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Transport

Togo : Le transport urbain à la peine

  • Publiéavril 4, 2018

Unique compagnie de transport urbain au Togo, la Sotral dessert 17 lignes. Avec seulement 88 bus et des problèmes récurrents de gestion, la société peine à tenir la route et est débordée par une ville dont les deux millions d’habitants sont très mobiles.

Lomé, Max-Savi Carmel

Le projet a vu le jour en 2008. Subvention­née en grande partie par l’État togolais pour faire face à la pollution et désen­gorger les routes urbaines, la Société des transports de Lomé (Sotral) a réussi à conqué­rir au bout de quelques mois les Loméens. Passant de 500 à 1 000 passagers quotidiens pendant les six premiers mois.

Depuis, faisant face à une concurrence et à de multiples diffi­cultés internes, Sotral nécessite une réorga­nisation totale au risque de disparaître. Car, comme ses voisins, le Togo dispose d’une puissante chaîne de taxis moto. Une tradi­tion qui remonte au début des années 1990 et qui s’est progressivement imposée.

Si aucun chiffre officiel n’existe, la police estime, dans tout le pays, « à plus de 150 000 » le nombre de « zémidjan ». C’est le nom usuel pour désigner ces multiples motos qui, à travers la ville de Lomé, proposent des courses sur de courts trajets à des prix concurrentiels. En moyenne 500 F.CFA (soit 0,75 euro) pour une dizaine de kilomètres.

Sans doute plus cher qu’un trajet en bus n’excédant pas les 200 F.CFA en moyenne. Mais sans une nouvelle politique de transport urbain, les derniers bus de la compa­gnie sont menacés de disparition.

Un gilet de sauvetage pour Sotral

Tout avait pourtant si bien commencé. Pendant les trois premières années, la Sotral a multiplié par cinq le nombre de passagers qu’elle transporte par jour. Aujourd’hui, en moyenne 21 000 passagers quotidiens dont 8 000 étudiants empruntent les lignes de Sotral. Mais depuis, des problèmes internes impactent l’efficacité du projet.

D’abord, des pannes récurrentes et des délais de réparation trop longs d’autant qu’avec 88 bus, la société ne répond qu’à 38 % des besoins estimés de la ville et moins de 15 % dans la banlieue de Lomé. Ensuite, ces dernières années, l’appui finan­cier de l’État a progressivement chuté au point que la société a dû licencier, début mars, 184 employés.

Des départs qui auront un impact sur la qualité du travail d’autant que plusieurs conducteurs figurent parmi les licen­ciés. Enfin, compte tenu du rétré­cissement de son budget, la société dont l’État est actionnaire a lancé un redressement structurel contre l’avis du personnel. « J’ai perdu 20 % de mon  salaire en quelques mois et sans aucune explica­tion », s’emporte l’un des délégués syndicaux qui dénonce « une gestion incohérente».

Pour que la société tienne, l’État devrait mettre la main à la poche. Ce qui est loin d’être le cas, dans un contexte économique difficile. Pour faire face à la situation, l’État prévoit plutôt une réorientation de sa politique sociale. Pourtant, il subventionne la Sotral à hauteur de 200 millions de F.CFA (305 000 euros) chaque année.

La concurrence devient de plus en plus rude depuis que les bus tiennent de moins en moins la route. « Les retards sont persistants et deviennent la norme », dénonce un usager qui justifie le retour aux taxis moto. Avec envi­ron 90 000 motos à travers la seule ville de Lomé, les « zémidjans » reprennent le dessus et ajustent leurs prix.

En face, la compagnie de bus dessert difficilement les 116 quartiers sous son giron. Sur les 736 arrêts répartis dans le centre-ville et les périphéries, seule une trentaine disposent d’abris couverts.

Les 700 autres restants exposent les passagers au soleil et aux intempéries. « Je dois attendre parfois 45 minutes pour voir un bus », déplore Jean Sossou, 32 ans. Payé au salaire minimum dans une société d’assainissement, il ne peut se permettre le luxe du taxi-jaune, trois fois plus cher qu’un bus de transport collectif.

Une concurrence à deux roues

Pour faire face à la concurrence, la Sotral devrait renouveler une partie de ses bus et autocars et aussi augmenter le nombre des arrêts. Car contrairement aux taxis moto et taxis-jaunes, les « zémidjans » amènent leurs clients jusqu’à leur domicile.

Aussi, depuis que la Chine importe des motos à bas prix, ils sont de plus en plus nombreux, ces Togolais qui disposent de leur propre véhicule à deux roues. Pourtant, face aux enjeux environne­mentaux et aux vertigineux embouteillages, le transport de masse est le nouveau défi.

En prenant en charge 50 % du coût réel du transport par passager, le gouvernement entend faire du transport urbain un objectif primordial de son plan de réduction de la pollu­tion. L’État verse en contrepartie 50 millions de F.CFA chaque année à la société de transport de Lomé.

Il investit aussi, en tant qu’action­naire, 150 millions dans l’acquisition de bus et autres matériels. Sans compter les 300 millions que verse l’université de Lomé chaque année pour le transport de ses étudiants.

Mais il en faut plus. Il manque, à l’évidence, une politique globale de transport urbain, d’autant que plus de 60 % de passagers potentiels n’ont pas accès au service de Sotral dans la commune de Lomé. Au total 85 % dans les zones de plus en plus lointaines de la capitale togolaise. Le Togo a besoin d’un réseau de transport urbain fiable.

Notamment pour la ville de Lomé qui totalise, aux heures de pointe, plusieurs kilomètres d’embouteillage qui heureusement ne durent « que » quelques heures. Pour réduire aussi bien l’engorgement des routes que le nombre d’accidents, l’État doit renforcer le système de transport trop embryonnaire.

Il faut, pour faire face aux demandes, multiplier par quatre d’ici à 2020 la capacité quotidienne actuelle de la Sotral, passant de 21 000 à au moins 100 000 voyageurs.

Une réelle illusion compte tenu des difficultés internes de la société. La priva­tisation à l’étude actuellement par le gouver­nement pourrait devenir une réalité plus tôt que prévu, « dès 2019 », selon plusieurs sources. En attendant, plusieurs milliers de Togolais devraient continuer à être en retard au travail, faute de transports adéquats et ponctuels.

Écrit par
African Business french

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