous avions comme professeurs Christian Palloix ou Samir Amin, des enseignants très marqués politiquement ! », se souvient-il.
Abderrezak Trabelsi se destinait alors à l’enseignement, dans les traces de son père, enseignant de français depuis 1948, de son grand-père maternel et de quelques-uns de ses oncles. « J’ai toujours habité dans des écoles, je voulais faire ce métier et j’avais même une aversion pour tout ce qui touchait à l’administration. »
Dès 1978, année qui marque sa rupture avec la Caisse de coopération française, le jeune Sétifien commence à enseigner. D’abord à l’INPS – « C’était un véritable challenge, car nous devions assurer l’année universitaire » – puis à l’ENA, à Sciences Po et à l’Institut des sciences économiques. « Treize ans pendant lesquels j’ai exercé un métier qui me passionnait. » Jusqu’à ce que les remous politiques de l’Algérie décident, en partie, d’une autre voie.
Avril 1990. Une loi révolutionnaire sur la monnaie et le crédit, mise au point par les réformistes du gouvernement Hamrouche, est promulguée. Elle consacre l’autonomie de la Banque centrale vis-à-vis de l’exécutif, limite par des textes l’endettement du Trésor et prévoit la création d’un Conseil de la monnaie et du crédit.
À l’époque, Abderrezak Trabelsi collabore avec le Centre national d’études et d’analyses pour la population et le développement. L’ingénieur statisticien fréquente Mohamed Laksaci et Abderrahmane Hadj Nacer, respectivement actuel et ancien gouverneurs de la Banque centrale, une institution qu’il ne tarde pas à rejoindre.
« L’administration, c’était vraiment tout ce que je détestais ! insiste-t-il. Mais il faut bien imaginer combien cette période était intense en réformes politiques, économiques, institutionnelles. La Banque centrale était en passe de bousculer les choses ! Et puis l’Algérie traversait une phase difficile. En 1991, nous n’avions quasiment pas de réserves de change, nous étions même déjà virtuellement en cessation de paiement. Nous devions absolument montrer ce que nous avions dans le ventre. »
C’est là qu’Abderrezak Trabelsi étudie de près la santé financière du système bancaire. « Nous avons posé les premiers jalons pour l’utilisation de la carte bancaire : il fallait amener les gens à utiliser moins de cash et faire en sorte que l’argent reste dans les banques ».
Il rend un rapport pour un projet de bancarisation et de collecte des ressources. «L’ensemble des crédits à l’économie étaient attribués par la Banque d’Algérie. Il fallait absolument engager des actions pour permettre aux banques d’être plus agressives ».
En juin 2014, l’ABEF propose au ministère des Finances d’installer un Groupement d’intérêt économique de la monétique, fédérant toutes les banques. Sa vocation : réguler la stratégie de la monétique dans le pays
Le chemin emprunté l’amène à la direction de la Satim, la société d’automatisation des transactions interbancaires et de monétique, créée en 1995. Composée de huit banques algériennes à l’origine, elle en regroupe désormais 16, sept publiques et neuf privées, avec Algérie Poste. « Je me suis retrouvé à la tête d’un projet qu’il fallait monter de toutes pièces, alors que dans les banques, on n’était pas capable de gérer ces ressources ! »